En attendant le lancement d’un éventuel appel d’offres commercial en France, probablement situé à Raz-Blanchard, au large du Cotentin, les investisseurs restent prudents sur le marché de l’énergie marémotrice. Et pour cause : l’absence d’un cadre juridique clair pour le développement et le financement de cette filière des énergies marines renouvelables a conduit à l’abandon de plusieurs projets ces dernières années, ainsi qu’à la disparition d’entreprises innovantes.
Énergies marines : le gouvernement donne une petite chance à l’énergie marémotrice
La PME brestoise Sabella, dont la liquidation judiciaire a été prononcée en janvier 2024, en fait partie. Si ces Les équipes développent désormais leur expertise chez Entech, PME technologique spécialisée dans le stockage et la gestion intelligente des énergies renouvelables, son hydrolienne D10 est toujours la seule machine française en activité.
D’une puissance d’un mégawatt, elle fournit depuis avril 2022 jusqu’à 250 kW d’électricité propre à l’île d’Ouessant, grâce au courant du Fromveur.
Projet largement subventionné
Projet emblématique ayant bénéficié d’un soutien public considérable (en échange d’électricité) et destiné à décarboner une île non raccordée au réseau électrique et vorace en consommation de générateurs diesel, ce démonstrateur a été préservé par le rachat en octobre dernier par le groupe britannique Inyanga Marine Energy. Le groupe (20 personnes, 8 millions d’euros de chiffre d’affaires) devrait l’exploiter jusqu’en 2028.
« Spécialiste de la mise en œuvre de projets d’énergies renouvelables offshore et la technologie des réseaux hydroliens, Inyanga Marine Energy gère, depuis 2016, toutes les opérations sous-marines de l’hydrolienne D10. La poursuite de ce projet nous tenait à cœur. La disparition d’un acteur n’est jamais une bonne nouvelle », insiste Diane Dhome, chef de projet chez Inyanga Tech et basée à Rennes.
« Pour fournir une énergie de base attractive à des régions comme Ouessant, l’énergie marémotrice devrait à terme être combinée avec le stockage et l’énergie solaire. Si l’hydrolienne était abandonnée, ce serait catastrophique pour le secteur et pour Ouessant », commente-t-elle.
« L’avenir commercial de l’énergie marémotrice en France dépend encore du projet de Programmation Pluriannuelle Energétique (PPE) » ajoute-t-elle. La PPE est actuellement en débat jusqu’au 15 décembre.
Aucune nouvelle de Blue Island
Comme l’a rappelé le dernier PDG de Sabella, Benoît Bazire, l’hydrolienne D10 est un modèle unique, puisqu’il n’existe pas d’éolienne de cette taille (rotor de 10 mètres de diamètre) à faire tourner. Avant sa liquidation, Sabella travaillait sur un projet, baptisé Blue Island, visant à trouver des financements pour continuer à injecter de l’électricité sur l’île et remplacer le démonstrateur D10 par des turbines. Avec quatre turbines d’un mégawatt, l’hydrolienne aurait pu fournir la majorité de l’électricité d’Ouessant.
En novembre à Nantes, Emmanuel Macron a confirmé le projet de ferme marémotrice FloWatt, porté par les CMN de Cherbourg avec HydroQuest et Qair dans le Raz Blanchard. Cependant, il n’a fait aucune mention du projet Blue Island.
Mais le modèle d’Ouessant a largement inspiré la Sabella dans ses réponses aux appels d’offres internationaux dans les zones non connectées au réseau. De la même manière, Inyanga, qui vient d’obtenir 10 MW supplémentaires (20 au total) du gouvernement britannique pour son projet à Morlais (Pays de Galles), mise également sur la décarbonation des petites îles.
Via sa filiale HydroWing, développeur de technologie d’hydrolienne, le groupe prépare le développement du premier parc marémoteur en Indonésie après avoir signé un accord avec une filiale de la compagnie nationale d’électricité, PLN. Ce projet de 10 MW, destiné à fournir une électricité moins chère que le diesel à une population plus large, sera implanté d’ici 2027-2028 dans l’est des petites îles de la Sonde. Un autre projet voit également le jour à Capul aux Philippines.