Pendant trois jours et trois nuits, Jean-Marie Boursier, un Issoldun de 71 ans, est resté seul dans sa voiture coincée dans un fossé près de Saint-Août alors que les secours le cherchaient partout. Sans eau, sans nourriture, sans batteries, un chemin boueux comme seul horizon. La délivrance lui est apparue le mercredi 1est Janvier 2025, à 15h25, sous les traits d’un homme souriant, à la barbe poivre et sel, la langue chancelante d’un Flamand qui vient d’apprendre le français, Sven De Jonge.
“Je lui ai parlé pour faire passer le temps plus vite en attendant les secours”
Depuis plusieurs mois, la famille De Jonge vit dans l’une de ces fermes perdues au milieu des bouches du sud de l’Indre. Elle était partie faire une balade à vélo, au lendemain du réveillon, lorsqu’elle a découvert la voiture de Jean-Marie Boursier. “Quand on voit une situation comme celle-là, on essaie évidemment d’aider”souligne, quelques jours plus tard, Sophie De Jonge. Dans leur salon, le sapin de Noël trône toujours en apparence normale. Le quotidien a rapidement repris ses droits après un début d’année que ces Belges originaires d’Anvers n’oublieront pas.
« Nous n’avons pas vu les nouvelles ! (On ne regarde pas les informations), confie Sven, balbutiant entre l’anglais, le néerlandais et le français. Nous ne savions pas que quelqu’un était recherché. Je me suis approché seul. Je ne voulais pas que ma fille voie un homme mort. » Mais la famille est arrivée à temps. L’Issoldunois est désorienté, mais bien conscient.
«Il nous a immédiatement demandé de l’eaudit Sophie. Il n’arrêtait pas de mettre la main à sa poche pour nous proposer de l’argent, il avait vraiment peur qu’on parte sans l’aider. Nous avons appelé la police. Je lui ai parlé pour faire passer le temps plus vite en attendant de l’aide. Il m’a dit qu’il avait deux enfants, cinq petits-enfants… » Sven prévient son fils, qui reste à la maison, et lui demande d’apporter de l’eau au plus vite. “Il a bu un litre et demi d’un seul coup”Sophie continue.
Le commandant de la compagnie d’Issoudun, le chef d’escadron Guillaume Fleury, fut parmi les premiers à rejoindre le septuagénaire. “ C’est un miracleil livre. Un miracle que cette famille emprunte ce chemin totalement infranchissable. Moi, cycliste plutôt expérimenté, je me serais certainement retourné, commente le chef d’escadron. Quand j’arrive et que je vois ce monsieur, assis dans sa voiture, discutant à côté de cette dame belge, je me dis qu’il a une chance incroyable. Trois nuits sans pouvoir manger, à cet âge, avec des températures difficiles… Il faisait -3°C dans ma région le soir du réveillon. C’est incroyable. »
« Nous savions que le temps était compté »
D’importants moyens d’urgence ont été déployés durant ces trois jours, sans succès : « Nous savions que le temps était compté. Il y a eu beaucoup d’émotions entre cette famille belge, les proches de M. Boursier venus sur place, et pour la police également. Ce fut un grand soulagement, une bonne nouvelle qui donne du sens à notre action. »
Pour le militaire, la survie de Jean-Marie Boursier tient sans doute à cette découverte fortuite. « Je tiens surtout à souligner la réaction de cette familleil félicite. Ils auraient pu passer à côté de ce véhicule. Mais ils ont alerté et prodigué les premiers secours. Ce monsieur (Sven De Jonge) est allé chercher son 4×4, et nous a attendu le long de la D918. D’ailleurs, il a même mis sa voiture à disposition pour me permettre de me rendre au plus proche. Sinon, nous n’aurions pu y arriver qu’à pied. Puis les pompiers sont arrivés. »
Vendredi 3 janvier, l’Issoldunois était toujours soigné à l’hôpital. De ce sauvetage, la famille De Jonge tire une leçon : « Nous savons désormais à quel point il est important de suivre les alertes de la police. »
Des recherches laborieuses
Météo, distance, manque de visibilité. Pendant trois jours, le travail des équipes de recherche a été compliqué par le brouillard, et l’incapacité de l’hélicoptère à décoller pour survoler la zone, regrette le commandant de la compagnie de gendarmerie de La Châtre. Une zone de recherche ” étendue “ souligne-t-il, de Saint-Août à Saint-Chartier d’abord. « M. Boursier, dans son désarroi, a réussi à laisser dimanche un message vocal à sa famille, mais celle-ci ne l’a reçu que lundi. » Suite à ce message, le rayon de recherche a été étendu à La Châtre et Châteaumeillant. « Malheureusement, il était désorientécommente le chef d’escadron. Il n’avait plus de batterie, donc la géolocalisation était compliquée. Le chemin n’était pas visible depuis la route, caché par une haie et la couleur de sa voiture se fondait dans le paysage. »