Mélenchon lui-même pourrait être inquiet

Mélenchon lui-même pourrait être inquiet
Mélenchon lui-même pourrait être inquiet

Cette fois, nous y sommes : l’extrême gauche est « grande-remplacée » ! Ou sur le point de l’être. Le Grand Remplacement, expression célèbre de Renaud Camus, s’apparente, pour l’extrême gauche, à la logique du « chaudron emprunté » de Freud : elle répète que le Grand Remplacement n’existe pas mais se réjouit de le voir devenir réalité. C’est ce que Jean-Luc Mélenchon appelle – à tort, parce que c’est joli et apaisant, une touche de madras et une corbeille de fruits exotiques – « créolisation ».

Supprimer les menaces

Lors du meeting du Nouveau Front Populaire à Montreuil, la nouvelle députée européenne Rima Hassan a affiché sans complexe ses menaces dissidentes : « L’antiracisme a besoin de visages incarnés et non de porte-parole très éloignés de la réalité, cette époque du porte-parole est révolue ! »dit-elle avec audace. « Nous voulons que cela soit derrière nous, car tout ce qui se fait sans nous se fait contre nous. C’est pourquoi, dans cette quête d’unité, nous n’avons pas le droit de négliger, de rendre invisible ou d’oublier les voix politisées concernées par le racisme et la discrimination. » Sourire serré de Mathilde Panot, à ses côtés. Sur fond de drapeau palestinien.

C’est le principe du « pas d’utérus, pas d’opinion » des féministes exprimé dans sa version antiraciste : « Non racisé, pas de droit à la parole. » Et cette petite musique dure depuis quelques temps. Il y a deux ans, en juin 2022, avant les précédentes élections législatives, les médias d’extrême gauche StreetPress avait organisé un débat entre Raquel Garrido et l’homme qui l’a évincée de la candidature du NFP dans sa propre circonscription, Aly Diouara. Ce débat houleux revêt, aujourd’hui, un caractère prémonitoire : le franco-gambien (« controversé », comme on dit pudiquement, pour un sulfureux candidat de gauche : en l’occurrence, Aly Diouara est obsédé, sur les réseaux sociaux, par le « Blancs”, les “sionistes”, et soutenus par l’imam Iquioussen) avaient dénoncé, lors de cet affrontement, le manque de représentation des élus de son département, « pas en adéquation avec la population » : ce « un souci de représentativité » était, selon lui, « méprisant et indigne ». « On ne peut pas parler à la place des autres, à la place des gens qui vivent ça », il a insisté. Raquel Garrido avait d’abord acquiescé vigoureusement… puis avait fini par comprendre qu’il l’accusait d’être parachutée et illégitime. Furieuse, elle a riposté en escaladant les tours. Il était probablement déjà trop tard. Et Aly Diouara vient de prendre sa revanche et sa place.

Stratégie décoloniale

À vrai dire, il faudrait être très naïf pour ignorer les objectifs hégémoniques de la gauche décoloniale dans l’alliance du Nouveau Front Populaire. Mariage de carpe et de lapin, selon certains ? Non, le renard et le lapin, et pour prédire qui va gagner, il n’est pas nécessaire d’être un grand devin. Parce que ce camp est rusé, et ils ne le cachent même pas. La tristement célèbre militante indigéniste décoloniale Houria Bouteldja – en 2007, elle a appelé les Français de souche « souchiens » (sic) et, en 2020, après la vague d’antisémitisme subie par Miss Provence, elle écrivait, sur un blog de Mediapart (publication désormais supprimée) : « Vous ne pouvez pas être Israélien innocemment » – explique très bien et clairement la stratégie, sur le site QGdecolonial.fr : « Gardez la tête froide, restez stratège, définissez des objectifs à court et moyen terme… » pour « Gagner le rapport de force pour viser 2027 ». Pour elle, par exemple, que seules les opérations du Hamas, et non le Hamas lui-même, soient qualifiées de terroristes (« actes terroristes »according to Clémentine Autain, « méthodes terroristes »(selon Mathilde Panot, mais aucun d’eux n’attache l’adjectif « terroriste » au Hamas) est une victoire : « Un point d’appui important pour l’avenir. »

Et elle salue l’exclusion des députés sortants ; elle ne veut pas appeler ça une « purge », car pour elle (je cite encore), “ce sont des députés de l’aile droite et ultra-laïque de La France insoumise”. De l’extrême gauche vers la droite, en somme. Qui mérite d’être exclu parce que « ultra-laïc ». Mais n’est-ce pas, dans le passé, ce qui caractérisait la gauche ?

Jean-Luc Mélenchon lui-même a donc logiquement de quoi s’inquiéter. Avec son double prénom très à la mode dans la France gaullienne, sous le patronage de deux évangélistes – Jean et Luc -, il ne perd rien à attendre : il se croit assis sur un trône mais est peut-être sur un siège éjectable. De quel droit s’arroge-t-il fièrement le privilège paternaliste et supérieur de parler au nom des victimes du racisme, lui qui n’en a jamais souffert, comme si elles se croyaient incapables de s’en occuper elles-mêmes ? ? « La Révolution dévore ses enfants » est une expression tellement galvaudée qu’elle en devient agaçante. Mais le problème avec les expressions très utilisées, c’est qu’elles sont terriblement vraies.

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