Si certaines propositions retenues pour la révision du Code de la famille ont été dévoilées, elles sont débattues dans les milieux associatifs, notamment féministes ou protecteurs des droits de l’enfant. Certaines mesures mériteraient d’être précisées tandis que d’autres ne répondent pas totalement à leurs aspirations, regrettent certaines voix.
Après des consultations élargies à toutes les parties prenantes, notamment la société civile, les partis politiques et plusieurs institutions, le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, a rendu publiques plusieurs des propositions retenues ou ayant reçu l’avis du Conseil supérieur des oulémas.
Ces propositions visent à revoir la structure et le fond de certaines dispositions des lois relatives à la femme, à l’enfant et plus généralement à la famille, afin de rendre le Code de la famille plus juste, plus équitable notamment envers les femmes qui représentent 50% de la population marocaine.
Ce projet de révision lancé à l’initiative du Roi Mohammed VI est considéré comme “une bénédiction” par des femmes qui se sentent enfin entendues et voient des propositions qui répondent à de vrais problèmes de la société marocaine.
Ces propositions, qui corrigent les lacunes de l’ancien Code de la famille de 2004 qui a montré ses limites d’application, notamment en cas de divorce et de décès de l’un des parents, consacrent les droits de la femme marocaine tout en préservant les acquis et les fondements de la religion, compte tenu que le Code de la famille s’inspire largement des règles islamiques.
Le projet, qui doit être soumis au Parlement pour approbation, présente plus d’une centaine d’amendements à la précédente Moudawana de 2004. Parmi eux, un encadrement ferme de la polygamie, la fin du risque pour les mères divorcées de perdre la garde de leurs enfants au en cas de remariage, la fixation de l’âge légal du premier mariage à 18 ans, la fin du mariage des mineurs (une des revendications majeures des milieux associatifs), et la tutelle désormais accordée à la mère.
Plusieurs propositions soumises pour avis juridique au Conseil supérieur des oulémas ont été refusées et ce sont celles-là qui posent problème à certaines voix. Parmi celles-ci, le refus du recours aux tests ADN pour établir la filiation paternelle, ou l’égalité en matière d’héritage pour les filles comme pour les garçons, une proposition à laquelle le Conseil a trouvé le moyen de contourner en autorisant le legs ou la donation de son vivant. des parents.
Les associations féministes voulaient plus de nouveauté, attendaient plus d’audace pour aborder certains sujets qui restent réels. Malgré le conditionnement de la polygamie qui ne permet quasiment plus à cette pratique d’exister (sauf infertilité de la femme ou conditions médicales extrêmes par exemple), les défenseurs des droits des femmes estiment qu’elle devrait être totalement abrogée.
De même, en ce qui concerne l’âge légal du mariage fixé à 18 ans, même si cela met fin aux pratiques abusives qui permettaient de marier de force les jeunes filles, des exceptions ont été conservées pour les filles de 17 ans et plus. Cette exception fait partie des mesures dénoncées par les défenseurs des droits des femmes et des mineurs.
Concernant le test ADN qui a été rejeté par le Conseil Supérieur des Oulémas pour prouver la filiation, plusieurs voix estiment qu’il est temps de voir les choses avec réalisme, notant que les enfants nés hors mariage existent et que leurs droits doivent être garantis et préserver leurs intérêts au-delà de tout. considérations, comme le stipule l’article 32 de la Constitution qui indique que l’État « assure une protection juridique égale et une considération sociale et morale égale à tous les enfants, quelle que soit leur situation familiale ». La question de la confirmation de paternité par ADN se pose principalement dans des cas précis, notamment dans le cas d’un enfant né d’un inceste ou d’un viol.
De même, certaines notions manquent de précision, comme la question de la tutelle des enfants, qui doit être accordée à la fois au père et à la mère alors qu’auparavant elle incombait exclusivement au père.
Concrètement, que signifiera cette tutelle partagée en cas de divorce ? Des questions sur la manière d’exercer cette tutelle se posent notamment dans le cas où la mère souhaite voyager avec ses enfants à l’étranger. Faudra-t-elle ou non avoir le consentement du père divorcé ? L’accord des deux parents sera-t-il nécessaire pour certaines démarches administratives ou l’accord d’un seul suffira-t-il ? Des questions qui n’ont pas encore de réponses précises pour le moment puisque seules les grandes lignes de la réforme ont été annoncées.
Les prochains jours devraient apporter plus de précisions sur ce grand projet très attendu par la société marocaine et notamment par les femmes. Le Roi Mohammed VI, qui a lancé ce projet de révision du code de la famille, a réitéré que le prochain Code de la famille devra s’appuyer sur « les principes de justice, d’égalité, de solidarité et d’harmonie » aux préceptes de l’Islam et aux valeurs universelles, dans le but de protéger la famille marocaine.