Le « 16 », un tremplin qui propulse (souvent) les Belges sur la scène internationale

Bientôt éjecté du « 16 », son destin européen compromis : quelle sera la porte de sortie pour Alexander De Croo ?

Le point d’interrogation sur l’avenir du leader de Vivaldi nous donne l’occasion de revenir sur le sort des anciens premiers ministres au cours des deux dernières décennies. Généralement, ils ont su se démarquer grâce à un carnet d’adresses solide et leur expérience au plus haut niveau.

Guy Verhofstadt, l’Européen fougueux et passionné

Il marque le début des années 2000 par sa conversion. Surnommé Bébé Thatcher D’abord partisan de la ligne dure du libéralisme économique, Guy Verhofstadt devient en 1999 Premier ministre d’une majorité dite « arc-en-ciel », composée des bleus, des rouges et des verts. Cette ouverture à la gauche socialiste et écologiste avait été préparée au cours des années 1990, celle du recentrage des libéraux belges sur le modèle de la « troisième voie ». Dans le sud du pays, Louis Michel a également mis l’accent sur les valeurs progressistes.

Au sommet de sa gloire, en 2004, Guy Verhofstadt était cité parmi les possibles successeurs de Romano Prodi à la présidence de la Commission européenne, mais les Britanniques lui barraient la route. Après avoir dirigé deux autres majorités fédérales en Belgique, il devient finalement député européen en 2009. Il prend rapidement la tête des parlementaires libéraux et occupe ce poste avec enthousiasme pendant dix ans. Il multiplie alors les initiatives et publications en faveur du fédéralisme européen. Fidèle à cet engagement, il préside actuellement le Mouvement européen international, un groupe de pression qui promeut l’intégration européenne.

Guy Verhofstadt était notamment chef du groupe libéral au Parlement européen. ©Jean-François Badias

Yves Leterme, le provocateur qui aimait l’international

Laurette Onkelinx disait de lui qu’il était «un homme dangereux» parce qu’il avait appelé à des négociations sur l’avenir institutionnel de Bruxelles… Yves Leterme était-il fait pour le 16, rue de la Loi ? Les traits caustiques du démocrate-chrétien auront entaché une carrière au sommet. Formé à la Cour des comptes, Yves Leterme a souffert de sa réputation de comptable travailleur comme on peut l’être en Flandre occidentale, mais il a souvent suscité la polémique. Par exemple, a-t-il déclaré. Libé que les Belges francophones «ne sont pas intellectuellement aptes à apprendre le néerlandais«…

Les premiers ministres belges sur un calendrier.

Issu d’un milieu modeste, il se destinait à un ministère à son image, technique et austère. Mais les circonstances lui offriront à deux reprises le poste de ministre-président flamand et celui de Premier ministre. Son passage au fédéral laissera le souvenir d’une période chaotique et électrique sur le plan communautaire. Yves Leterme a toujours été attiré par une carrière internationale. La fin de sa carrière au niveau belge, fin 2011, lui en a donné l’opportunité. Il devient secrétaire général adjoint de l’OCDE pour trois ans. Entre 2014 et 2019, il a également été secrétaire général de l’organisation intergouvernementale IDEA (Institut international pour la démocratie et l’assistance électorale).

Conférence d'Yves Leterme, secrétaire général adjoint de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), à LiègeConférence d'Yves Leterme, secrétaire général adjoint de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), à Liège
Yves Leterme est devenu secrétaire général adjoint de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). ©devoghel

Herman Van Rompuy, le facilitateur cérébral

Le parcours d’Herman Van Rompuy démontre que l’humilité n’est pas nécessairement un fardeau en politique. “Certains de mes collègues finissent par croire qu’ils sont importants. Moi, j’ai des fonctions importantes mais je ne suis pas important», a-t-il confié à Le Libre au cours de l’été 2008. Il était alors président de la Chambre. Quelques semaines plus tard, il devient Premier ministre. Le premier gouvernement Leterme fut confronté à l’affaire Fortis. Herman Van Rompuy ne restera que dix mois au 16, rue de la Loi. Fin 2009, il est nommé président du Conseil européen.

