TÉMOIGNAGE. « Mon père a refusé de participer aux Jeux olympiques de Berlin en 1936 »

TÉMOIGNAGE. « Mon père a refusé de participer aux Jeux olympiques de Berlin en 1936 »
TÉMOIGNAGE. « Mon père a refusé de participer aux Jeux olympiques de Berlin en 1936 »

l’essentiel
SÉRIE. Tarn-et-Garonne et les Jeux Olympiques (5/12). Champion de boxe en Autriche dans les années 30, Rudolph Lepkowicz se réfugie à Montauban après avoir refusé de participer aux Jeux de Berlin organisés par un certain Adolf Hitler.

Pas de titre, pas de médaille, pas d’instant de gloire aux Jeux d’été de 1936 pour Rudolph Lepkowicz. Le champion de boxe autrichien qualifié pour Berlin refuse de participer à ces JO, comme de nombreux athlètes juifs qui décident de boycotter ces JO. Le choix de Berlin pour organiser les JO de 1936 symbolise le retour de l’Allemagne sur la scène internationale, après sa défaite lors de la Première Guerre mondiale. Mais entre la date d’attribution des Jeux en 1931 et leur organisation cinq ans plus tard, l’extrême droite allemande s’est installée au premier plan de la vie politique du pays. Ces JO sont donc un parfait moyen de propagande pour Adolf Hitler qui utilise l’événement planétaire comme vitrine de ses idéologies.

« Quand on est réfugié, on ne parle pas du passé. »

« L’objectif des Jeux de Berlin était de refléter l’image de l’Allemagne nazie à travers le monde et mon père, très engagé politiquement aux côtés des socialistes autrichiens, a refusé d’y participer », explique son fils Michel Lepkowicz. Mais chez lui, il n’a jamais parlé de cet épisode jusqu’à sa mort en 2000. Seul un petit fanion rouge et blanc affiché dans le salon, qu’il regardait de temps en temps, m’a laissé croire qu’il « Nous n’avons jamais oublié cette fois ». . Quand nous sommes réfugiés, nous ne parlons pas du passé et les boîtes de souvenirs avec photos et médailles ont été perdues.»

Réfugié en France, Rudolph Lepkowicz débarque à Montauban en juillet 1941 après avoir séjourné trois ans à Paris et fait un détour avec son frère par la Suisse. Le jour, il travaillait à Montauban comme plombier et à la tombée de la nuit, il rejoignait Montech à vélo le long du canal pour se cacher des rafles. Le champion autrichien de boxe a obtenu la nationalité française en 1950 et n’a jamais quitté le Tarn-et-Garonne.

« Mon père n’était pas un grand bavard et était souvent très strict avec mon frère et moi. J’ai remarqué que les fessées qu’il me donnait de la main gauche étaient beaucoup plus dures que celles qu’il me donnait de la main droite. Inutile de dire que je savais toujours où me placer quand je le croisais », se souvient Michel. « Il aimait tellement le sport qu’il a suivi un peu les boxeurs du club de Montauban, puis il a entraîné une équipe de foot à La Vaillante. Je l’ai même eu comme entraîneur et là aussi, il n’était pas facile… Mon frère était plus sportif que moi et avait davantage son soutien. Il l’accompagnait à ses compétitions de lutte. Mais pour moi, ce n’était pas facile d’ouvrir la boîte à souvenirs avec lui, de parler de son titre de champion d’Autriche de boxe dans les années 30, d’évoquer les JO ou encore d’évoquer sa fuite en France. »

Mort à Montauban à l’âge de 86 ans, Rudolph Lepkowicz emporte avec lui son histoire, ses souvenirs, son combat contre le nazisme qui l’a fait renoncer à participer aux Jeux Olympiques.

Documents des Archives Départementales

Lorsqu’il s’agissait de se souvenir et de retracer la carrière sportive de son père, Michel Lepkowicz ne disposait d’aucune photo de cet ancien champion poids plume d’Autrice dans les années 30. Jérôme Cras, Pascal Caïla et l’équipe des archives départementales ont pu mettre la main sur de nombreux documents témoignant de l’arrivée de Rudolph Lepkowicz à Montauban, dont des notes du service général des renseignements de l’époque et des papiers d’identité. Un article de presse paru dans les années 1950 évoque le passé brillant de cet homme, connu pour avoir refusé sa sélection olympique. Des documents que même son fils ne connaissait pas.

 
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