Le projet de Loi de Finances Initiale (LFI) 2025 du Sénégal donne l’image d’un pays en pleine effervescence, mais derrière cette façade rutilante se cache une réalité bien différente. Les chiffres présentés semblent destinés à séduire, mais ils ne résistent pas à une analyse lucide. Poursuivant sur la lancée de l’ancien régime, ce budget s’appuie sur des prévisions irréalistes, une gestion budgétaire déconnectée et une fuite en avant dangereuse pour l’économie du pays.
Sous Macky Sall, le budget 2023 reposait déjà sur une imposture : une prévision de croissance nominale de 10,1% entre 2022 et 2023. La révision catastrophique de ce taux à 4,1% du PIB réel n’a pas empêché de maintenir un PIB nominal largement gonflé, donc fausser les calculs du déficit et de la dette. Aujourd’hui, le nouveau régime s’inscrit dans cette continuité trompeuse. En projetant une croissance de 20,35% entre 2022 et 2024, elle perpétue une vision économique déconnectée de la réalité. Une campagne cacahuète morose et une économie en déclin rendent ces chiffres absurdes, voire insultants pour les Sénégalais qui peinent à joindre les deux bouts.
Et pourtant les illusions perdurent. Les recettes intérieures prévues pour 2025 atteignent 4.348,1 milliards de FCFA, mais elles suffiraient à peine à couvrir le service de la dette, qui s’élève à 3.855,52 milliards de FCFA, soit 88,7% des recettes. Malgré ce constat alarmant, aucune mesure sérieuse de réduction des dépenses publiques n’est envisagée. Pire, certaines lignes budgétaires augmentent. La Présidence propose 3,45 milliards FCFA supplémentaires, le Premier ministre 1,2 milliard FCFA, et le ministère des Affaires étrangères se démarque avec une augmentation de 18,84 milliards FCFA, répartis entre investissements et acquisitions de biens et services. Où est l’effort de rigueur promis ?
Pour couronner le tout, le gouvernement mise sur les « Diaspora Bonds » pour combler ses lacunes. L’idée semble géniale : mobiliser le patriotisme des Sénégalais de l’étranger pour financer les déficits et les projets. Mais cette approche relève davantage d’un vœu pieux que d’un plan solide. La diaspora, déjà accablée par les besoins familiaux qu’elle soutient, peut être réticente à investir dans des obligations en monnaie locale, surtout face à l’instabilité économique.
Ce budget, soi-disant ambitieux, n’est rien d’autre qu’une fuite en avant. En refusant de faire face aux réalités économiques et en évitant les réformes indispensables, le Sénégal s’enferme dans une spirale dangereuse. Ce qu’il faut, c’est un budget vérité. Cela commence par des prévisions sincères, une réduction drastique du mode de vie de l’État et une réorientation des ressources vers de réelles priorités : les secteurs sociaux, l’agriculture en crise et les besoins des populations les plus vulnérables.
Le Sénégal ne peut plus se permettre le luxe des illusions. L’heure est désormais à l’effort, à la rigueur et à la justice. Ce n’est qu’à ce prix qu’elle retrouvera la confiance de ses citoyens, de ses donateurs et de sa diaspora.
Abdoul Mbaye
Président ACT
SÉNÉGAL KESE