une ancienne voisine de Charlie Hebdo raconte sa reconstruction dans l’Indre

une ancienne voisine de Charlie Hebdo raconte sa reconstruction dans l’Indre
une ancienne voisine de Charlie Hebdo raconte sa reconstruction dans l’Indre

Ces jours-ci, Émilie ne se sent pas bien. Dimanche, elle restait alitée avec de la fièvre. C’était déjà le cas l’année dernière. « Je pense que mon corps se somatise un peu à l’approche du 7 janvier. » Le rendez-vous est annulé. C’est donc par écrit qu’elle raconte son histoire. Dix ans plus tard, celle qui est aujourd’hui enseignante dans l’Indre n’a oublié aucun détail de cette journée du 7 janvier 2015.

A cette époque, Émilie a 25 ans et travaille comme responsable de post-production à l’agence de presse Premières Lignes Télévision, au 10, rue Nicolas-Appert, à Paris. « Au même niveau que Charlie Hebdo. » Son collègue qui revient affolé d’une pause cigarette, d’autres « journalistes de guerre » enfiler des gilets pare-balles, puis des coups de feu. « Pas des éclats, mais comme une exécution. » Il est « vers 11 h 30 ». Le massacre a commencé.

“J’y ai risqué ma vie”

Impossible d’oublier la vidéo amateur où on entend un des frères Kouachi crier “Nous avons tué Charlie” sortie du bâtiment, puis échange de tirs avec une patrouille de police dans la rue. Les images ont été tournées par un collègue d’Émilie. L’équipe de Front Lines s’était réfugiée sur le toit. « Ensuite, nous sommes restés très longtemps confinés à l’intérieur du bâtiment avant d’être évacués vers un petit théâtre en face. »

Il y a d’abord l’étonnement. «Je ne m’en suis pas rendu compte au début, je pense. » Puis la conscience et la peur. « Nous sommes devenus paranoïaques. Si une voiture restait trop longtemps garée au même endroit dans la rue, la police était appelée. Si quelqu’un de suspect nous demandait des informations sur Charlie, nous appelions la police. »

Émilie est une victime indirecte des attentats du 7 janvier 2015. Elle, qui avait toujours rêvé de quitter Paris, parle d’un « rupture ». « J’ai réalisé, peut-être à tort, que je risquais ma vie là-bas. » L’anxiété la gagne. « Je me suis toujours dit qu’un attentat dans le métro serait si simple à organiser… Dès qu’une personne me paraissait étrange, je laissais passer le métro, parfois plusieurs fois. Cela devenait insupportable. J’ai fini par prendre ma voiture pour aller travailler. Avec les embouteillages, je faisais 2h30 de trajet chaque matin. »

“La vie a décidé pour moi”

C’est à cette période qu’Émilie rencontre son futur mari, résidant dans l’Indre. « J’ai refusé qu’il me rejoigne à Paris. » Le 13 novembre 2015, un commando attaque les terrasses de cafés avant de provoquer la mort au Bataclan. « Des terrasses qu’on avait l’habitude de fréquenter le soir après le travail, avec des collègues. » Emilie se sent à nouveau “l’urgence de quitter Paris” et rejoint son compagnon dans l’Indre. Les voyages de retour vers la capitale duraient plusieurs années. « Ma deuxième grossesse et l’entrée en maternelle de ma première m’ont obligé à m’installer dans l’Indre. Quand j’y pense, je ne suis pas sûr d’avoir vraiment fait des choix. La vie a décidé pour moi, elle me convient très bien. »

Les premières fois sont difficiles. « J’ai rencontré d’autres mères à l’école et j’ai commencé à retrouver un semblant de vie normale. » Elle n’a pas trouvé de travail dans son domaine, mais chez un photographe. « J’étais en charge des photos scolaires. Ce qui m’a permis de découvrir le monde de l’éducation. » Une vocation est née. En 2023, il connaîtra son 3e congés de maternité et parentaux pour préparer le concours de recrutement des enseignants des écoles (CRPE). « Si ça marchait, j’espérais trouver LE métier qui me conviendrait. » C’est une réussite. « Je pense que c’est ce dont j’avais vraiment besoin, un travail ancré dans la réalité et avoir ce sentiment de vraiment servir quelque chose, d’avoir une place dans ce monde. »

« Le 7 janvier reste pour moi une date compliquée, évidemment, continue-t-elle. Mais même les expériences les plus négatives peuvent se révéler positives. Au final, aujourd’hui, je suis l’heureuse maman de trois enfants avec un mari et un métier que j’aime, dans un environnement dont j’ai toujours rêvé… Que demander de plus ? »

 
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