Au-delà de son tourisme, de son agriculture, de ses richesses halieutiques… la force de la région Souss Massa réside aussi dans son économie bleue, nouveau levier de compétitivité économique et de durabilité.
Pour décrypter les enjeux et le potentiel de l’économie bleue, le Forum économique régional a consacré un panel entier à ce thème central. Animé et animé par le journaliste Chaïb Hammadi, ce panel a permis de revenir sur les opportunités offertes par la logistique et les écosystèmes de l’économie bleue.
Démystifier le concept
D’emblée, Saïd Dor, en sa qualité de président de la Chambre de commerce et des services, a souhaité démystifier la notion d’économie bleue, les secteurs d’activité qui gravitent autour d’elle, les opportunités créées ou encore la chaîne de valeur.
« Quand on parle d’économie bleue, il y a d’abord la richesse de notre pays à travers un littoral de 3.500 km et 180 km pour la région Souss Massa. Il s’agit d’une richesse extraordinaire offerte par l’océan et qui peut constituer un moteur de développement économique. De multiples domaines d’activité gravitent autour de ce type d’économie. A leur tête, la richesse halieutique/poisson, la pêche ainsi que toutes les industries qui peuvent découler de la richesse halieutique. Il y a aussi l’aquaculture, le tourisme, la plaisance et même l’intégration de l’économie bleue dans la logistique. Mais qui dit économie bleue, dit aussi respect de la nature et d’un certain nombre de conditions. Parmi ces conditions, une logistique qui répond aux exigences de cette économie où l’essentiel de la production est périssable. Cela nécessite la mise en place de chaînes du froid conformes aux normes et standards internationaux. Il existe aussi, selon le président de la Chambre de Commerce de Souss Massa, tout un arsenal réglementaire rigide qui inclut la dimension écologique, l’aspect environnemental… Le tout sur fond d’une vision et de stratégies claires afin de transformer la richesse du bleu. l’économie en un moteur de développement et un levier de croissance.
De nombreux secteurs interconnectés
Selon Mohamed Bouayad, consultant et conseiller auprès de la Fédération nationale de la pêche, au sens large du terme, l’économie bleue concerne l’ensemble des activités et des secteurs qui ont un rapport direct avec la mer. Bien évidemment, dans cet écosystème, de nombreux secteurs sont interconnectés comme le tourisme balnéaire, maritime et culturel, en plus de la pêche et de l’aquaculture.
Toutes ces activités ont un objectif commun, celui de maximiser les ressources et leur protection, de créer de la valeur et de la croissance économique, de créer des emplois ou d’améliorer le statut social de tous ceux qui ont une relation avec la mer. Il n’en demeure pas moins que maximiser et protéger les ressources nécessite de minimiser tous les impacts négatifs sur l’environnement et sur les ressources halieutiques, insiste l’expert et consultant Mohamed Bouayad. En d’autres termes, le dénominateur commun de toutes ces activités est économique mais avec une prise en compte de la durabilité. “Sinon, l’économie bleue n’aura aucun sens.”
De l’économique au social en passant par l’environnement
Cependant, le constat aujourd’hui est qu’il existe « surexploitation des ressources dans la région d’Agadir où opèrent une pléthore de bateaux de pêche hauturière, côtière et artisanale », regrette l’expert Bouayad
Quant à la pêche artisanale, elle dispose d’une flotte très ancienne et obsolète avec un âge moyen de plus de 34 ans et une économie en mer très faible. Ce que cela fait, c’est qu’ils pêchent près des côtes et des petits poissons. Résultat : ces juvéniles ne grandissent jamais et ne se reproduisent pas.
Il est donc nécessaire aujourd’hui de revoir ces activités en vue de moderniser les flottes et de réduire la surexploitation ainsi que l’effort de pêche sur la ressource. « C’est ça la durabilité. Mais ce n’est pas tout. La durabilité s’étend aux revenus du pêcheur, à son confort en mer, aux moyens de navigation et de protection en haute mer. C’est un tout. Pour résumer, la durabilité va de l’économique au social en passant par l’environnement. Il n’y a donc pas d’économie bleue sans durabilité. insiste le consultant.
