Carole Delga, la présidente de la région Occitanie, première région rugby de France, dévoile la stratégie « rugby » d’un territoire pas comme les autres.
L’Occitanie est la première région du rugby en France avec le plus grand nombre de licenciés, de clubs, mais aussi de titres (Brennus). Peut-on imaginer votre fierté et l’importance de ce sport en Occitanie ?
Le rugby fait partie intégrante de notre histoire, de notre culture, de nos identités dans la plupart des familles de notre région. Ce sport partage des valeurs positives avec l’Occitanie et bénéficie d’une bonne image malgré les récentes polémiques. Le bouclier de Brennus n’a pas quitté le territoire depuis 2018 et, comme vous le dites, c’est une fierté. Ces résultats ne doivent rien au hasard. Que serait le rugby professionnel sans le vivier amateur exceptionnel de nos villes et villages, les centres de formation et notre capacité à accueillir des talents venus d’ailleurs ? Je mets souvent l’accent sur la « meute » que j’incarne avec les élus locaux, la société civile et les habitants de notre région. La conduite des affaires publiques ressemble beaucoup à celle d’une équipe de rugby. Du moins, c’est ainsi qu’on le voit en Occitanie : le premier de tous les talents, c’est le collectif.
Comment voyez-vous le rugby ? Quel est votre engagement envers les clubs amateurs, envers ce rugby régional qui souffre ?
Je suis très préoccupé par les difficultés des clubs amateurs dans les villes rurales et les quartiers populaires. Ces clubs participent au vivre ensemble d’un territoire, à son animation sociale et festive. Ils nous permettent de nouer des relations fortes et de rassembler toutes les générations. Ce rugby favorise également la pratique sportive du plus grand nombre en s’appuyant sur nos bénévoles qu’il faut mieux accompagner et dont la mission doit être valorisée. C’est une de mes priorités à la tête de la Région Occitanie. Nous accompagnons tous les niveaux de clubs : de l’achat de petit matériel sportif, en passant par l’aide à la formation, jusqu’au soutien des clubs professionnels qui font la promotion de l’Occitanie à l’international.
La Région Occitanie est moteur de ce rôle sociétal, d’insertion et d’éducation des jeunes. Quelle est votre vision et l’évolution que vous souhaitez apporter au sein d’une société toujours plus individualiste ?
Je crois en l’émancipation de l’individu par l’éducation, par la mobilité, par le travail. L’accès au sport comme à la culture est indissociable de la construction d’un individu mais aussi d’une société apaisée et solidaire. En revanche, le repli sur soi et le refus de l’autre n’ont jamais rien apporté. C’est en donnant à chacun la possibilité de choisir son destin et en répondant concrètement aux préoccupations des citoyens que nous redonnerons espoir et confiance en l’avenir.
En tant que Président des Régions de France, vous avez considérablement œuvré pour la réussite de la Coupe du Monde 2023 sur tous les territoires. Quels souvenirs en gardez-vous et quel bilan faites-vous pour l’Occitanie ?
Tout d’abord, la merveilleuse ambiance qui régnait dans les bars, dans les villages, les fan zones et bien sûr dans les stades. D’ailleurs, afin que le plus grand nombre puisse participer à la fête, la Région Occitanie a permis à 3 000 jeunes rugbymen d’assister aux matchs au Stade toulousain. Je pense également à l’accueil de plusieurs équipes nationales, comme le Japon, avec lequel l’Occitanie entretient des liens de coopération intenses et constants, les Samoa et le Portugal. Ce fut également le cas de nombreuses délégations françaises et étrangères pour leur préparation aux Jeux de Paris 2024. Parce que nous avons investi dans des équipements modernes et adaptés aux exigences du sport de haut niveau, plus de 60 pays des 5 continents y ont participé. le choix de l’Occitanie.
Quelle est votre opinion sur l’équipe de France de rugby ? Va-t-elle battre les Blacks lors de cette tournée ?
Je suis partisan, j’ai une opinion personnelle. Mais je me garderais bien de faire le moindre commentaire technique sur le XV de France même si Didier Lacroix et mon vice-président Kamel Chibli m’interrogent régulièrement depuis la finale 2023 du Top 14 : à la 75e minute, alors que tout le monde s’inclinait. de la tête (22-26), je leur ai annoncé que les rouge-et-noir allaient gagner contre cette belle équipe de La Rochelle. Romain Ntamack m’a un peu aidé (rires). En battant les Néo-Zélandais, les Bleus y sont parvenus en ouverture de la Coupe du monde. Ils sont capables de recommencer.
Comment analysez-vous le retour de Super Dupont, également capitaine, et sa contribution aux Bleus et à la promotion de notre sport ?
Le collectif n’exclut pas l’émergence de talents. Antoine Dupont est un modèle pour les jeunes et un leader incontournable qui, malgré la « starisation », a gardé les pieds sur terre. En l’occurrence celui de Magnoac dans les Hautes-Pyrénées que je connais bien puisque avec le Comminges nous sommes voisins. Il est sans aucun doute un fantastique ambassadeur du rugby. Aux Jeux Olympiques, sa présence galvanise ses coéquipiers et cette médaille, la première en or, met la délégation française sur le chemin du succès. Sa force est aussi de rendre les autres meilleurs et c’est ce que j’admire. Son retour à XV était attendu car il nous a beaucoup manqué lors du dernier Tournoi des 6 Nations.
Quel regard portez-vous sur les différentes affaires extra-sportives inacceptables cet été ?
Faut-il redoubler d’actions et d’engagement auprès de la jeunesse, notamment pour inculquer et préserver ces valeurs propres au sport, d’intégration, de respect et de solidarité ? Tout d’abord, je renouvelle ici mes pensées et mon soutien aux parents, à la sœur, aux proches de Mehdi Narjissi, à ses coéquipiers et aux dirigeants du Stade Toulousain. C’est une énorme tragédie. Concernant ce que vous appelez le « business », c’est à la justice de faire la lumière et à la direction de la FFR de prendre les sanctions qui s’imposent. Je le dis ici : avec le racisme, il y a tolérance zéro ! Le maillot bleu est sacré et impose l’exemplarité, la tolérance et la maîtrise de soi. Le sport n’échappe certes pas aux dérives de notre société, mais il doit rester ce vecteur d’inclusion, ce rempart contre les addictions, les violences sexistes et sexuelles, et les discriminations en tout genre. Son rôle sociétal est essentiel.
L’Occitanie a été particulièrement gâtée dans cette année historique, entre les Jeux olympiques et l’incroyable doublé du Stade toulousain. Avec autant de médailles olympiques et paralympiques, avec des champions d’exception comme Léon Marchand, Shirine Boukli, les frères Lebrun, comment travailler à intensifier et développer la pratique du sport ?
Nous sommes fiers de nos champions, des clubs, des éducateurs qui les ont amenés à ce niveau. On a vu le week-end dernier, lors du tournoi WWT de Montpellier, comment les Occitanies transcendaient Félix et Alexis Lebrun. La popularité et le succès de nos champions déclenchent un afflux de nouveaux licenciés dans une diversité de disciplines. Notre devoir est d’accompagner cette formidable dynamique en aidant les clubs à s’équiper, à investir dans des équipements sportifs locaux, à former des éducateurs et à encourager le bénévolat par des choix forts. L’Occitanie est l’une des régions les plus sportives de France avec près de 4 millions de pratiquants, mais on peut aller encore plus loin. C’est une question de santé publique et de vivre ensemble…