Signée le 28 octobre 1977 par le président de l’époque Jimmy Carter, l’IEEPA est une loi fédérale des États-Unis autorisant le locataire de la Maison Blanche à réglementer le commerce après avoir déclaré une urgence nationale en réponse à un «menace inhabituelle et extraordinaire » pour la sécurité nationale des États-Unis, sa politique étrangère ou son économie et qui serait « entièrement ou partiellement d’origine étrangère ». Cette loi fédérale permet également au président de bloquer certaines transactions et de « confisquer » les avoirs de pays, d’entreprises ou de personnes liées ou impliquées dans cette attaque.
Déjà utilisé après les attentats du 11 septembre 2001
Après les attentats du 11 septembre 2001, cette loi a été activée par George W. Bush pour bloquer les avoirs financiers des organisations terroristes. Et en mai 2019, Trump avait déjà laissé entendre qu’il utiliserait les pouvoirs de l’IEEPA pour taxer massivement les importations mexicaines en réponse à l’immigration clandestine de son voisin.
Bref, le champ d’application de cette loi est très large, tout comme sa marge d’interprétation. Comment décrypter la stratégie de Trump ? À l’image des contours de sa politique étrangère qui s’annonce très musclée – ne pensons qu’aux dernières sorties expansionnistes sur le Canada, le Panama ou le Groenland – Donald Trump, en jouant la carte de la menace, entend donc entrer immédiatement dans un rapport de force avec ses principaux partenaires commerciaux. Et même si rien n’est décidé à ce stade pour prouver sa détermination à défendre à tout prix les intérêts américains, quitte à entrer dans un scénario de guerre commerciale.
mouetteComme le disait Winston Churchill, il faut toujours lire ce que les fous écrivent parce qu’ils font ce qu’ils disent.
Pour l’économiste Bruno Colmant, spécialiste de la société américaine, Donald Trump ne bluffe pas en proférant cette menace. “Nous devons prendre très au sérieux ce que dit Trump. Le 22 janvier, nous entrerons dans un autre monde. Parce que comme le disait Winston Churchill, il faut toujours lire ce que les fous écrivent parce qu’ils font ce qu’ils disent. Trump signe tous les décrets. Il lui faudra agir et il ne pourra pas s’adoucir ensuite. Ce sera très dur. »nous explique-t-il. Et il a ajouté que la posture très agressive de Trump comporte une contradiction puisqu’elle devrait générer de l’inflation pour le consommateur américain, sous l’effet de la forte hausse des prix des produits importés. “Mais Trump tentera de contenir cette inflation de manière réglementaire, notamment en empêchant la Réserve fédérale américaine d’augmenter ces taux de manière autoritaire et forcée. Cela permettra aux Américains de continuer à emprunter à des taux bas.ajoute-t-il.
«C’est le paradoxe. Ceux qui ont voté pour Donald Trump seront les premières victimes de sa politique économique.»
“On se met la corde autour du cou”
Face à ce danger américain, quelle attitude l’Europe doit-elle adopter ? “Elle devra opter pour une politique monétaire ultra-laxiste avec des taux fortement baissés pour maintenir nos capacités d’exportation. Mais l’Europe devra aussi, à l’instar des États-Unis, se lancer dans un mouvement de déréglementation dans une série de domaines, comme la finance, l’énergie ou la transition écologique. D’autant que certains pays d’Europe comme l’Italie ou la Hongrie vont conclure des accords bilatéraux avec les Etats-Unis. Les autres, obéissant au cadre restrictif de l’Union européenne, risquent de s’effondrer sous le poids des réglementations. Regardez ce qui se passe dans le secteur automobile avec la fin des moteurs thermiques en 2035 : on s’est mis la corde autour du cou. En voulant être vertueux, nous nous sommes punis.conclut Bruno Colmant.