Avec 30 ans de carrière à son actif, Sellig, né Gilles Magnard, est l’un des comédiens les plus populaires de France. Ses spectacles se moquent de situations quotidiennes, comme les dimanches, les trajets en autoroute ou les courses dans les magasins de meubles. L’artiste touche un large public, de 7 à 77 ans, et prend toujours autant de plaisir à cette discipline qui s’est imposée à lui alors qu’il envisageait une carrière de chef. Interview avant son spectacle à la salle Zinga Zanga, ce vendredi 6 décembre.
Vous envisagiez une carrière de chef cuisinier à Lyon, comment êtes-vous devenu comédien ?
C’était un hasard, j’étais au bon endroit au bon moment… A la fin des années 90, je faisais des sketchs dans des cafés-théâtres à Lyon, juste pour m’amuser, je n’aurais jamais pensé en faire un métier. Le spectacle « Graines de star » a parcouru la France à la recherche de talents et ils m’ont repéré. Au début, cela ne m’intéressait pas, puis un an plus tard, ils sont revenus et ont insisté. Mes amis m’ont encouragé, j’y suis allé et j’ai gagné deux fois. Anne Roumanoff, que j’ai rencontrée lors de festivals, m’a proposé de me produire et de me diriger. J’ai hésité puis finalement j’ai démissionné et je l’ai suivi. Je ne la remercierai jamais assez.
Vos émissions mettent en scène des situations banales du quotidien, et dans « l’Episode 6 » vous évoquez notamment les coulisses de la cuisine. Pourquoi as-tu attendu si longtemps ?
Quand j’étais cuisinier, on nous criait dessus, on nous frappait, c’était dur. En venant dans les cuisines de mon amie Anne-Sophie Pic, j’ai découvert qu’il n’y avait ni dénigrement ni maltraitance, cela m’a donné envie de parler de mon expérience, quand j’avais 13 ans et que j’avais peur des dirigeants qui ressemblaient à des instructeurs navals. Dans cette émission, je parle aussi de Noël et de mon expérience sur les sites de rencontres, un monde à la fois effrayant, fascinant, drôle et stupide, que j’ai découvert en devenant célibataire à 50 ans.
Comment procédez-vous pour écrire vos spectacles ?
C’est très étrange car je ne me souviens pas avoir écrit les précédents. En fait, j’accumule des idées sur ce que je vis et à partir de là, je crée une histoire autour de cela. Une fois qu’on a l’idée, on a 80% du croquis, puis il faut broder autour, travailler les astuces, alimenter la comédie autour de l’idée.
Vous écrivez aussi des romans, vous en êtes à votre 7ème, qu’est-ce que cela vous apporte ?
L’écriture de croquis est très vivante, comme un tireur d’élite. Le roman me permet de détendre mon esprit, c’est beaucoup plus calme. J’écris beaucoup en tournée, plutôt que de ruminer. J’écris tout le -.
Avez-vous dû travailler ce talent pour les expressions faciales et les effets sonores ?
Tout est naturel, j’étais déjà clown étant enfant, je faisais rire la classe, la famille, avec rien, une serviette sur la tête, en imitant le voisin… etc. Comédien, on est ou on n’est pas.
DD’où vient ce sens de l’observation ?
Depuis toute petite, mon grand-père, qui m’a élevé, m’a appris à observer les détails que les autres ne voient pas et à faire rire les gens mais jamais aux dépens des autres. À partir de là, j’ai commencé à comprendre les détails et maintenant je vois instantanément le potentiel comique d’une situation. J’ai aussi été nourri par Louis de Funès et Bourvil, qui m’ont appris à faire rire sans parler. J’ai un humour qui n’offense pas, c’est familial, populaire.
Alors qu’aujourd’hui, l’actualité est de plus en plus présente dans les émissions d’humour…
Cela reste du divertissement, avec pudeur et bienveillance. Je n’aime pas me moquer dans la vie donc je ne vais pas le faire sur scène. Et dans la pièce il y a des enfants, des personnes âgées, c’est la famille. De nombreux parents me remercient de pouvoir emmener leurs enfants au spectacle sans avoir à leur expliquer les sketchs.
Les spectateurs vous suggèrent-ils des situations ?
Ils m’en proposent mais je les ai déjà vécus, c’est l’avantage de ne pas être reconnu, ni célèbre. Je suis dans le métro à Lyon, dans les supermarchés, les marchés de Noël, je vis les mêmes situations qu’eux.
Vous êtes de la même génération que Bruno Salomon, Jérôme Commandeur, vous êtes pourtant un peu passé sous le radar médiatique, mais n’est-ce pas un privilège, aujourd’hui, de conserver votre anonymat ?
A 55 ans, je dirais que c’est un luxe, mais quand j’avais la trentaine, j’étais frustré. Quand je voyais mes amis comme Jean Dujardin et Jérôme Commandeur à la télé, je me demandais pourquoi eux et pas moi ? Mais aujourd’hui je vois que c’est un luxe, je n’ai pas besoin de me cacher, je peux aller prendre un café en centre-ville sans que personne ne m’identifie.