Isoler les trafiquants en prison ? La proposition de Darmanin reçue diversement

Isoler les trafiquants en prison ? La proposition de Darmanin reçue diversement
Isoler les trafiquants en prison ? La proposition de Darmanin reçue diversement

Le ministre de l’Intérieur… de la Justice, désolé, a eu une idée. Encore. “La est capable, malgré les difficultés budgétaires, d’isoler les quelques dizaines, la centaine de têtes de réseaux pour envoyer un signal extrêmement fort et montrer le volontarisme de l’Etat”, a assuré le nouveau ministre de la Justice, Gérald Darmanin, à l’issue d’un déplacement au tribunal de Paris.

Pour ce faire, a-t-il expliqué, il faudra « renforcer les moyens, peut-être isoler dans certains centres pénitentiaires particuliers, le brouillage » des téléphones portables dans certaines cellules.

“Modèle appliqué aux plus grands terroristes”

Gérald Darmanin l’a annoncé samedi soir dans un entretien à parisien vouloir instaurer un isolement renforcé des « 100 plus gros trafiquants de drogue » qui poursuivent leurs activités criminelles depuis leurs cellules, « inspiré du modèle appliqué aux plus gros terroristes » en prison.

“Je n’ai pas forcément besoin d’un texte législatif pour cela”, l’isolement pénitentiaire étant une mesure administrative, a-t-il précisé dimanche lors d’un point presse, sans toutefois détailler l’organisation de ce régime de détention privée alors que la surpopulation carcérale bat des records avec 80 130 détenus au 31 décembre. 1er novembre.

« Avec quelques millions (d’euros) de plus, une bonne organisation, du volontarisme, des fonctionnaires très engagés […] Dans les prochains mois, nous aurons mis hors de danger ceux qui continuent de semer la mort dans les rues françaises », a promis le ministre.

“C’est un vrai sujet”

« Nous avons des détenus dangereux presque partout. Il nous faut des établissements spécifiques pour ce type de détenus», a répondu à l’AFP Emmanuel Baudin, secrétaire général de FO Justice. Les trafiquants de drogue gèrent « tellement d’argent », disposent « d’un tel réseau qu’il faut absolument les isoler, c’est un vrai sujet », ajoute Emmanuel Baudin.

Les magistrats spécialisés dans le crime organisé réclament également « un régime carcéral spécial pour les criminels qui, depuis leur cellule, poursuivent leurs activités criminelles », rappelle l’un d’eux, prenant l’exemple du régime spécial instauré par l’Italie pour les mafieux. “Même si l’on place un brouilleur au pied de la cellule d’un criminel, il trouve le moyen de faire passer ses messages à un autre détenu et en quelques minutes il poursuit ses activités”, souligne-t-il.

« Mesure inefficace », « conséquences dramatiques »

Vouloir un isolement renforcé « c’est ignorer complètement ce qu’est l’isolement : un supplice blanc, une mesure inefficace aux conséquences dramatiques sur la santé physique et psychologique des individus », estime au contraire Romain Boulet, président de l’association des avocats pénalistes.

« Cette mesure administrative sera décidée sur la base du renseignement pénitentiaire, une étiquette qui tombera sur une personne soupçonnée d’être l’un des plus gros trafiquants de drogue sans respect de la présomption d’innocence, sans qu’on sache ce qui a conduit à une telle étiquette, et quel sera presque impossible à contester », craint-il.

Pour l’avocat Bruno Rebstock, « ​​alors que la situation carcérale n’a jamais été aussi dégradée […] le nouveau ministre de la Justice ne vise qu’à recréer sous un autre nom les quartiers de haute sécurité », abandonnés en 1982. « En s’habituant à ces régimes d’exception, on assimile le délinquant de droit commun aux terroristes, à qui on réserve désormais le même sort », soupire l’avocat pénaliste Raphaël Chiche.

« Pensez aux murs autour des détenus et non l’inverse »

Le nouveau locataire de la place Vendôme entend également « détenir les personnes condamnées à des peines courtes, voire très courtes, dans des prisons de quelques dizaines de places maximum ». Ces nouveaux lieux de détention seraient construits rapidement, grâce notamment à un cahier des charges moins strict, a-t-il estimé dimanche.

“Il nous faut des établissements spécifiques, des prisons légères” qui permettraient aux petits délinquants de purger leur peine “sans être mêlés à des voyous expérimentés”, ajoute un magistrat. Mais ces nouvelles prisons devront être adaptées au profil des détenus, insiste-t-elle. « Nous devons penser aux murs qui entourent les détenus et non l’inverse. On nous demande de faire des miracles sur les questions d’exécution des peines, de réinsertion et de lutte contre la récidive dans des bâtiments pénitentiaires datant du XIXe siècle”, regrette-t-elle.

Un autre magistrat s’interroge : le garde des Sceaux va-t-il intégrer cette proposition dans la loi portant aménagement des peines d’emprisonnement de moins de six mois ou modifier cette loi ? “Il n’était pas clair.”

 
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