Alors que des milliers d’habitations ont été endommagées et que l’accès à l’eau et à la nourriture reste difficile, Mayotte souffre également d’un problème de réseau depuis le passage du cyclone Chido le 14 décembre. De nombreuses infrastructures ont été emportées lors du phénomène météorologique, ce qui a contribué à isoler le département. et ses habitants.
Le Premier ministre François Bayrou a également soulevé la question en dévoilant son plan « Mayotte debout », lundi 30 décembre. « Pour surmonter les difficultés et répondre à l’urgence, nous déploierons 200 [antennes] Starlink pour assurer les télécommunications d’urgence”a-t-il déclaré.
Ces kits devraient permettre un accès d’urgence à internet grâce à la constellation de 5 000 satellites déployée par la société du milliardaire Elon Musk. Mais le chef de l’exécutif n’a pas fourni d’autres détails sur la future ordonnance étatique ni sur sa portée opérationnelle. Lors de sa visite à Mayotte le 19 décembre, le président Emmanuel Macron a annoncé le déploiement, “de la semaine [suivante]“connexions Internet par satellite. Il a ajouté que la mise en œuvre se ferait dans un premier temps au niveau des mairies, puis dans les zones relais, afin de permettre à la population d’accéder au réseau.
D’autres acteurs locaux disposaient déjà d’un abonnement avant même la catastrophe. Ils ont été agressés ces derniers jours, rapporte La 1ère Mayotte. L’association Emanciper Mayotte, soulignent nos confrères, tente également d’acheminer du matériel Starlink vers les villages du Sud.
« Les technologies satellitaires sont utiles dans ce genre de crises »confirme Tom Wright, porte-parole d’Orange. Nous avons six SafetyCases en service et six ou sept autres en commande. Cet équipement développé en France, qui utilise la technologie Starlink, peut fonctionner avec un générateur ou de manière autonome.
Ils ont notamment été installés à l’hôpital de campagne déployé à Cavani, au service électrique de Mayotte à Longoni, ou encore à la compagnie de transport maritime MSC, basée à Koungou. En France, ces grands boîtiers utilisent l’offre EutelSat, avec un satellite géostationnaire et un débit puissant. Mais à Mayotte, ils sont connectés à la constellation Starlink. Par ailleurs, le groupe précise à franceinfo avoir commandé une vingtaine de kits Starlink pour “créer des bulles Wi-Fi”.
Les opérateurs sont cependant confrontés à un autre défi urgent à relever. « Les SafetyCase répondent à des usages ponctuels dans des zones critiques, mais la priorité est de rétablir le réseau mobile pour l’ensemble de la population de Mayotte »poursuit Tom Wright. Il les mentionne “Antennes relais pliées en deux”ce qui nécessitera « un travail très lourd ». D’autres, en revanche, ont été réparés ou le seront prochainement. La couverture mobile n’est pas encore totalement rétablie sur l’île et la situation reste difficile dans le Nord. Mais les progrès sont réels et constants. Chez Orange, le taux de couverture de la population s’élève mardi à 78%, avec 25 antennes en état de marche sur 67, contre deux après le cyclone.
Les annonces de François Bayrou ont suscité la colère de Laurentino Lavezzi, directeur des affaires publiques du groupe Orange. Dans un message au vitriol posté sur X, il a regretté le manque de considération dont fait preuve le Premier ministre à l’égard des équipes techniques. Il a également dénoncé des décisions favorables à l’entreprise d’Elon Musk. “Ainsi, les générateurs électriques sont dirigés en priorité vers les points d’accès Wi-Fi Starlink, tandis que les générateurs sont refusés aux opérateurs… Et ce, alors qu’avec seulement quatre générateurs électriques, la couverture mobile d’Orange passerait de 75 à 85 % de la population. Un indice des tensions locales, à la mesure des besoins.
« Comme tout le monde à Mayotte, nous recherchons des groupes électrogènes »résume de son côté Tom Wright. « Concernant un achat par l’Etat de terminaux StarLink, il faudrait consulter directement l’Etat pour identifier ces conditions et l’usage prévu. Nous ne sommes pas impliqués dans ce projet.
