Éducateur de l’OL entre 1988 et 2019, aujourd’hui présent au sein du centre technique du FC Bourgoin-Jallieu (N3), Armand Garrido s’est longuement exprimé ce mardi lors d’un Espace organisé sur le nouveau compte But_Lyon. Nous avons transcrit pour vous les meilleurs passages.
Sur le match Bourgoin – Coupe OL
« Nous avons cette chance. A Bourgoin, nous ne sommes pas là pour gagner la Coupe de France mais pour affronter une équipe de ce standing. L’OL, j’y suis très sensible. Pour y avoir passé 30 ans, c’est mon club préféré. Je suis supporter de l’OL toute l’année mais dans ce match, je vais pencher vers Bourgoin… et si on a la chance de marquer un but, je ne le montrerais pas trop (…) Franchement, c’est un événement exceptionnel qui restera dans l’histoire du club (…) Il faut que ce soit un grand match, quel que soit le résultat.
La plus talentueuse des générations qu’il a formées
« Il y a eu beaucoup de bonnes générations mais celle qui m’a le plus marqué, c’est 1987 où il y avait Anthony Mounier, Loïc Rémy, Karim Benzema, Hatem Ben Arfa, Rémy Riou, Julien Faussurier… Pour moi, c’était la plus belle. Vous venez à l’entraînement, vous vous amusez beaucoup. Je ne sais pas si c’est la meilleure saison mais j’ai pris beaucoup de plaisir avec eux (…) Paul Le Guen, qui était l’entraîneur de l’équipe première, est même venu nous voir s’entraîner. Parfois, il me disait que je laissais trop faire Hatem Ben Arfa, mais si j’avais essayé de l’entraîner, je n’aurais pu que le déformer… »
Sur l’émergence de Benzema
«J’en suis très fier. Lorsqu’on me l’a présenté au début, j’en voulais plus. Je me suis dit : “Oui, ce gamin a du talent mais il ne fait pas grand chose.” Et puis il est arrivé, dans l’ombre de Ben Arfa, qui avait déjà son fan club. Comme Karim était quelqu’un de discret, il restait sur place et travaillait. La nature a fait le reste : il s’est élargi, il a grandi, a pris confiance en lui, a explosé… Un jour, à l’entraînement, j’ai rencontré notre préparateur physique Guillaume Tora qui m’a dit : « Tu as vu Karim ? Il a fait exploser tous les compteurs, il a les meilleurs tests de vitesse… » Je lui ai dit que ce n’était pas possible, qu’il y avait une erreur. Je me souviens que, quelques jours plus tard, nous sommes allés à Sochaux et nous avons gagné 4-0, le quadruple de Karim. Sous les yeux de l’entraîneur de l’équipe première des Lionceaux, Guy Lacombe. Alain Blachon, qui était son adjoint, vient me voir : « Qui est ce joueur ? D’où le sors-tu ? » A cette époque, Karim n’avait pas de contrat. Quand je rentre à la maison, je décroche le téléphone et je dis aux dirigeants de faire quelque chose. Nous avions un engagement moral mais rien n’a été fait. Tout s’est passé très vite derrière (…) Du 17 au 18, il avait tout.
(Très ému) Quand tu me dis : « tu avais ce joueur entre les mains », j’ai encore du mal à y croire. Je me dis que j’ai rêvé. Nous ne pouvons qu’en être fiers. Encore plus sachant d’où je viens. Je n’ai pas eu de carrière professionnelle. J’étais un petit éducateur dans un club de quartier.
Sur Alexandre Lacazette
« Pour moi, c’est vrai qu’Alex n’a pas toujours été titulaire car nous n’étions pas toujours satisfaits de son engagement à l’entraînement… et les jours de match, il n’avait pas toujours la profondeur, le volume qu’on espérait. Mais d’un autre côté, nous ne pouvions pas nous passer de lui, car son talent naturel était déjà si fort qu’en 20 minutes, il pouvait changer un match pour vous. Physiquement, il y a eu une grosse prise de conscience (…) avec la maturité, avec ses années en Angleterre (…) Quand je le vois aujourd’hui faire des courses de repli de 70 mètres, je me dis parfois que ce n’est pas lui, que c’est son frère caché (sourire) ».
Sur son départ de l’OL
« J’ai eu des règles interrompues. Je n’ai pas bien accueilli la façon dont mon départ s’est produit. Ce n’était pas une période facile pour moi. D’autant plus que j’avais un problème familial qui s’est installé. J’ai coupé (…) Et puis, quand tu as le virus, tu as le virus. J’y suis retourné (dans le football). Mais j’ai vécu six mois de rupture complète.
Sur les résultats compliqués de la formation lyonnaise aujourd’hui
« Nous avons arrêté de travailler dans la bonne direction. Les histoires ont été écartées par un directeur du centre de formation (Jean-François Vulliez, NDLR) qui voulait imposer son fonctionnement. Tout ce qui lui résistait, il l’a écarté (…) Un centre de formation n’est pas un Pôle d’Espoir. Dans un club, on forme les joueurs à la compétition… et là, on a oublié la compétition. Le dernier titre de Champion de France, c’est moi qui l’ai remporté en 2013. Depuis, ils ont gagné la Gambardella avec Éric Hély mais c’est le seul titre ! Pendant des années, la concurrence n’était plus la préoccupation (…) En plus, on a enlevé l’ADN lyonnais
Aujourd’hui, ceux qui ont récupéré l’Académie, ce n’est pas de leur faute (…) L’équipe en place semble avoir beaucoup de bonne volonté. Je vais les voir de temps en temps. Nous parlons beaucoup. Il y a des choses qui vont être remises en place et on va se remettre à bien travailler mais cela va prendre du temps. Le terrain a été miné (…) Ils font face à l’héritage de ce qui s’est passé les années précédentes. Je n’ai rien contre personne mais il faut que les choses soient dites. À un moment donné, nous avons donné des responsabilités à des personnes qui n’étaient pas capables de se former dans un centre de formation. »
Le déménagement du centre de formation à Meyzieu
« J’habitais Tola Vologe, où les joueurs n’avaient qu’à ouvrir la fenêtre pour voir les pros s’entraîner, et Meyzieu. Quand j’étais en U17 à l’Académie Meyzieu, je me demandais pourquoi personne ne venait voir les jeunes et je trouvais que c’était dommage. Et puis à un moment donné, j’ai déménagé à Décines. J’ai essayé de voir les deux. J’avais le sentiment que c’était plus facile de partir en vacances au fin fond de l’Espagne que de traverser Meyzieu pour aller au centre d’entraînement.
Sur Pierre Sage
« La doctrine c’est de retrouver le plaisir de jouer pour retrouver le plaisir de gagner. Pierre Sage, je ne l’ai connu que de loin. J’ai eu l’occasion de discuter avec lui, de partager des histoires de football autour d’un repas. C’est quelqu’un qui m’a agréablement surpris. Il n’a pas de vérités : il écoute, il partage, il est facile d’accès.
Aurais-je aimé me retrouver à sa place, de retour en équipe première après l’entraînement ? Non. Et c’est là que je place mon admiration. Gérer ce genre de situation demande beaucoup de recul et un esprit reposé. Moi, je suis plus anxieux (…) Pierre Sage, au niveau pédagogique, est quelqu’un qui est à l’aise. J’étais plutôt un travailleur. C’est plutôt un patron.
Pour réécouter l’intégralité de l’interview, voici où ça se passe :