Elle n’a jamais quitté Sept-Îles (ou presque) et ne regrette rien

Elle n’a jamais quitté Sept-Îles (ou presque) et ne regrette rien
Elle n’a jamais quitté Sept-Îles (ou presque) et ne regrette rien

Il y a des sédentaires qui restent dans leur ville toute leur vie. Isabelle Cloutier en fait partie. Elle ne quitte jamais sa Côte-Nord natale sauf « à reculons », même en vacances. Explorer le monde extérieur n’est pas une priorité. « Ce que je recherche, c’est une émotion, quelque chose qui me fera grandir de l’intérieur », confie-t-elle à Devoir. Voyagez parmi ceux qui ne voyagent jamais.

Qu’on le veuille ou non, quitter Sept-Îles n’est pas facile. Au moins 10 heures de route séparent la capitale de la côte nord de Montréal. Ce coin de pays coincé entre un fleuve qui devient mer et une forêt qui devient toundra ne manque pas d’horizon, illustre le jeune trentenaire. « L’essentiel, je pense, c’est l’émerveillement. Ensuite, gratitude pour ce que nous avons. Essayez de vous rappeler que même si je ne suis pas dans une méga-maison, que je n’ai pas de biens matériels pour tout casser, ma maison, je l’ai rendue confortable. C’est ce qui est important pour moi. »

Elle prend souvent ses vacances officielles en hiver, pour profiter en toute tranquillité de la chaleur de son foyer. En été, les espaces pour se promener et se détendre ne manquent pas.

Sinon, les balades sur la route 138 qui sillonne la côte lui offrent tout l’exotisme dont elle peut rêver. « C’est juste assez exotique, pas trop. Cela le rend réconfortant. Pour moi, c’est plus relaxant que de devoir tout planifier, faire mes courses, acheter des choses pour aller passer une fin de semaine au chalet. Alors si j’oublie une certaine chose… Ah ! Je ne sais pas. Cela ne me tente pas. »

Voyager en soi

Isabelle Cloutier a déjà mis les pieds hors de sa région. Elle garde de bons souvenirs des personnes qu’elle a rencontrées lors d’une de ses rares sorties en ville, à Toronto. Elle garde cependant un souvenir un peu vide du paysage.

« En route vers Toronto, nous sommes allés voir les chutes du Niagara. C’est à ce moment-là que j’ai réalisé que je n’aimais pas les lieux touristiques. Oui, c’est une grosse chute, mais il y a tellement de monde que je n’arrive pas à me connecter à l’essence de la chute. Je ne suis pas capable de ressentir l’ampleur de la chute. Je suis distrait par le brouhaha ou tout le bruit autour de moi. Je préfère de loin aller voir les chutes Manitou sur la Côte-Nord ! »

Montréal et Québec ont également suivi ses traces. Elle a même vécu dans la capitale pour ses études. Pressée par le besoin de retourner vivre sur la Côte-Nord, elle transforme son baccalauréat de trois ans en certificat d’un an. Là encore, une absence s’est fait sentir lors de ce pseudo-voyage. « Durant l’année où j’étais au Québec, j’allais souvent marcher. J’adore marcher. Au début, il semblait qu’il manquait quelque chose. Quand je reviens à Sept-Îles lors d’une permission, à un moment donné, je regarde le ciel et je l’éclaire! C’est ce qui manque au Québec! Les étoiles ! Il y a des petites choses comme ça. Pour ma part, j’essaie de garder mon regard d’enfant, et de toujours m’émerveiller devant ces petites choses. »

Grandir si près de la nature explique cet attachement profond à Sept-Îles, postule-t-elle. « La nature fait partie de moi. Durant l’année où j’étais au Québec, cela me manquait beaucoup de ne pas pouvoir marcher jusqu’au quai. Après une longue semaine… juste me promener, aller au quai, voir la mer… J’ai vraiment un profond attachement à la mer. »

Flâner le long des plages qui s’étendent à perte de vue, à seulement 10 minutes de route de chez vous, reste l’excursion qui convient le mieux à ce casanier. «Je préfère être plus proche de ces choses-là. »

Sur les performances

Il y a aussi le stress des vacances qui la dérange. Même séjourner dans un « camp », comme on en trouve un peu partout dans les bois, implique une organisation, une « performance », qui coupe le souffle. « En effet, je ne veux pas me rajouter du stress pendant les vacances pour dire que je prépare quelque chose. »

Son bonheur, ajoute Isabelle, c’est avant tout les amis qu’elle retrouve. Sinon, il y a les livres qu’elle découvre. « C’est le contact humain qui m’intéresse plus que voir les choses. Et ça, le contact humain, je peux l’avoir ici. Je suis entouré de personnes exceptionnelles. »

Pourtant, dans ce monde vaste et facilement accessible, n’a-t-elle pas l’impression qu’il lui manque quelque chose ? «Je pense que cela a à voir avec la capacité d’imagination», répond-elle. Je ne sais pas, j’aimerais, avouons-le, aller voir Auschwitz pour m’imprégner de ce lieu, de cette histoire. Il pourrait être intéressant. En même temps, je considère que je suis capable de l’imaginer un peu. Rien que de le voir, de le voir, pour moi, ça ne m’intéresse pas. Il y a Internet. Je peux aller prendre des photos. Si je le souhaite, je peux toujours m’imprégner d’une certaine manière. Non, je n’ai pas forcément l’impression de rater quoi que ce soit. »

Enfin, elle cite une phrase de Rick Rubin qui résume sa vision : « Nous pouvons faire taire notre monde intérieur pour mieux percevoir l’extérieur, ou faire taire l’extérieur pour être plus attentifs à ce qui se passe à l’intérieur de nous. »

Ce rapport est soutenu par l’Initiative de journalisme local, financée par le gouvernement du Canada.

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