20 ans d’un mariage avec de nombreux rebondissements

20 ans d’un mariage avec de nombreux rebondissements
20 ans d’un mariage avec de nombreux rebondissements

« Air France-KLM est-il un jeune adulte ou un vieil enfant ? « . C’est la question que se pose Alexandre Boissy, secrétaire général du groupe, qui préfère la première option. En effet, à 20 ans, Air France-KLM semble avoir atteint une certaine maturité après des années de hauts – depuis sa création qui en a fait le premier groupe aérien mondial jusqu’à ses résultats inédits en 2023 – et de bas – lors de la crise financière. crises entre 2008 et 2011 et crise sanitaire.

1933-2023 : l’incroyable saga d’Air France

3 mai 2004 : Air France acquiert KLM

La naissance d’Air France-KLM est le résultat d’un enchaînement rapide. Le 9 avril 2003, la loi rendant possible la privatisation d’Air France permet à l’État – alors majoritaire – d’augmenter sa participation dans le capital à “un peu moins de 20%”, lorsque les conditions du marché le permettent. Cela ouvre donc la porte à des alliances capitalistes avec d’autres entreprises privées européennes, hostiles à l’idée de passer sous le contrôle d’une entreprise publique. Il n’a fallu que cinq mois à Air France et KLM, présidées respectivement par Jean-Cyril Spinetta et Leo van Wijk, pour signer un accord de fusion. Ainsi, le 3 mai 2004, suite au succès de l’offre publique d’échange (OPE), la fusion est effective.

La participation de l’Etat se dilue dans le nouveau groupe, tombant à 44% (28% aujourd’hui). Air France est privatisée et devient avec KLM le premier groupe aérien mondial en termes de chiffre d’affaires. Le cliché est parfait. KLM est un joyau. Son prix (800 millions d’euros) est dérisoire pour une compagnie possédant plus de 200 appareils, et dont la restructuration a déjà été lancée. La fusion commence alors que le trafic augmente à nouveau fortement. Le groupe atteint alors des niveaux de profit jamais atteints dans l’histoire d’Air France en 2007-2008 (effacé en 2023).

2008-2016 : le temps des crises

Toutefois, la suite de l’histoire est plus compliquée. La crise qui a suivi la faillite de Lehman Brothers en septembre 2008 a mis fin à cette période dorée. En 2008-2009, pour la première fois depuis 13 ans, Air France a enregistré une perte. Il y en aura six à la suite. Le groupe lance plusieurs plans stratégiques successifs. Si KLM relève la tête, Air France est à la peine. Cela rend la cohabitation entre Français et Néerlandais d’autant plus compliquée. La période sera marquée par la démission du PDG Alexandre de Juniac en avril 2016, malgré un retour au vert, puis de son successeur Jean-Marc Janaillac en mai 2018 sur fond de forte opposition des syndicats français.

Dans le même temps, Air France-KLM se replie sur la scène mondiale. Le groupe doit faire face à la concurrence qui a réagi. Son principal concurrent, Lufthansa, multiplie les acquisitions. Entre 2005 et 2009, elle a acquis Swiss, Austrian Airlines et Brussels Airlines. Dans le même temps, le ciel américain se consolide avec la naissance de géants issus de la fusion de Delta Air Lines et Northwest Airlines (2008), United et Continental Airlines (2011), et American Airlines et US Airways (2013). Enfin, de nouveaux concurrents sont apparus avec l’émergence des compagnies aériennes du Golfe, avec en tête Emirates, et des compagnies chinoises sur le long-courrier et des opérateurs low-cost comme Ryanair et Easyjet sur le marché européen.

