La France doit redoubler d’efforts, prévient le Haut Conseil pour le Climat

« Plus léger, mieux. Mais il faut à tout prix redoubler d’efforts. » Si le gouvernement était étudiant, il trouverait peut-être une appréciation de ce type, pour le sujet « lutte contre le changement climatique »sur son bulletin de fin d’année.

Le Haut Conseil pour le Climat (CHC), organisme consultatif indépendant dont la mission est d’évaluer l’action publique pour le climat, a publié le 20 juin son sixième rapport annuel. Principale conclusion : la réduction des émissions de gaz à effet de serre « brutes » (c’est-à-dire sans tenir compte de l’effet des puits de carbone) en France s’est finalement accélérée l’année dernière. En 2023, ils ont diminué de 5,8 % par rapport à 2022, pour atteindre 387 millions de tonnes équivalent CO2 (Mt éqCO2), soit une baisse de 22,8 MtCOeq2. Il s’agit du niveau le plus bas observé depuis le début des inventaires, se félicite le CHC.

Selon les estimations de ses experts, environ un tiers de cette baisse est dû à des facteurs conjoncturels, notamment la reprise de la production nucléaire après l’arrêt d’une vingtaine de réacteurs en 2022, la réduction des activités industrielles, ou encore la réduction du cheptel bovin due aux difficultés rencontrées par le secteur. Les 15,3 Mt d’équivalent CO2 Le reste — l’équivalent de 15 millions de vols aller-retour Paris-New York — peut être considéré comme la part maximale de la baisse imputable aux politiques publiques, explique à Reporterre la présidente du Haut Conseil pour le Climat, la climatologue franco-canadienne Corinne Le Quéré.

Une baisse de 15 Mt d’éq. CO2 par an est nécessaire jusqu’à la fin de la décennie

En moyenne, sur la période 2019-2023, les émissions brutes du pays ont diminué de 13,2 Mt d’éq. CO2 par an. Ce rythme « approximatif » de ce qui est nécessaire pour s’aligner sur nos objectifs de décarbonation… « sans toutefois l’atteindre », précise le rapport. D’ici 2030, l’Union européenne prévoit de réduire de 55 % de ses émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990. Cela signifie que les émissions brutes de la France doivent diminuer de 15 Mt éq CO2 par an jusqu’à la fin de la décennie. Il est donc encore trop tôt pour faire éclater le champagne. LE « jalon de la décarbonation » doit absolument être entretenu dans le temps.

C’est là où se trouve le problème. La stratégie climatique française accuse un retard important. Ni la loi de programmation énergie et climat, ni la stratégie française énergie et climat, ni la troisième stratégie nationale bas carbone, ni le troisième plan national d’adaptation au changement climatique, ni la troisième programmation pluriannuelle de l’énergie — documents fixant la procédure à suivre pour pour les décennies à venir, et permettant aux acteurs de la transition de planifier sur le long terme — n’ont pas été formellement adoptés en 2023. Ces délais « affaiblir l’action climatique »underlines Corinne Le Quéré, and « induire un risque de déclin » environnemental.

• Les risques des nouveaux réacteurs nucléaires

Les politiques en place sont également toujours « insuffisant » atteindre la neutralité carbone en 2050, comme la France s’y est engagée aux côtés du reste de l’Union européenne en 2019. Dans le secteur de l’énergie, d’abord. « Compte tenu de la forte incertitude industrielle »la stratégie de renouvellement du parc nucléaire imaginée par le gouvernement – ​​qui espère construire quatorze nouveaux réacteurs d’ici le milieu du siècle – « présente des risques pour la disponibilité d’électricité sans carbone d’ici 2035 », selon le Haut Conseil pour le Climat. Ces risques, poursuit-il, sont pour le moment « insuffisamment compensé par la croissance des énergies renouvelables ». Ni l’éolien terrestre, ni l’éolien offshore, ni le photovoltaïque n’ont atteint les objectifs fixés par la dernière programmation énergétique pluriannuelle.


Le gouvernement souhaite construire quatorze nouveaux réacteurs d’ici mi-2050. Ici, la centrale du Bugey dans l’Ain.
Wikimédia Commons/CC PARsur 4.0 Acte/Chabe01

Pire : la France soutient la création d’infrastructures qui risquent de l’enfermer dans son addiction aux énergies fossiles. En 2023, un terminal flottant de stockage et de regazéification a été mis en service dans le port du Havre, destiné à l’importation de gaz naturel liquéfié en provenance des États-Unis, du Qatar et d’Afrique. Le développement du gaz naturel liquéfié n’est pas « non conforme aux objectifs climatiques »insists Corinne Le Quéré.