La satellisation de ce très cérébral CD&V, alors peu connu sur la scène internationale, intervient après les échecs, en 1994 et 2004, de Jean-Luc Dehaene et Guy Verhofstadt, tous deux candidats à la présidence de la Commission. L’irruption de la Démocratie chrétienne flamande dans le jeu européen ne provoquera pas de rupture. Il ne cherchera pas à apparaître comme « le président de l’Union », préférant le rôle discret du facilitateur qui élabore les compromis. Auteur de recueils de haïkus, poèmes extrêmement brefs et élégants d’origine japonaise, il voyait un lien entre son style politique et sa passion littéraire : «Un poète haïku ne peut pas être extravagant, ni vaniteux, ni extrémiste. a-t-il confié. En 2018, Herman Van Rompuy devient président du Centre international européen de formation, succédant à Philippe Maystadt, décédé en 2017.

Depuis Rompuy : Depuis Rompuy :
Herman Van Rompuy a assuré la présidence du Conseil européen, après le « 16 ». ©Johanna de Tessières

Elio Di Rupo, le phénix socialiste

Il ne s’en cache pas : la maîtrise des langues étrangères n’est pas son principal atout. Grâce à ses capacités intellectuelles et à son travail acharné, Elio Di Rupo réussit néanmoins à échapper au destin que lui promettait la misérable caserne de Morlanwelz, où il a grandi. Ce sont peut-être ces difficultés linguistiques qui l’ont amené, après le 16, rue de la Loi, à poursuivre sa carrière au niveau belge plutôt que dans les milieux internationaux.

Sa nomination au poste de Premier ministre en 2011 a mis fin à la plus longue crise politique qu’ait connue notre pays (541 jours). En 2014, Elio Di Rupo remettra les clés du « 16 » à Charles Michel, et se concentrera alors sur ses fonctions de président du PS. En 2019, il s’installera même, pour la troisième fois en 25 ans, à l’Élysette. Les régionales après la fédérale, Namur après Bruxelles, ça contraste avec les habitudes. Lors des dernières élections, quelque peu bousculé par certains camarades socialistes, Elio Di Rupo est (re) devenu député européen. “Je n’ai volé mes votes à personne. Je crois que j’ai encore une grande légitimité. Quand ils ne voudront plus de moi, ils me relâcheront», a-t-il prophétisé dans une interview accordée à Le Libre, il y a deux ans.

Elon Di Rupo très énervé contre Elio Musk ! Ou l'inverse...Elon Di Rupo très énervé contre Elio Musk ! Ou l'inverse...
Elio Di Rupo, après avoir dirigé le « gouvernement Papillon », deviendra ministre-président wallon. ©

Charles Michel, du sommet européen à l’incertitude

Cet homme a eu tout ce dont il rêvait. Ministre wallon à 24 ans, ministre fédéral, président du MR, Premier ministre de la coalition « suédoise » puis d’un gouvernement résiduel aux affaires courantes et, enfin, président du Conseil européen (de 2019 à 2024). Installé au « 16 », il a su manœuvrer habilement et profiter des événements du moment. Apprécié d’Emmanuel Macron et d’Angela Merkel, le Premier ministre belge a pris l’initiative d’organiser des pré-sommets européens entre quelques dirigeants continentaux. Histoire de dynamiser l’Union mais aussi de se forger un destin international, une porte de sortie pour « l’après ». Et ça a marché.

Son passage au sommet de l’Europe a cependant suscité des critiques dans son sillage. Ses mauvaises relations avec la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen – un secret connu de tous – ne lui ont pas permis d’incarner le nouveau souffle dont le fédéralisme européen avait besoin. Ces derniers mois, son étoile s’est encore un peu fanée. Charles Michel, après avoir longtemps tergiversé, a dû renoncer à se présenter aux élections européennes de juin pour achever son mandat de président du Conseil. Soupçonné de faire passer ses intérêts avant ceux de l’UE, il a reçu des critiques virulentes. Sans fonction prestigieuse à assumer, le libéral reste désormais en réserve. A 49 ans, il nourrit sans doute encore des ambitions. Lesquels ? Prudent, il se garde bien d’en parler aux médias…

