Lors de la délicate séance des questions orales ce lundi au Parlement Marqué par des questions pointues, Nizar Baraka, ministre de l’Equipement et de l’Eau, a pris la parole pour dresser un tableau – plutôt sombre – des défis de l’eau et des infrastructures au Maroc. Entre routes battues par les intempéries et jeux d’eau à cache-cache, le ministre a tenté de défendre une stratégie ambitieuse, mais semée d’embûches.
Interrogé sur les infrastructures routières, Baraka a catégoriquement rejeté ce qu’il appelle les « routes orientées », ces projets au bénéfice incertain, au profit de routes qui ont un « impact ».impact réel» sur les citoyens. “Il ne s’agit pas de construire pour le plaisir de construire», a-t-il insisté, avant d’énumérer les priorités : connecter les marchés, les écoles et les centres de santé, ou encore les destinations touristiques.
Des routes, bien sûr, mais pas seulement des cartes postales parfaites
Pourtant, derrière les annonces bien huilées, se dessine une vérité plus dure : les routes rurales restent, pour beaucoup, des chemins de croix. S’il était prévu de réhabiliter 22 000 kilomètres de routes non classées, seuls 8 000 kilomètres seront effectivement réaménagés. Des commères ou des plumes verraient dans les fonds colossaux alloués – 36 milliards de dirhams, selon le ministre – l’impression d’un projet éternel.
Quant aux autoroutes, elles sont devenues, selon les députés, un terrain de chasse pour de nouveaux « bandits d’autoroutes ». Si Baraka affirme que des progrès ont été réalisés grâce à la collaboration avec la Gendarmerie royale, le constat reste amer : les professionnels du transport international fuient ces axes pour travailler… en Espagne. Ironique, quand on sait que le Maroc ambitionne de devenir un hub logistique régional.
Solutions rares d’eau et compte-gouttes
L’autre grand projet, celui de l’eau, est tout aussi crucial. Nizar Baraka, ministre de l’Equipement et de l’Eau, a fait le point sur la situation de l’eau au Maroc, dressant un tableau à la fois alarmant et plein d’espoir. Face à une baisse des précipitations de 65% et à une demande croissante en eau, le ministre a souligné les efforts colossaux entrepris pour répondre à ce défi national.
Cependant, grâce à une récente augmentation, le taux de remplissage du barrage a atteint 29,13%, en hausse par rapport à l’année dernière. Ces données, aussi encourageantes soient-elles, masquent une réalité brutale : l’eau reste une denrée rare et les besoins ne cessent de croître. La réponse du ministère s’articule autour de trois axes principaux : la construction de nouveaux barrages, l’interconnexion des bassins hydrauliques et l’accélération du dessalement.
Si cinq barrages ont été inaugurés cette année, le véritable tournant vient du dessalement avec une capacité attendue de 1,7 milliard de mètres cubes d’ici 2030. Une entreprise qui, on l’espère, ne restera pas une chimère bureaucratique.
Mais au-delà des infrastructures, c’est la gestion de la demande qui pose question. Baraka promet un rendement de 80% pour l’eau potable et les canaux d’irrigation. Mais ces ambitions se heurtent à une réalité locale complexe. Le recours massif aux camions-citernes et aux stations mobiles de dessalement démontre clairement que les solutions temporaires ont encore de beaux jours devant elles.
Stratégie à peaufiner, face à des projets gigantesques
Face à ces défis, il est difficile de ne pas remarquer une certaine contradiction. Certes, le gouvernement affiche des ambitions considérables en matière d’eau et de routes, mais il le fait en recourant encore à des solutions temporaires. Les chiffres encourageants avancés par Baraka – des millions de mètres cubes et des milliers de kilomètres de routes réhabilitées – traduisent des progrès considérables. Contre toute attente, les difficultés sur le terrain persistent, en particulier dans les zones rurales où l’accès à l’eau dépend souvent de camions-citernes.
Quant aux priorités du tourisme routier, elles soulignent l’importance stratégique du secteur pour l’économie nationale, même si elles cohabitent avec des besoins essentiels encore urgents, comme l’accès aux écoles, aux centres de santé et aux marchés. Un rapprochement entre ces objectifs semble encore nécessaire pour répondre aux attentes des citoyens. Même si le tourisme est important pour l’économie, son omniprésence dans les priorités constitue un défi, surtout dans un contexte où les citoyens ont du mal à accéder à ces lieux.
Bref, Nizar Baraka jongle avec deux chantiers titanesques, mais le bilan reste mitigé malgré des avancées significatives. L’eau et les routes, artères vitales du développement, continuent de souffrir d’une gestion plutôt réactive et peu proactive. Les promesses sont là, mais elles ne suffisent pas à contenir l’impatience nationale qui attend surtout des résultats concrets dans les plus brefs délais.
Le Royaume est engagé dans une véritable course contre la montre pour garantir sa sécurité hydrique. La vision ambitieuse présentée par Nizar Baraka doit s’appuyer sur une exécution rapide et une mobilisation sans faille de toutes les parties prenantes. Car au-delà des chiffres et des projets, ce qui se joue ici, goutte à goutte, c’est la résilience d’un pays face à la crise mondiale.