• Transport retardé

La trajectoire du secteur des transports – responsable d’un tiers des émissions françaises – n’est guère plus encourageante. Si l’électrification des véhicules semble « sur la bonne voie »la motorisation des poids lourds n’évolue pas « presque aucun ». Les investissements dans les transports publics sont également jugés « insuffisant » par le climatologue.

Par ailleurs, rien ne semble avoir été mis en place par le gouvernement pour réduire à la source les besoins de transport – un axe crucial de la décarbonation, selon les spécialistes. « Nous avons besoin de plus d’actions structurelles de sobriété »souligne le climatologue, qui évoque notamment « encourager les véhicules plus légers et plus petits ».

• Le retour des monogestes dans le bâtiment

Même manque de vision globale et à long terme dans le secteur de la construction. Dans ce domaine, la stratégie du gouvernement « continue d’être marqué par le soutien aux rénovations en une seule étape », déplore Corinne Le Quéré. L’aide reste également axée sur le passage des méthodes de chauffage thermique aux appareils électriques.

« Cette stratégie permet de réduire les émissions à court termeobserve le climatologue. Mais cela se fait au détriment du développement de l’isolation des bâtiments, nécessaire pour parvenir à un stock bas carbone, limiter les besoins supplémentaires en électricité décarbonée et réduire la précarité énergétique. »

• Un déclin de l’agriculture

Concernant l’agriculture, qui représente 20 % des émissions territoriales, le Haut Conseil pour le Climat constate un « sagesse rétrospective » de l’action publique pour le climat au cours des douze derniers mois. Les allègements des normes environnementales annoncés en janvier et février 2024 par le Premier ministre Gabriel Attal, en réponse à la crise agricole, sont notamment jugés potentiellement potentiellement néfastes. « négatif ».

La majorité des mesures adoptées en 2023 « privilégier le statu quo de la production agricole actuelleanalyzes Corinne Le Quéré, considérant que nous devrions plutôt accompagner les agriculteurs, très touchés par le réchauffement climatique, vers une production plus résiliente et moins intensive ».


En particulier, les agriculteurs devraient être soutenus vers une production moins intensive.
Pxici/CC0

• Les forêts, laissées pour compte

A cela s’ajoute l’état préoccupant des forêts françaises. Avec d’autres puits de carbone naturels (tels que les prairies), ils absorbent 5,5 % des émissions brutes de gaz à effet de serre du pays. Malheureusement, le changement climatique entraîne leur disparition, au point que la mortalité des arbres pourrait augmenter de 77 %. % d’ici 2050, selon une étude récente réalisée par l’Institut National de l’Information Géographique et Forestière (IGN). Aucune stratégie majeure ni plan de régénération forestière n’a été élaboré pour protéger ce puits de carbone vital, déplore Corinne Le Quéré. Jean-François Soussana, ingénieur agronome et membre du CHCregrette également l’absence de « une politique nationale ambitieuse de stockage du carbone dans les sols »notamment agricole.

Autre motif d’inquiétude : le manque d’investissement dans l’adaptation au changement climatique, un travail en cours « massif »selon le sociologue et membre du CHC Sophie Dubuisson-Quellier. « Les impacts du changement climatique augmentent plus vite que les moyens mis en œuvre » pour y survivre, note-t-elle. Ils seront « encore plus cher » s’ils sont développés tardivement.

La France a été touchée par plusieurs événements extrêmes en 2023, l’année la plus chaude jamais enregistrée depuis le début des mesures météorologiques : une sécheresse intense en plein hiver, des canicules marines en Méditerranée, des canicules accablantes pendant l’été, etc. « compenser » par rapport aux besoins, note Corinne Le Quéré. « Le plan national d’adaptation au changement climatique est en retard. Nous devons le publier le plus rapidement possible. »

Certes, la France semble aujourd’hui « dans une position beaucoup plus favorable pour atteindre les objectifs de 2030 », conclut Corinne Le Quéré. Mais elle ne doit pas se reposer sur ses lauriers. « Il ne faut pas s’arrêter là. Sinon, nous reculerons. »

 
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