(Paris) A trois jours du premier tour des législatives historiques, Marine Le Pen a accru la tension sur une éventuelle cohabitation en réduisant la fonction de chef des armées du président de la République à un simple « titre honorifique », des propos implicitement assumés par Jordan Bardella, mais vivement dénoncés par Gabriel Attal et le Nouveau Front populaire.
Publié à 8h24
Mise à jour à 17h07
Gabriel BOUROVITCH et Paul AUBRIAT
Agence France-Presse
En cas de large succès du parti d’extrême droite, Marine Le Pen a esquissé, dans une interview au Télégramme, une cohabitation approximative : « Chef des armées, pour le président, c’est un titre honorifique puisque c’est le Premier ministre qui tient les cordons de la bourse. » Conséquence, selon elle : « sur l’Ukraine, le président ne pourra pas envoyer de troupes », alors qu’Emmanuel Macron a refusé d’exclure cette option.
La probable candidate à la présidentielle de 2027 a certes semblé nuancer cette déclaration quelques heures plus tard sur X, évoquant « le domaine réservé du président de la République ». Mais elle a soutenu que le chef du gouvernement a « par le contrôle budgétaire les moyens de s’opposer » à l’envoi de troupes à l’étranger.
“C’est le Premier ministre qui décide du budget de fonctionnement des armées”, a insisté Jordan Bardella lors d’un dernier débat télévisé avec le socialiste Olivier Faure, qui représentait le Nouveau Front populaire, et Gabriel Attal.
Ces déclarations ont fait sursauter ces derniers. En cas de victoire du RN et de cohabitation, “il y aurait une forme de litige entre le Premier ministre et le président de la République pour savoir qui a le rôle de chef des armées”, a-t-il prévenu. “C’est un message envoyé aux puissances mondiales, au monde entier, qui est un message très sérieux pour la sécurité des Français.”
Lors des trois précédentes cohabitations des Ve République, le président avait conservé de larges pouvoirs en matière de politique internationale et de défense, en vertu du « domaine réservé ».
Mais cette fois, prévient Olivier Faure, le parti d’extrême droite veut « tout prendre ».
Dans une déclaration à l’AFP, le président ukrainien Volodymyr Zelensky s’est toutefois dit convaincu que « le prochain gouvernement continuera à soutenir pleinement l’Ukraine » et « quelle que soit la situation politique ».
Deux millions de proxys
Une nouvelle cohabitation, avec Jordan Bardella à Matignon, nécessite d’obtenir une majorité absolue pour le RN en sièges à l’Assemblée à l’issue du second tour le 7 juillet.
Pour l’instant, l’extrême droite est largement en tête au premier tour dimanche, avec 36% des intentions de vote, selon une enquête Fondation Ipsos-Jean-Jaurès-Cevipof-Institut Montaigne pour Le Monde portant sur près de 12 000 personnes. personnes.
Selon cette vaste étude, qui ne fournit pas de projections en termes de sièges, la gauche rassemblerait 29% des voix, le camp macroniste 19,5% et LR 8%.
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Emmanuel Macron, président français
Le « poids » du RN « est tellement élevé qu’on peut non seulement envisager une majorité relative, mais on ne peut pas exclure, loin de là, une majorité absolue », souligne le sondeur Brice Teinturier (Ipsos).
Mais les 577 élections, dans chaque circonscription, comportent de nombreuses inconnues, les équations devant aussi être profondément bouleversées entre les deux tours en fonction des maintiens, des retraits ou encore des consignes de vote.
Une simple majorité relative ouvrirait la perspective d’un éventuel blocage institutionnel, renforcé par le refus de Jordan Bardella de former un gouvernement s’il ne dispose pas d’une majorité absolue.
L’intérêt pour ces législatives anticipées se poursuit : deux tiers des électeurs envisagent de voter dimanche, selon Ifop-Fiducial, ce qui correspondrait au meilleur taux de participation à ce type d’élection depuis 1997.
Preuve de cet engouement, la barre des deux millions de procurations a été franchie mercredi soir et plus de 410.000 Français de l’étranger ont participé au vote en ligne, clôturé ce jeudi à midi (contre 250.000 en 2022), un record.
Des échanges animés
Les échanges ont souvent été vifs lors du dernier débat télévisé.
Gabriel Attal a accusé son rival d’extrême droite d’avoir présenté aux législatives « une centaine de candidats » qui avaient tenu des « propos racistes, antisémites et homophobes », que le leader du RN a rejeté en masse.
Le Premier ministre a également dénoncé la volonté du RN de « stigmatiser 3,5 millions de Français binationaux » en leur interdisant l’accès à certains emplois jugés « stratégiques ».
“Caricature”, a répondu M. Bardella, estimant que son adversaire “a intérêt à jouer sur les peurs” et assurant qu’il ne souhaitait pas “remettre en cause la double nationalité”.
Interrogé sur qui pourrait accéder à Matignon en cas de victoire, Olivier Faure a assuré qu’il faudrait “une force tranquille, une force qui sait où elle va”. “Je serai donc le premier ministre de tous les Français pour engager le redressement du pays”, a immédiatement rétorqué Jordan Bardella.
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Olivier Faure, patron du Parti socialiste
Entre-temps, des manifestations pour bloquer le Rassemblement national ont de nouveau eu lieu dans plusieurs grandes villes de France, rassemblant plusieurs milliers de personnes, selon un décompte de l’AFP.