Les autres opérateurs sont également en première ligne depuis le passage de Chido. Yves Gauvin, directeur de SFR Réunion/Mayotte, a déclaré à franceinfo que l’opérateur parvenait désormais à couvrir 85% de la population mardi, avec 33 sites d’antennes sur 67 désormais opérationnels. « La situation reste compliquée sur place »qualifie cependant le responsable, car « nous avons encore des difficultés énergétiques pour réinstaller les antennes dans certaines zones, et des difficultés pour remonter la fibre dans les sites éloignés ».
Il attend avec impatience la réception la semaine prochaine d’une vingtaine de kits Starlink, qui subiront quelques opérations techniques préliminaires à La Réunion. Cette opération, bien distincte des annonces gouvernementales, est originale. Ces kits seront en effet transformés pour prendre le relais des antennes relais elles-mêmes, car la connexion satellite servira à remonter au cœur du réseau. Cette expérimentation, déjà testée en France, mais nouvelle à Mayotte, reste une solution provisoire, précise Yves Gauvin, car le temps de latence de ce mode de transmission (80 millisecondes) est supérieur à celui de la fibre (de l’ordre de la milliseconde).
Le rétablissement des communications, rappelle également le responsable, dépend aussi en grande partie du réseau électrique, car il est parfois délicat « laisser les générateurs dans la nature ». A ce stade, l’électricité a été rétablie pour la moitié des clients, selon Electricité de Mayotte, mais de nombreux secteurs géographiques sont encore fortement touchés comme M’Tsangamouji (3% des clients raccordés), Acoua (8%), Mtsamboro (15% des clients raccordés). %) et Tsingoni (17 %). Yves Gauvin attend d’ailleurs avec impatience la réhabilitation d’un pylône TDF multi-opérateurs (Orange, SFR et Free) sur le mont Combani, d’une quarantaine de mètres de haut et qui assure une large couverture, au centre de l’île. Ceci, dit-il, devrait intervenir «la troisième semaine de janvier».
Des rotations sont organisées avec des équipes réunionnaises, poursuit Yves Gauvin, afin de prendre le relais des équipes engagées en première ligne. Si le manager mentionne un certain « Fatigue morale » parmi les salariés, les collaborateurs éprouvent toujours une « une vraie fierté » quand ils lèvent une antenne. « Les employés travaillent sans relâche depuis le petit matinabandonner Tom Wright. Certains ont perdu leur maison ou n’ont toujours pas d’électricité. Ils font un travail remarquable.
En attendant, deux équipes de l’ONG Télécoms sans frontières continuent de sillonner les zones les plus isolées à bord d’un véhicule. « Nous mettons à disposition un réseau Wi-Fi ouvert et en libre-service pendant deux à trois heures »explique à franceinfo Florent Bervas, chef de mission qui s’appuie également sur les kits Starlink. “Tout cela est alimenté par la batterie du véhicule. Une douzaine de communautés ont été visitées, permettant à plus d’un millier d’habitants et à leurs familles de renouer avec leurs proches. “En termes de bande passante, il y a parfois 200 à 300 personnes et nous configurons le réseau du mieux que nous pouvons pour éviter les encombrements sur la liaison satellite.”
“Quand on voit des gens passer des appels WhatsApp sans interruption et avertir leurs proches pour la première fois, on voit beaucoup d’émotion.”
Florent Bervas, head of the Télécoms sans frontières mission in Mayottesur franceinfo
“Notre priorité est l’itinérance, il s’agit d’essayer de s’en sortir au moins une fois tous les trois jours.” Florent Bervas pourra compter sur un deuxième véhicule, attendu la semaine prochaine. La reprise progressive du réseau, selon lui, devrait permettre à tous les habitants de pouvoir à nouveau communiquer d’ici une semaine ou deux, au moins pour les SMS et la voix. “Mais il nous faut plus de groupes électrogènes et c’est un vrai défi logistique, car après l’arrivée du fret aérien à Petite-Terre, il nous faut encore rejoindre la Grande-Terre par barges.”
Même s’il reste beaucoup à reconstruire, François Bayrou a promis le déploiement de la 5G et de la fibre optique « d’ici deux ans »avec une délégation dont le rôle sera de « contrôler le déploiement » de ces deux technologies. Pour ce faire, a précisé le Premier ministre, une libération des fréquences sera réalisée, et un changement de politique lié à la loi littoral sera étudié, “notamment pour l’installation de pylônes”. Les Mahorais, de leur côté, attendent déjà que toutes les antennes se lèvent pour appeler tous leurs proches et se souhaiter une année un peu plus douce et plus clémente.