Passée aux oubliettes avec la dissolution de l’Assemblée nationale en juin dernier, la loi dite « anti-Airbnb » a refait surface cet automne.
Au point d’être définitivement adopté et même promulgué au Journal officiel le 20 novembre. Le texte vise à encadrer les meublés de tourisme : il supprime les avantages fiscaux, impose des contraintes énergétiques et donne plus de pouvoirs aux maires afin de limiter la prolifération des courts-circuits. locations à terme.
En Haute-Savoie, l’un des départements les plus touristiques de France, cette loi trouve une résonance particulière. Tandis que de nombreux élus et résidents permanents applaudissent, de nombreux propriétaires grimacent.
Et si le phénomène est observé en plaine, comme à Annecy, les villes et villages d’altitude sont d’autant plus touchés.
Many pied-à-terre
Dans beaucoup d’entre eux, la proportion de résidences secondaires est énorme. « Si le parc immobilier français est composé à 9,7 % de résidences secondaires, cette part s’élève à 12 % en Auvergne-Rhône-Alpes, 24 % en Haute-Savoie et bien au-delà dans les stations »révèle Florence Léger, responsable du pôle d’études démographiques et sociales à l’Insee.
Dans plusieurs d’entre elles, cette proportion dépasse même les 80 % : c’est le cas à Megève, Arâches-la-Frasse, Châtel ou encore le Grand-Bornand…
Et ces résidences secondaires sont de plus en plus louées à court terme. La part des biens loués en station serait passée de 65% en 2005 à 95% en 2020 selon Cimalpes, groupe spécialisé dans la vente et la location en montagne.
« Le modèle combinant l’acquisition d’un pied-à-terre et sa location une bonne partie de l’année est devenu très répandu, notamment avec l’essor des plateformes de location en ligne au début des années 2010 », rappelle Maxime Bastard, responsable des transactions chez Cimalpes à Megève.
Il faut dire aussi que le modèle permet de bénéficier d’avantages fiscaux, sans être soumis aux contraintes liées à la location longue durée.
Le nombre de meublés de tourisme a donc explosé ces 10 dernières années, déstabilisant souvent le marché immobilier, notamment locatif, dans de nombreuses communes.
« De nombreux logements ont quitté le marché locatif traditionnel pour des locations de courte durée, beaucoup plus rémunératrices. Les tensions locatives se sont alors accrues, posant d’importants problèmes d’accès au logement pour les résidents permanents ou les saisonniers. »explains Bérengère Servat, deputy president of the Savoie Mont Blanc National Real Estate Federation (FNAIM SMB).
La Haute-Savoie est même le deuxième département français qui compte le plus de meublés de tourisme, derrière la Savoie.
Le territoire en comptait au moins 11 000 fin 2023, selon ADN Tourisme, la fédération nationale des acteurs du tourisme institutionnel.
Avantages fiscaux réduits
Le 20 novembre, la loi visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme au niveau local a donc été promulguée. Dans le cadre du régime fiscal micro-BIC, le texte abaisse ainsi l’abattement fiscal sur les revenus locatifs des meublés de tourisme de 50 à 30 % et de 71 à 50 % pour les hébergements touristiques classés (1).
Pour Thomas Arnéodo, référent PME FNAIM des stations du Haut-Savoie, « Cette baisse d’impôt n’est pas l’élément le plus contrariant pour l’immobilier de montagne : les propriétaires ont déjà opté, dans la majorité des cas, pour le régime réel, leur permettant de ne pas être du tout imposés sur leurs revenus locatifs. »
La loi sur la performance énergétique risque de changer la donne.
De nouvelles exigences thermiques
Pour toute location courte durée d’une résidence secondaire en zone tendue, le logement doit désormais disposer d’un diagnostic de performance énergétique (DPE), et celui-ci doit être classé E (ce qui interdit la location de biens F ou G).
Pour un logement déjà loué pour une courte durée, son propriétaire a jusqu’en 2034 pour le rénover, année à partir de laquelle tout logement loué, qu’il soit de longue ou de courte durée, doit être classé au minimum D.
« Toutefois, l’altitude pénalise le grade final du DPE : même si on met 40 cm d’isolation et du quadruple vitrage, il dépasse rarement le grade D pour le moment. Même les maisons neuves ne parviennent pas toujours à dépasser la note C. »note Thomas Arnéodo.
Avec le calendrier désormais imposé par la loi, le projet est étendu en station : la PME FNAIM dénombre par exemple 66% de crépines thermiques (classées E, F ou G) à Chamonix, 70% à Saint-Gervais-les-Bains, 73% à Megève ou encore 81% à Morzine.
« Je doute que la lettre D convienne à la montagne. Même si des rénovations sont nécessaires, un peu de flexibilité serait la bienvenue. La performance thermique au-dessus de 1 500 m d’altitude demande des efforts plus importants que sur la Côte-d’Azur. estime aussi Bérengère Servat.
Aussi, Thomas Arnéodo s’interroge sur l’application de ces dispositions dans des stations comme Avoriaz, « conçues uniquement autour du tourisme. » : « Si on ne peut plus rien louer, qu’arrive-t-il à la gare ? Il faudra forcément des adaptations »dit-il.
Quant à l’impact de ces mesures sur la valeur de la pierre, c’est la grande question qui se pose au marché de montagne.
« Le DPE est devenu un levier de négociation important en plaine. Cette loi, combinée à l’augmentation des frais de notaire (2), va peut-être ralentir un peu les transactions. Je pense qu’il y aura moins d’acheteurs avec des budgets plus petits. Mais sur ce type d’achat « plaisir », les acheteurs fortunés seront toujours là. »glimpses Bérengère Servat.
Selon Maxime Bastard, les biens mal notés feront peut-être l’objet de négociations, « mais cela signifie aussi que les mieux classés seront encore plus valorisés. »
Il est donc difficile de prévoir pour l’instant de réelles baisses des prix moyens en montagne.
(1) Par un organisme indépendant qui attribue au produit une note allant de 1 à 5 étoiles
(2) Annoncé mi-novembre par le Premier ministre Michel Barnier
France