Logistique : Agadir-Dakar en 48 heures
Selon Driss Boutti, président de la CGEM Agadir Souss Massa, « L’économie bleue croise d’autres économies et secteurs d’activité, comme l’économie verte, l’économie solidaire, les associations, les coopératives. Mais la logistique est très importante dans cette économie côtière.
Aujourd’hui, selon le président de la CGEM Agadir, l’ouverture des lignes maritimes est une nécessité puisque le conteneur ne fonctionne pas : « Car un conteneur qui doit aller d’Agadir à Dakar ou Abidjan, il doit passer par Tanger Med puis Algésiras et revenir. Cela prend 45 à 65 jours. Et comme la plupart des produits exportables de Souss Massa sont périssables, nous ne pouvons pas nous permettre de conserver les marchandises dans les conteneurs pendant 2 mois avant la livraison. Selon Boutti, même le transport par camion pose aujourd’hui un certain nombre de problèmes. Notamment les multiples points frontaliers à franchir, les risques d’accident, l’insécurité, le point d’El Guergarate, la Mauritanie…
La solution passe donc par la création de lignes maritimes qui transportent des camions RO-RO avec chauffeurs, d’Agadir à Dakar, voire au-delà. (voir aussi page 5). Dès début janvier 2025, la ligne maritime Agadir-Dakar sera donc opérationnelle. Cela permettra aux camions d’arriver rapidement à Dakar, de traverser les pays du Sahel (Burkina Faso, Tchad, Mali, Mauritanie…). La traversée Agadir-Dakar se fera en 52 heures au lieu de 65 jours via Tanger Med et Al Gesiras.
80 projets approuvés pour 2,5 milliards DH d’investissements
Selon Kenza Gassib, PDG du CRI Agadir Souss Massa, en 2024, la Commission Régionale Unifiée des Investissements a réalisé plus de 80 projets liés à l’économie bleue. Ce qui représente plus de 2,5 milliards DH d’investissements. Ces projets permettront la création de plus de 4 600 emplois. « Ce qui montre la dynamique de la région en termes d’attractivité des projets dans l’économie bleue. » Le directeur général a tenu à rappeler les missions assignées au CRI d’Agadir Souss Massa qui consiste à accompagner les investisseurs dans leurs projets au niveau régional. « Nous assurons également un suivi de A à Z aux entrepreneurs et porteurs de projets, afin de les aider à réaliser leurs projets dans les meilleures conditions. »
Encore une mission importante dédiée à la promotion de la région auprès des investisseurs potentiels, qu’ils soient marocains ou étrangers, et même auprès de la diaspora des Marocains du monde (MDM). « L’enjeu de ces actions promotionnelles est de montrer tout le potentiel et les atouts de la région pour en faire la destination privilégiée des investisseurs ».
Un port connecté avec plus de 20 pays
“Le Le secteur portuaire est régi par la loi 02. Le Ministère de l’Equipement est l’autorité souveraine qui supervise l’organisation et la planification des nouvelles infrastructures portuaires. Par ailleurs, tout l’aspect réglementaire est dévolu au Ministère de l’Equipement. explique d’emblée Hassan Baïch, directeur du port d’Agadir à l’Agence nationale des ports (ANP).
Ensuite, il y a les autorités portuaires, notamment l’Agence nationale des ports (ANP), qui sont chargées de gérer les ports avec un certain nombre de missions comme l’attribution des concessions, la gestion du domaine public, le développement des ports. Sans oublier les opérateurs de manutention, Marsa Maroc en l’occurrence ainsi que d’autres sociétés. Pour renforcer les infrastructures du port et répondre à une forte demande, l’Autorité portuaire (ANP) a noué un partenariat avec le conseil régional. Cela améliorera également l’attractivité et la connectivité. « Aujourd’hui, le port est relié à plus de 20 pays. Récemment, avec toutes les parties prenantes, notamment la CGEM, la Chambre de Commerce, le CRI, la région, sous l’égide du Wali, nous avons réussi à développer une nouvelle ligne maritime avec l’Afrique.souligne le jeune directeur du port, Hassan Baïch.
RA