FRANCE CULTURE – DIMANCHE 29 DÉCEMBRE À 17H – DOCUMENTAIRE
Will Eisner. Si ce nom ne vous dit rien, le spectacle imaginé par David Unger vous donnera sans doute envie d’ouvrir les portes de la librairie la plus proche. Pour ceux qui le connaissent, la belle émission de Benjamin Hû devrait permettre de passer une heure en très bonne compagnie, d’autant que la bande originale est un véritable trésor.
« J’ai puisé dans ma discothèque new-yorkaise avant-gardiste et klezmerDavid Unger nous l’a confié. De nombreux titres composés ou produits par John Zorn, dont le plus drôle m’a permis de donner un côté dessin animé/comique au documentaire. Quant aux autres morceaux, je les voulais très « film noir » : Joshua Redman pour l’intro, les Lounge Lizards [le groupe de John Lurie, ami et acteur de Jim Jarmusch] pour le côté thriller/suspense. Quant à l’évocation de la guerre du Vietnam, la possibilité d’utiliser le titre Fils chanceux [de Creedence Clearwater Revival] était, pour moi, euphorique ! »
Disons d’abord, en quelques dates et en quelques mots, que Will Eisner (1917-2005) est l’un des maîtres de la bande dessinée les plus flamboyants, qu’il a connu la pauvreté et l’antisémitisme du Bronx dans les années 1920. « avant de s’en sortir par la force de son crayon et ses qualités de conteur »comme le résume David Unger en préambule. Avant d’ajouter que c’est lui qui a inventé le premier anti-super-héros de l’histoire de la bande dessinée, alias The Spirit, un détective revenu d’entre les morts, un séducteur raté, plein de défauts et d’autodérision.
Au service de la pédagogie
Pour Joann Sfar, qui a interviewé Will Eisner pour Charlie Hebdo peu après les attentats du 11 septembre 2001, “Eisner savait jouer avec les figures de super-héros, avec machisme et sexisme.” Pour l’auteur de Le chat du rabbin et ainsi de suite Que faire des Juifs ? (à paraître le 16 janvier 2025 aux Editions des Arènes), Eisner a sa place aux côtés de Romain Gary, Saul Bellow, Philip Roth.
Après la Seconde Guerre mondiale, Eisner commence à imaginer des histoires plus réalistes et met son dessin au service de l’éducation. Lors du premier congrès international de la bande dessinée, à New York, en 1972, il rencontre le dessinateur Denis Kitchen, qui témoigne largement dans cette unité. Trois ans plus tard, Will Eisner est invité à la deuxième édition du Festival d’Angoulême, reçoit le Grand Prix et publie en 1978 Un pacte avec Dieu (Delcourt), qui marque un tournant tant dans son œuvre que dans la bande dessinée : véritable roman graphique, c’est aussi un mémoire sur les juifs du Bronx dans les années 1930.
Lire la critique (2021) | Article réservé à nos abonnés Comics : Will Eisner, premier théoricien du roman graphique, exposé dans toute son inventivité
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Comme le rappelle le rédacteur Didier Pasamonik : « Avant 1978, dans la bande dessinée, le judaïsme n’était pas un sujet. Eisner a compris que la meilleure manière de lutter contre l’antisémitisme était d’éduquer, ce qu’il a fait notamment avec Fagin le Juif [Delcourt, 2004]. » Fils Conspiration. L’histoire secrète des « Protocoles des Sages de Sion » (Grasset) comparaîtra à titre posthume tandis que Will Eisner se dit inquiet de la montée de l’antisémitisme et des fausses nouvelles. Nous étions en 2005 et X n’existait pas encore.
Will Eisner (1917-2005), La vie est un roman graphiquede David Unger (Fr., 2024, 58 min). En demande sur Radiofrance.fr et toutes les plateformes d’écoute habituelles.