Le Premier ministre belge Charles Michel s'adresse aux médias après que les dirigeants de l'UE ont conclu un accord sur les emplois les plus élevés du bloc lors de la troisième journée d'un sommet de l'UE, à Bruxelles le 2 juillet 2019. Le 2 juillet, les dirigeants de l'UE se sont rapprochés d'une situation difficile. Ils ont combattu un compromis au sommet visant à placer pour la première fois des femmes dans deux des emplois les plus importants du bloc. Après trois jours d'âpres disputes, la ministre allemande de la Défense, Ursula von der Leyen, est apparue comme une candidate sérieuse pour remplacer Jean-Claude Juncker à la tête de la Commission européenne, et Charles Michel a été nommé président du Conseil de l'UE. (Photo de GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP)Le Premier ministre belge Charles Michel s'adresse aux médias après que les dirigeants de l'UE ont conclu un accord sur les emplois les plus élevés du bloc lors de la troisième journée d'un sommet de l'UE, à Bruxelles le 2 juillet 2019. Le 2 juillet, les dirigeants de l'UE se sont rapprochés d'une situation difficile. Ils ont combattu un compromis au sommet visant à placer pour la première fois des femmes dans deux des emplois les plus importants du bloc. Après trois jours d'âpres disputes, la ministre allemande de la Défense, Ursula von der Leyen, est apparue comme une candidate sérieuse pour remplacer Jean-Claude Juncker à la tête de la Commission européenne, et Charles Michel a été nommé président du Conseil de l'UE. (Photo de GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP)
Charles Michel a connu très jeune les sommets de la vie politique belge et européenne. Et maintenant ? ©AFP ou concédants de licence

Sophie Wilmès, le chemin de la sagesse

Sophie Wilmès a une ligne sur son CV que personne ne pourra jamais contester : elle a été la première femme à occuper le « 16 ». Alors ministre fédérale du Budget, elle fut choisie par Charles Michel pour lui succéder lorsqu’il quitta ses fonctions de Premier ministre pour le Conseil européen. Après avoir affronté la première vague de la pandémie début 2020, le libéral va céder le 16, rue de la Loi, à Alexander De Croo. Elle restera toutefois au niveau fédéral pendant deux ans, en tant que ministre des Affaires étrangères et vice-premier ministre MR. Avant de démissionner pour de douloureuses raisons familiales.

Les cinq raisons qui ont permis à Charles Michel de devenir président du Conseil européen

Passionnée de relations internationales et de diplomatie, elle choisira le scrutin européen lors des élections de 2024 plutôt que le niveau fédéral. Au grand désarroi du président de son parti, Georges-Louis Bouchez. Sophie Wilmès obtiendra près de… 550 000 voix. Un record côté francophone. Après un tel succès, en position de force, elle aurait pu réaliser tout ce qu’elle voulait. Le poste de commissaire européen attribué à la Belgique, par exemple. Mais la libérale a renoncé à cette vie supranationale trépidante et a choisi ses enfants. C’est Hadja Lahbib qui rejoindra la nouvelle équipe d’Ursula von der Leyen. Désormais, Sophie Wilmès est vice-présidente du Parlement européen. Qui sait si un jour, à la fin de cette législature, il ne reviendra pas sur le devant de la scène ?

LIBE la réunion constitutive du Groupe de surveillance LIBE de la démocratie, de l'État de droit et des droits fondamentaux (DRFMG)LIBE la réunion constitutive du Groupe de surveillance LIBE de la démocratie, de l'État de droit et des droits fondamentaux (DRFMG)
Sophie Wilmès pourrait choisir : vice-Première ministre, commissaire européenne…. Finalement, elle a préféré le Parlement européen. © Union européenne 2024 – Source : PE
 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV triomphe diplomatique face au naufrage algérien
NEXT alerte jaune, fortes pluies et orages, au Nord, à l’Est et au Sud-Est de 7h à 16h