Le redressement promis par Québec au ministère de la Protection de la jeunesse (DPJ), noyé dans les polémiques depuis des semaines, prendra du temps, conviennent les experts, mais des solutions rapides existent pour remettre le réseau sur les rails.
Les enfants constituent le bien naturel le plus important d’une société. Il faut y mettre de l’argent, de l’énergie et des compétences
dit l’ancien juge à la Chambre de la jeunesse Jacques R. Roy, en entrevue à l’émission D’abord les infos sur les ondes de Radio-Canada.
À ses yeux, il serait judicieux de créer un ordre professionnel des éducateurs spécialisés qui œuvrent en protection de la jeunesse. Une telle mesure permettrait de leur offrir une formation continue et un encadrement clinique, suggère-t-il, en plus de les responsabiliser. s’ils ont mal agi
.
Les syndicats existent, c’est bien, mais leur mission est de protéger leurs adhérents. Nous devons également protéger les enfants et les adolescents
insiste le magistrat à la retraite.
Pour rappel, l’Association des éducateurs spécialisés du Québec réclame la création d’un ordre professionnel depuis 2017. Les titres de poste garantissent que les employeurs embaucheront presque n’importe quelle personne, quel que soit son diplôme, pour des postes d’éducateur.
son président, Marc Sauvageau, se confiait récemment en entrevue.
Une autre suggestion, poursuit Jacques R. Roy, serait de ralentir le roulement élevé du personnel. Comment? En exigeant, de la part des parties prenantes, un engagement minimum de trois ans
à compter de leur date d’embauche, suggère-t-il.
Actuellement, il n’est pas rare que plusieurs personnes partagent le dossier d’un enfant sous tutelle, ce qui n’est pas sans impact sur la qualité des services proposés. Il faut une continuité au niveau des jeunes et éviter qu’il soit visité par Pierre, Jean, Jacques.
Par terre
Plus tôt cette semaine, Lesley Hill a pris la relève à la tête de la protection de la jeunesse, en remplacement de Catherine Lemay. Celle qui a occupé le poste pendant trois ans et demi a quitté son poste à la suite du scandale sexuel survenu au Centre de réadaptation pour jeunes en difficulté d’adaptation de la Cité-des-Prairies. Le ministre responsable des Services sociaux, Lionel Carmant, a exigé sa démission.
La nomination de Lesley Hill comme nouvelle directrice nationale du DPJ C’est une bonne nouvelle, estime l’ancien juge Jacques R. Roy. Je suis convaincu que la situation va s’améliorer, mais nous devons investir du temps.
Catherine Lemay (archives)
Photo: Radio-Canada / Sébastien Vachon
Formée en travail social, Mme Hill est l’une des signataires du rapport final de la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse — aussi appelée Commission Laurent. Ce document servira de feuille de route pour redresser la situation dans le réseau, a-t-elle déjà indiqué.
Nancy Audet, auteure et marraine de la Fondation Jeunesse DPJ, n’en demande pas moins. Mais elle espère surtout que le nouveau patron ne cherchera pas à régler les choses en restant derrière votre bureau et en parlant au téléphone
. Lesley Hill doit rencontrer des éducateurs et des jeunes, a insisté l’ex-journaliste dans une interview à l’émission Les faits d’abord on ICI Première.
Le DPJ est non seulement confrontée à un manque criant de professionnels expérimentés, mais les pratiques d’intervention varient énormément d’un centre jeunesse à l’autre, voire d’une unité à l’autre, ajoute-t-elle. Il se passe des choses anormales dans tous les centres du Québec.
Il est tout aussi urgent de nommer un commissaire au bien-être et aux droits des enfants, a soutenu Mme Audet, qui a elle-même été une enfant prise en charge par le DPJvictime d’abus dans sa jeunesse. C’est également une recommandation clé du rapport Laurent publié en avril 2021.
Transparence et responsabilité
Lesley Hill est d’accord. Il est certain que plus vite sera le mieux
» a-t-elle soutenu, visitant également le spectacle Les faits d’abord. Pour rappel, Québec a adopté en mai dernier le projet de loi visant à créer un commissaire au bien-être et aux droits des enfants. Le gouvernement dit espérer qu’il puisse entrer en service le plus rapidement possible, pour être opérationnel à partir de 2025.
Au cours de la dernière décennie, nous avons assisté à une détérioration des services de protection de la jeunesse
a admis Mme Hill. Selon elle, les fusions d’établissements et les réformes majeures des dernières années ont déstabilisé les services à l’enfance et les services sociaux dans leur ensemble, particulièrement la dernière réforme de 2015 sous les libéraux de Philippe Couillard.
La nouvelle directrice nationale ne se fait pas d’illusions : elle a du pain sur la planche pour redresser le réseau des DPJembourbé dans des scandales de mauvaises pratiques et confronté à une pénurie de personnel et à des installations délabrées. Elle a notamment promis plus de transparence
et la responsabilisation dans le réseau, incitant les salariés à dénoncer situations intolérables
.
Mon premier message à mon réseau sera la transparence
a-t-elle insisté jeudi devant les représentants de la presse. Il va falloir mettre une grande lumière dans notre maison, dans toutes les armoires, dans toutes les pièces de la maison, et on risque de trouver des toiles d’araignées. Il va falloir les nettoyer et faire le nécessaire pour être véritablement l’institution exemplaire que les enfants ont droit à avoir au Québec.
À Radio-Canada samedi, Lesley Hill a également estimé qu’il fallait repenser nos façons d’offrir nos services, notamment en prévention
. Parce que le but ultime est d’éviter que le reporting soit nécessaire.
Il faut dire que près de 135 000 signalements distincts ont été déposés au DPJ en 2023-2024. Ce chiffre était d’environ 80 000 il y a dix ans.
Aujourd’hui, on parle de 370 reportages quotidiens, auteur de la contestation Nancy Audet. Imaginez sept gros bus jaunes garés devant chez vous et ils sont remplis d’enfants chaque jour. C’est le nombre de signalements de maltraitance [au Québec].