(Jérusalem) Human Rights Watch et Médecins sans frontières ont ajouté jeudi leurs voix aux accusations attribuant un génocide ou des actes à caractère génocidaire à Israël pour sa conduite de la guerre à Gaza, des « mensonges » pour la diplomatie israélienne.
Publié à 7h17
Mis à jour à 12h58
“Les autorités israéliennes ont délibérément créé des conditions de vie visant à provoquer la destruction d’une partie de la population de Gaza, en privant intentionnellement les civils palestiniens de l’enclave d’un accès adéquat à l’eau, ce qui a probablement entraîné des milliers de morts”, Human Rights Watch (HRW) a écrit dans une déclaration accompagnant son enquête de plus de 200 pages.
“Ce faisant, les autorités israéliennes sont responsables de crimes contre l’humanité d’extermination et d’actes de génocide”, ajoute l’organisation internationale.
Le ministère israélien des Affaires étrangères a rejeté un rapport « criblé de mensonges flagrants » et accusé HRW de rechercher une fois de plus [à] promouvoir sa propagande anti-israélienne.
Les Etats-Unis, premier allié d’Israël, ont exprimé leur « désaccord avec les conclusions » de HRW.
“Pour déterminer qu’il s’agit d’un génocide, les normes juridiques sont incroyablement élevées”, a déclaré Vedant Patel, porte-parole adjoint du Département d’État américain. « Cela n’enlève rien au fait qu’il existe une crise humanitaire catastrophique à Gaza. »
“Ce que nos équipes ont constaté sur le terrain concorde avec ce qu’affirment un nombre croissant d’experts juridiques et d’organisations, selon lequel ce qui se passe à Gaza équivaut à un génocide”, a déclaré à l’AFP Christopher Lockyear, secrétaire général de Médecins sans frontières (MSF).
M. Lockyear s’exprimait à l’occasion de la publication d’un rapport de trente pages sur Gaza soulignant que « les signes de nettoyage ethnique et de destruction en cours – notamment des massacres, de graves blessures physiques et psychologiques, des déplacements forcés et des conditions de vie impossibles pour les Palestiniens assiégés et bombardés » – sont indéniables.
« Faux et trompeur »
Le rapport documente notamment 41 attaques contre le personnel de MSF, dont des frappes aériennes contre des établissements de santé et des tirs directs sur des convois humanitaires.
Le porte-parole de la diplomatie israélienne a qualifié le rapport de MSF de « totalement fallacieux et trompeur ».
“Israël ne cible pas les équipes médicales ou les individus qui ne sont pas impliqués dans des activités terroristes” et “travaille activement pour maintenir une infrastructure médicale fonctionnelle”, a-t-il déclaré à l’AFP.
Interrogé par l’AFP, un porte-parole militaire a répondu aux accusations de HRW selon lesquelles l’armée israélienne “rejette fermement les allégations selon lesquelles elle aurait délibérément ciblé les infrastructures d’eau dans la bande de Gaza”.
L’armée assure qu’elle « accorde une attention particulière à la prise en compte des besoins humanitaires de la population civile de Gaza, notamment en matière d’hygiène, d’assainissement et d’approvisionnement en eau », et dément toute accusation d’entrave à l’aide humanitaire.
Cogat, la structure du ministère israélien de la Défense qui supervise les affaires civiles à Gaza, affirme que trois conduites d’eau fonctionnent depuis Israël.
“Pas de nourriture, pas d’eau”
Depuis le début de la guerre déclenchée le 7 octobre 2023 par l’attaque sans précédent du mouvement islamiste palestinien Hamas, Israël a été accusé à plusieurs reprises d’avoir commis un génocide à Gaza, par diverses ONG, experts de l’ONU, et même devant la justice internationale, au initiative de l’Afrique du Sud.
Les autorités israéliennes ont toujours vigoureusement rejeté ces accusations. Le 5 décembre, Israël a dénoncé un rapport d’Amnesty International allant dans ce sens comme étant « fabriqué ».
Dans son rapport, HRW juge qu’Israël a intentionnellement limité l’accès à l’eau aux habitants de Gaza, et affirme que cela dénote une volonté d’« extermination ». L’ONG accuse Israël d’« actes de génocide » et non de génocide, une accusation qui nécessiterait la preuve d’une intention génocidaire.
« La ligne de conduite présentée dans ce rapport, ainsi que les déclarations suggérant que certains responsables israéliens cherchaient à anéantir les Palestiniens à Gaza, pourraient témoigner d’un tel désir », affirme le rapport.
HRW rappelle que Yoav Gallant, alors ministre de la Défense d’Israël, avait ordonné un « siège complet » du territoire palestinien à partir du 9 octobre 2023. « Il n’y aura ni électricité, ni nourriture, ni eau, ni carburant », avait-il déclaré.
M. Gallant et le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu font l’objet de mandats d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) émis fin novembre pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre à Gaza, une procédure contre laquelle Israël a fait appel, dénonçant une « décision antisémite » et « accusations absurdes ».
Au moins 30 morts dans plusieurs frappes israéliennes à Gaza
La Défense civile de la bande de Gaza a fait état jeudi d’au moins 30 morts dans la ville de Gaza lors de plusieurs frappes de l’armée israélienne, qui affirme avoir “ciblé” des “terroristes du Hamas” dans deux écoles abritant des déplacés.
« Les bombardements de l’occupation [israélienne] “Les écoles Al-Karama et Shaban, à l’est de la ville de Gaza, ont fait au moins 13 martyrs, dont des enfants et des femmes”, a déclaré à l’AFP le porte-parole de la Défense civile, Mahmoud Bassal, précisant qu’une trentaine de personnes avaient également été blessées.
L’ONU demande l’avis de la CIJ sur les obligations d’Israël envers les Palestiniens
L’Assemblée générale des Nations Unies a approuvé jeudi une résolution demandant à la Cour internationale de Justice (CIJ) de se prononcer sur les obligations humanitaires d’Israël envers les Palestiniens, le gouvernement israélien étant accusé d’entraver l’accès à l’aide à Gaza.
La résolution, soumise par la Norvège, a été adoptée à une large majorité : 137 pays ont voté pour, 12 contre et 22 se sont abstenus.
Il demande à la CIJ de clarifier ce qu’Israël est tenu de faire pour « garantir et faciliter la livraison sans entrave des fournitures essentielles à la survie de la population civile palestinienne ».
Bien que les décisions de la CIJ, la plus haute juridiction de l’ONU basée à La Haye, soient juridiquement contraignantes, la Cour ne dispose d’aucun moyen concret pour les faire respecter.