L’Aviron Bayonnais n’a jamais placé six attaquants sur son banc mais cela pourrait vite changer, admet l’entraîneur Grégory Patat. Une rareté qui s’explique aussi par la présence de deux ouvreurs comme Camille Lopez et Joris Segonds.
Avec Jeremy Davidson à Castres, vous êtes le seul à ne pas avoir utilisé le 6-2 cette saison. Est-ce un choix ?
Ce n’est pas volontaire. Jusqu’à présent, on a eu des trois-quarts qui revenaient dans le jeu et qui n’étaient pas sûrs de pouvoir jouer 80 minutes. Mais aujourd’hui, je demande à Gerard Fraser de porter le score à 6-2. Aujourd’hui, le Top 14 est tellement physique que j’ai besoin d’avoir des moyens devant. Ça peut apporter de la densité dans un championnat où on peut avoir droit à douze changements. C’est donc une option très intéressante. Ensuite, vous devez avoir des profils hybrides dans vos effectifs. C’est-à-dire un Baptiste Germain qui peut jouer deux rôles, ou un profil comme Esteban Capilla qui peut jouer au poste d’ailier. Même s’il n’a pas tous les repères, il a un profil que je peux facilement intégrer à ce poste. Aujourd’hui, nous ne fermons pas la porte. Si cela n’est pas encore arrivé, c’est parce que nous n’avons pas pu le faire. Mais c’est quelque chose que nous ne pouvons pas nous nier.
Le type de terrain ou les conditions climatiques peuvent-ils jouer un rôle dans la composition de votre banc ?
Ce sont surtout les profils que l’on peut avoir sur le banc ou dans le XV de départ qui dicteront ce choix. Quand les conditions sont difficiles, le 6-2 peut être intéressant et ce fut notamment le cas face aux Scarlets avec peu de jeu en trois-quarts, peu d’animation, peu de courses. Après, un joueur qui me manque vraiment pour tenter le 6-2, c’est Reece Hodge car il est capable de jouer tous les postes par derrière. Avec un joueur comme ça, on peut gérer plus facilement notre effectif. Il fallait faire un 6-2 contre les Scarlets et je n’avais finalement pas le choix à cause de mon infirmerie. Mais c’est une question qui va se poser pour le déplacement à Vannes.
Opter pour un 6-2 signifie également que moins des trois quarts de votre équipe jouent. Est-ce aussi une contrainte pour un manager ?
Je ne pense pas, car pour privilégier le 6-2, il faut aussi envisager plus de rotations d’un match à l’autre. Ils sont également de plus en plus réguliers dans les effectifs du Top 14. Peu d’équipes sont reconduites d’un week-end à l’autre. C’est sûr que c’est un travail de direction mais, dans les postes de trois-quarts, il y a beaucoup de jeunes joueurs dans l’effectif donc c’est peut-être plus facile à expliquer.
Vous avez aussi un atout à Bayonne qui est une contrainte pour envisager un 6-2 avec deux joueurs comme Camille Lopez et Joris Segonds…
J’ai Camille et Joris qui m’apportent beaucoup de choses dans leurs différences de jeu et de profils, et aujourd’hui je ne peux pas non plus m’en priver. Aujourd’hui, on aurait bien besoin de Baptiste Germain qui couvre le neuf et le dix ou de Reece Hodge qui jouait demi d’ouverture au niveau international. Mais j’ai deux profils complémentaires qui me permettent d’écrire des scénarios. Camille a un profil offensif, proche de la ligne d’avantage, avec une capacité à animer et à trouver des espaces. De son côté, Joris, même s’il ne faut pas le cantonner uniquement à son rôle, est très bon dans la gestion des fins de match ou dans l’occupation du terrain avec l’envie de jouer plus haut dans le camp adverse. J’en ai deux dix avec des profils complémentaires qui peuvent m’apporter des choses différentes.
Est-ce la fin des joueurs qui ne peuvent jouer qu’à un seul poste ?
Je crois beaucoup à la polyvalence du fait de notre championnat, qui va plus vite là où ça frappe plus fort, tout en étant très homogène. La rotation est donc plus importante dans le peloton avant et cela devrait conduire à une polyvalence à l’arrière. Mais c’est aussi le cas en attaque lorsqu’il faut gérer des 5-3. J’ai beaucoup de joueurs qui peuvent jouer à 4 ou à 7, comme Chouzenoux, Iturria, Héguy ou Denis Marchois qui peuvent jouer à 4, à 5 ou à 7. Il faut en tenir compte dans la construction de votre futur effectif. Il existe encore des vrais 5 mais aujourd’hui ceux qu’on appelle les 4 et demi peuvent être intéressants dans la composition d’un effectif. Derrière, nous avons Erbinartegaray qui peut jouer au centre ou en arrière ; Tiberghien couvre les 11, 13 et 15. Les ailiers sont tous des arrières polyvalents sauf Mateo Carreras. Aujourd’hui, cette tendance s’accompagne aussi de la volonté de réduire le nombre de contrats professionnels, avec l’incertitude également du maintien du plafond salarial. Cela fait beaucoup de constantes à prendre en compte, sans oublier celle de Jiff. Cela veut dire qu’avec seulement 13 non-Jiffs dans son effectif, un non-Jiff devient très intéressant s’il est polyvalent.
Par exemple, Vannes est l’équipe qui utilise le plus le 6-2. Regardez-vous la composition du banc adverse dans votre préparation de match ?
Nous regardons mais nous n’y prêtons pas beaucoup d’attention. Je regarde beaucoup plus les joueurs occupant des postes précis en première ligne. Je regarde aussi le profil des joueurs charnières, pour savoir si c’est un neuf qui peut finir à dix. On peut alors attirer l’attention des joueurs en mettant beaucoup plus de pression sur les dix de départ… Bon, avant, il y avait des contrats mais ça n’existe plus ! Avant, quand il n’y avait qu’un dix dans l’équipe adverse, généralement, il avait droit à son petit plaquage retardé en règle générale (rires). Mais cela n’arrive plus.
Le 6-2 est-il une option risquée ?
Je trouve que le risque est maîtrisé. Même l’équipe de France parvient à utiliser régulièrement le 6-2 malgré les contraintes internationales avec moins de changements autorisés. Mais aujourd’hui, on peut facilement manipuler l’équipe lors d’un match. Nous ne nous trouvons jamais en difficulté. On le voit dans les matches de Coupe d’Europe.