La croissance du secteur privé dans le domaine de la santé préoccupe grandement l’ordre professionnel des médecins du Québec.
Dans une démarche inédite, le conseil d’administration du Collège des médecins du Québec (CMQ) a adopté ces derniers jours une position sur la place du secteur privé en santé.
Le CMQ exige que l’expansion du secteur privé de la santé soit suspendue immédiatement.
Comme l’explique le président du Collège, Mauril Gaudreault : nous avons été très, très préoccupés par les études qui ont démontré que le financement d’un système de santé privé n’améliore pas l’accès ni ne réduit les coûts du système.
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Notre mission est de protéger le public en garantissant une médecine de qualité, […] mais ça veut aussi dire [s’assurer d’avoir] médecine accessible
ajoute le président du Collège.
Accès aux chirurgies
Ce dernier pense notamment aux listes d’attente chirurgicales qui demeurent à des sommets malgré les intentions maintes fois annoncées par Québec de les réduire.
Lors des consultations concernant le projet de loi 67 sur le Code des professions, le Collège des médecins a réclamé plus de pouvoirs pour assurer la qualité des services offerts au secteur privé.
Photographie : Ivanoh Demers
Selon les données publiques, plus de 162 000 patients attendent des mois, voire des années, pour une intervention chirurgicale.
Nous ne sommes pas contre cela, la sous-traitance des interventions chirurgicales à des cliniques où cela ne coûte rien au patient [avec la carte d’assurance-maladie]mais nous préconisons que ce soit toujours cela dans le secteur privé, que le patient n’ait pas à payer.
Selon une compilation de Radio-Canada, l’an dernier, une douzaine d’établissements de santé ont confié plus de 600 000 actes médicaux au secteur privé pour les cinq prochaines années. La valeur totale de ces interventions atteint près de 500 millions de dollars.
Par ailleurs, le nombre de permis accordés par Québec aux cliniques privées de chirurgie (CMS) a presque doublé depuis 2017, pour atteindre plus de 80.
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La mission première du Collège des médecins du Québec est d’assurer la protection du public.
Photographie : Ivanoh Demers
Il existe de nombreux exemples, notamment en orthopédie, où des patients se résignent à débourser de grosses sommes d’argent pour éviter d’attendre.
L’exemple typique, souligne le Dr Gaudreault, c’est lorsqu’on a besoin d’une intervention chirurgicale au genou. L’orthopédiste vous retrouve ici, à AMI, et vous dit : « Je peux faire ça en 14 mois. Si vous venez dans une clinique privée, je peux vous opérer dans un mois. Cela vous coûtera 25 000 piastres.
Il s’agit d’un racolage qui, à notre avis, est discutable, pour ne pas dire illégal. […].
L’accès à un médecin de famille concerne également le président du CMQ.
Les médecins ont leur part de responsabilité
Dans le document consulté par Radio-Canada, on note également que le Le CMQ exige que les soins privés existants soient rigoureusement encadrés et encadrés par le gouvernement, notamment […] les modalités de changement du statut de médecin participant à non participant au système public
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Actuellement, près de 750 médecins généralistes et spécialistes font le saut temporairement au cours de l’année pour exercer en privé, sans compter ceux qui exercent uniquement en privé.
Le médecin qui décide d’exercer dans le secteur privé en qualité de médecin non adhérent doit notamment informer le RAMQinformer ses patients qu’ils doivent payer intégralement les frais et afficher les prix dans la salle d’attente de son cabinet.
Selon les données du RAMQla tendance est à la hausse depuis une dizaine d’années et touche 3,5 % des 21 333 médecins du Québec.
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Mauril Gaudreault est président du Collège des médecins depuis 2018.
Photographie : Ivanoh Demers
Selon le président du Collège, la communauté médicale a sa part de responsabilité.
C’est pourquoi on parle d’un contrat social qui est comme fissuré, un contrat social entre la communauté médicale et la population dans le sens de la responsabilité individuelle et collective qui s’effrite,
dit le Dr Gaudreault.
Dans les échanges, les réflexions que nous avons eues, nous étions inquiets, préoccupés par un exode de plus en plus important de médecins qui partent vers le privé.
précise-t-il.
Selon lui, les nouveaux diplômés en médecine ne devraient pas être autorisés à exercer en privé. avant 10 ans par exemple, ce sera à discuter
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Comment pourrions-nous faire en sorte que le jeune médecin [dont] La société québécoise a payé ses études […] peut alors faire son retour.
Rencontré à ses bureaux, le président de la CMQ le rappellera à plusieurs reprises qu’il faut faire en sorte que ce soit le public qui supervise le privé
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Pour un réseau universel et accessible
La publication de principes directeurs
sur la place de la santé privée arrive au moment où les deux syndicats de médecins négocient leur contrat de travail avec Québec.
Elle intervient également un mois avant le déploiement de la nouvelle agence Santé Québec, dont CAQ a confié la gestion à deux entrepreneurs du secteur privé (Christiane Germain à titre de présidente du conseil d’administration et Geneviève Biron à titre de présidente-directrice générale).
Le premier ministre François Legault a déjà déclaré que 80 % des solutions pour améliorer le système de santé viennent du public, mais environ 20 % viennent du secteur privé.
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Le Dr Gaudreault souligne que nous avons également un plus grand pouvoir d’influence qu’avant […] et le Collège fera les représentations nécessaires pour que ces principes directeurs soient pris en compte par les instances décisionnelles afin d’assurer l’accès universel, l’équité et la pérennité du réseau public de santé québécois.
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Dans son dernier budget pour l’exercice 2024-2025, le ministre des Finances Éric Girard prévoit consacrer 54 milliards de dollars à la santé et aux services sociaux.