2018-2020 : le tournant Ben Smith

La donne est vraiment en train de changer avec l’arrivée en 2018 du Canadien Benjamin Smith – que tout le monde surnomme «Ben» à l’époque, même « Ti Ben ». Le désormais ex-numéro 2 d’Air Canada est le premier patron étranger à diriger Air France-KLM. Un choix qui reflète l’influence prise par Delta Air Lines au sein du groupe. Partenaire d’une joint-venture transatlantique depuis 2008, la compagnie américaine est entrée au capital d’Air France-KLM en 2017 aux côtés de China Eastern Airlines, à hauteur de 10% chacun (désormais respectivement 2,8% et 4,6%).

Malgré l’opposition initiale, le nouvel homme fort d’Air France-KLM a établi des relations apaisées avec les syndicats. Un magicien, disent certains. Il sort certes le chéquier, mais le poids des augmentations reste raisonnable, surtout par rapport à ce qu’a coûté la dernière grève.

Air France-KLM a perdu plus de 5 millions d’euros par jour au premier trimestre

L’une des réalisations marquantes de Benjamin Smith est du côté du développement de Transavia France, auquel Alexandre de Juniac s’est heurté en 2014 avec une grève de deux semaines des pilotes, le plus long mouvement social de l’histoire de la compagnie. Il a réussi à briser le plafond de 40 avions pour Transavia France fixé à l’époque. « Quand je suis arrivé, nous avons réussi à négocier la levée de cette restriction. Désormais, Transavia France peut prendre 100, 200, 300 avions sans qu’il y ait de problème. Nous pouvons désormais avancer à toute vapeur pour disposer au sein du groupe d’une compagnie low-cost capable de desservir un marché qu’Air France et KLM ne peuvent pas desservir.il explique.

Le patron d’Air France-KLM est confronté, en revanche, au manque d’intégration et de cohésion au sein de son groupe, entre Air France dirigée par Anne Rigail d’un côté, et surtout KLM dirigé par l’inflexible Pieter Elbers de l’autre. . Les deux sociétés se regardent davantage que leurs concurrents. Cela empêche alors les services intégrés au niveau du groupe, tels que les ventes, la gestion des revenus, le fret ou la maintenance, de fonctionner pleinement efficacement et de réaliser toutes les synergies possibles.

« Je ne le savais pas quand je suis arrivé ici et j’ai réalisé très vite que les choses ne fonctionnaient pas aussi bien qu’elles auraient dû. Nous avons donc passé les six dernières années à essayer d’améliorer la situation », analyse-t-il rétrospectivement.

Comment Air France-KLM veut transformer Transavia en distributeur automatique de billets

2020-2021 : le choc du Covid

2019 est une année record pour le transport aérien et Air France-KLM profite de la croissance, même si la rentabilité reste faible, notamment chez Air France. Mais en mars 2020, tout s’est arrêté, l’épidémie de Covid-19 est devenue une pandémie mondiale. Les compagnies annulent les vols sans discernement, les frontières se ferment et les confinements se multiplient. C’est un coup dur pour Air France-KLM. Le groupe perd 25 millions d’euros par jour. Plus de 10 milliards d’euros ont été perdus en l’espace de deux ans et le groupe a dû reconstituer ses fonds propres, négatifs de plusieurs milliards d’euros.

Ce sont les Etats français et néerlandais qui viennent à la rescousse à travers différents mécanismes d’emprunt, puis deux recapitalisations successives en avril 2021 et mai 2022. Les différents actionnaires se diluent lors de l’une et/ou l’autre de ces deux opérations, hormis l’Etat français. qui monte à 28% du capital et CMA CGM (devenu depuis actionnaire de La Tribune) qui fait une entrée fracassante en prenant 9% des actions en 2022.

CMA CGM, l’autre bouée de sauvetage d’Air France-KLM (après l’Etat)

2022-2024 : relance post-crise

Depuis, Air France-KLM s’est largement redressée opérationnellement et financièrement. Après avoir renoué avec les bénéfices en 2022, grâce à un été record, Air France-KLM réalise une année 2023 avec une rentabilité en forte hausse. Et, pour une fois, c’est l’entreprise française qui tire le groupe vers le haut, tandis que son homologue néerlandaise connaît davantage de difficultés. Air France a atteint un niveau de rentabilité record, tandis que KLM reste loin de ses niveaux d’avant la crise sanitaire.

