La stratégie est adoptée dans les couloirs de Beauvau : il s’agit de mettre fin à l’impunité sur les réseaux sociaux, que certains utilisent pour insulter, mais aussi pour appeler au viol, au meurtre ou à la torture. C’est ce dont sont accusés plusieurs Algériens qui ont encouragé leurs abonnés à s’en prendre à des Français ou à des opposants au régime… algérien !
Dans cette affaire, sept personnes ont été identifiées et cinq d’entre elles ont été déférées à la justice. Parmi les personnes interpellées, le fameux « Doualemn ». Son profil est chargé : l’homme de 59 ans est entré illégalement pour la première fois en 1989, avant d’être expulsé du territoire en 2008, après avoir purgé ses peines pour six condamnations. Il est rentré illégalement en France en 2009, avant d’être régularisé « en tant que parent d’un enfant français ».
Un titre de séjour récupéré en quelques minutes
Mais depuis quinze ans, aucun délit n’a été constaté… jusqu’à la récente publication d’une vidéo dans laquelle Beauvau l’accuse d’avoir appelé à attaquer un opposant au régime algérien, et de légitimer le recours à la torture. C’est pour cette raison, et non pour son passé, qu’il a été arrêté le 5 janvier, avant d’être expulsé vers l’Algérie le 9… sans succès. Il était de retour en France le soir même. Or, Boualem N., de son vrai nom, possédait un passeport algérien valide : contrairement aux étrangers sans papiers dont la reconnaissance est nécessaire par l’obtention d’un laissez-passer consulaire, il n’avait besoin de rien d’autre. que ses papiers officiels.
L’affaire semblait facile : en quelques heures, le ministère de l’Intérieur lui retire son titre de séjour, prend un arrêté d’expulsion, obtient une place en centre de rétention administrative (CRA), une place dans un avion ainsi qu’une escorte. Mais sur le tarmac algérien, les deux agents de la police des frontières (PAF) chargés de le rapatrier ont eu la désagréable surprise d’apprendre que l’Algérie refusait son propre ressortissant, lui réclamant une interdiction territoriale.
Quand et pour quelle raison ? Mystère. « On a vu sur son passeport qu’il y est allé au moins une fois en 2022… Rien ne laisse croire qu’il lui est réellement interdit de séjour »a réagi le ministère de l’Intérieur avant que le ministère algérien des Affaires étrangères ne précise hier soir son comportement : il refuse à la France le droit d’expulser son ressortissant sans lui permettre de bénéficier d’une « une procédure régulière, qui constitue un rempart contre les abus de pouvoir ». Quelques jours plus tôt, le même ministère avait jugé que les propos d’Emmanuel Macron à l’égard de Boualem Sansal, un Franco-Algérien, étaient fondés. «une ingérence éhontée et inacceptable dans une affaire intérieure algérienne»…
Le reste après cette annonce
Reste que les policiers n’ont eu d’autre choix que de le ramener en France – au risque, sinon, d’être eux-mêmes arrêtés en Algérie ! Il a depuis été placé au CRA, dans l’attente de son jugement qui aura lieu le 24 février, un placement contesté par ses avocats, tout comme l’arrêté d’éloignement qui le visait. Son maintien sur le territoire français dépend, en tout état de cause, des discussions avec Alger. Bruno Retailleau n’a pas hésité à affirmer que l’Algérie cherchait « pour humilier la France ».
« Nous sommes allés à la limite de ce que nous pouvons faire avec les prérogatives du ministère de l’Intérieur, et nous sommes confrontés à une situation inédite dans laquelle un pays refuse sa nationalité alors même qu’aucune menace terroriste ou criminelle ne pèse sur son pays. , on s’énerve encore dans les couloirs de Beauvau. Bruno Retailleau n’a donc pas hésité à entrer sur le terrain diplomatique en affirmant que la France devait « évaluer tous les moyens à votre disposition » verser « défendre ses intérêts ».
Le ministère ne peut pas décider seul
Si Beauvau a son mot à dire sur la politique des visas ou sur l’aide au développement accordée à l’Algérie, le ministère ne peut pas décider seul. De son côté, le ministre des Affaires étrangères semble toujours chercher la limite que Retailleau estime franchie : la France, a-t-il déclaré, n’aura pas “pas d’autre possibilité que de riposter” et “Les Algériens poursuivent cette posture d’escalade”. Quoi qu’il en soit, c’est à Emmanuel Macron de décider. Sa dernière intervention à ce sujet concernait Boualem Sansal, victime des mauvaises relations entre ses deux pays : le président avait jugé sa détention ” arbitraire “accusant le régime algérien d’avoir introduit l’Algérie dans « une histoire qui la déshonore ».
Pour certains spécialistes, plusieurs enjeux rendent la réponse difficile : les enjeux économiques, la lutte commune contre le terrorisme ou encore la pression que représente la forte diaspora algérienne en France. Plusieurs moyens de pression ont été évoqués : le nombre de visas accordés (en augmentation l’an dernier), les tarifs douaniers, l’aide au développement, les transferts d’argent et le fameux accord de 1968 – qui favorise l’immigration algérienne – dont la révision est désormais demandée à Gabriel Attal à Jordan Bardella. . De son côté, l’Algérie a contesté toute volonté d’humiliation, préférant accuser « l’extrême droite revancharde et haineuse, ainsi que ses hérauts certifiés au sein du gouvernement français ».
Reste à savoir si la France réagira réellement, et comment.
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