« Donner un pourboire peut marquer une distinction sociale, et donc être humiliant »

« Donner un pourboire peut marquer une distinction sociale, et donc être humiliant »
« Donner un pourboire peut marquer une distinction sociale, et donc être humiliant »

Brigitte Auriacombe est docteur en sciences de gestion à l’Université de Lyon. Ses recherches au Lifestyle Research Center portent sur l’expérience des clients et des employés dans les activités de service. Elle a co-écrit, avec Véronique Cova, une publication en 2017, Pourboires : ce qu’en pensent les acteurs.

Les serveurs considèrent le pourboire comme un symbole de satisfaction du client. Pourquoi n’est-ce pas toujours le cas ? La satisfaction est l’interprétation dominante qui ressort de ces travaux : le pourboire est un contre-don, l’expression de la gratitude dans le cadre d’un travail visible, valorisant pour le salarié. Mais il existe trois autres interprétations. Le pourboire peut venir en complément du prix d’une prestation en plus de ce qui était initialement prévu. Il s’agit du contrat.

La tradition du pourboire boit la coupe à Clermont-Ferrand

Ensuite, il y a la pointe de la relation, entre le collaborateur et le client. Ce sont des cas de personnes qui donnent systématiquement, quel que soit le service rendu et qu’il soit bon ou non. C’est donc un rapport de force, nous disons : nous ne sommes pas du même monde. Le pourboire marque une distinction sociale, c’est donc à l’opposé du premier cas, c’est humiliant. Enfin, il y a un pourboire d’amitié : on laisse un pourboire car c’est ce serveur précis qui nous sert. Du côté du client, ces interprétations peuvent être combinées.
Pourquoi les nouvelles générations ne laissent-elles que peu ou pas de pourboire ? C’est une question délicate. Je ne pense pas que ce soit le cas. Le pourboire reste une marque d’appréciation, il perdure donc à travers les générations, naturellement en fonction de l’influence familiale des jeunes.
Certains pays le pratiquent encore fortement, qu’est-ce qui est différent avec la France ? La différence est culturelle. Aux États-Unis, le pourboire est institutionnel. Dans tous les métiers de services, les salaires sont réduits d’un tiers, la norme est de laisser des pourboires, sinon les salariés ne peuvent pas survivre. Cela revient à rendre le salarié dépendant du client. Lorsque ces clients viennent en France, ils raisonnent avec cette logique et pourboire très élevé. Contrairement à la Chine par exemple ou aux pays à héritage communiste, où donner un pourboire est une insulte, c’est un manque de respect, un mépris. En France, la coutume perdure avec une grande souplesse.

Commentaires recueillis
par Anna Modolo

 
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