Benjamin Smith attribue également à l’instauration de relations standardisées au sein d’un groupe plus intégré, une gouvernance capable d’imposer sa stratégie. Notamment du côté de KLM où le départ du directeur général Pieter Elbers, révélé par La galerie en janvier 2022, lui laisse carte blanche. Cependant, des améliorations sont encore possibles. « Nous faisons encore beaucoup de choses en double, entre et au sein du groupe. […] Nous avons encore beaucoup de fonctions, de méthodes de travail, d’équipements et de processus obsolètes qui n’ont jamais été correctement alignés entre les deux principaux transporteurs. Et cela doit être fait »admet volontiers le gérant.

“L’été 2024 sera un défi”, déclare Ben Smith, PDG d’Air France-KLM

Après vingt ans d’existence, Air France-KLM se trouve ainsi dans une situation plutôt favorable, d’autant que Benjamin Smith est très confiant dans le modèle KLM, le développement de Transavia ou l’attractivité du marché français, même s’il déplore des éléments comme la des politiques restrictives à Amsterdam qui annihilent toute possibilité de croissance importante ou le manque de praticité de l’aéroport Paris-CDG, « très difficile à exploiter pour une entreprise réalisant du trafic de connexion ». De son côté, Anne Rigail, directrice générale d’Air France, souligne la puissance du réseau basé sur les deux hubs et offrant des synergies importantes, ainsi que la force d’avoir trois marques complémentaires.

Steven Zaat, directeur financier d’Air France-KLM, insiste sur le fait que le groupe a progressé au cours de ces vingt années : « En 2004, nous étions une entreprise avec 19 milliards d’euros de chiffre d’affaires, nous en sommes aujourd’hui à 30 milliards. La rentabilité était inférieure à 600 millions d’euros, contre 1,7 milliard. Nous avions une dette nette de 10 milliards d’euros qui est aujourd’hui de 5 milliards. Si vous regardez ce parcours, nous avons réalisé des progrès significatifs chaque année. »

2024 et au-delà : les prochains objectifs

« La prochaine étape pour nous est d’atteindre un niveau de rentabilité plus soutenu », a indiqué Benjamin Smith, lors d’une rencontre avec la presse. Objectif affiché : atteindre une marge opérationnelle de 8% dans les deux à trois prochaines années, après « le grand saut » l’année dernière, ce qui a porté le groupe à près de 6%. Des objectifs qui doivent être combinés avec les impératifs de décarbonation, qui mobiliseront plusieurs milliards d’euros d’investissements principalement pour le renouvellement de la flotte et l’achat de carburants aviation durables (SAF).

Parallèlement, le dirigeant a exprimé sa volonté de poursuivre la croissance du groupe, conscient que les possibilités de croissance organique offertes par le marché européen sont limitées.

« Nous ne voulons évidemment pas être marginalisés en termes de taille afin de rester pertinents. […] « Avec des concurrents de plus en plus grands, nous recherchons des opportunités de consolidation », explique Benjamin Smith.

Une première démarche a été réalisée à l’automne dernier pour acquérir près de 20% du capital de SAS – avec l’intention d’aller plus loin pour devenir un actionnaire de référence -, grâce au soutien du fonds financier Castlelake. La prochaine cible s’appelle TAP Portugal, même si Benjamin Smith reste prudent avant de s’engager dans une quelconque opération en capital. Convaincu que la participation d’Air France dans Alitalia, qui s’est soldée par un échec cuisant, a pesé sur le redressement de la compagnie française, il estime que “Si cela met trop de risques sur notre capacité à atteindre les 8%, ce n’est pas quelque chose qui nous intéresse”.

 
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