l’essentiel
Face à la multiplication des plans sociaux et aux faillites d’entreprises, le gouvernement marche sur des œufs. Refusant pour l’instant de remettre en cause une politique macroniste de l’offre qui atteint ses limites, Michel Barnier va mettre en place une « task force » pour rassurer syndicats et patronat alors que les Français craignent une hausse du chômage.
Face à la multiplication, redoutée par le gouvernement, des plans sociaux dans les entreprises – la CGT en a cartographié quelque 200 dans tous les secteurs – le Premier ministre Michel Barnier a indiqué, dans un entretien à Ouest France jeudi dernier, que son gouvernement allait mettre en place une « task force » regroupant « tous les ministres concernés (travail, industrie, finances, budget, etc.) pour apporter des réponses rapides à chaque situation particulière ». Le gouvernement “demande également à toutes les entreprises qui ont reçu de l’argent public ces dernières années, notamment pour surmonter la crise du Covid et des énergies coûteuses, de nous dire ce qu’elles en ont fait”, a ajouté Michel Barnier.
« Cela fait six mois que nous tirons la sonnette d’alarme » affirme la CGT
Si Matignon s’empare du sujet – quitte à mettre en difficulté la composante macroniste du « socle commun » responsable de la politique économique controversée de l’offre menée depuis 2017 – c’est que la situation est grave. Entre les plans sociaux qui s’accumulent dans tous les secteurs et notamment l’industrie, l’automobile et la chimie, et une hausse historique du nombre de faillites, une alerte rouge sur l’emploi vient d’être déclenchée. aux côtés d’autres questions brûlantes pour le gouvernement.
Michel Barbier doit, en effet, faire face à la colère du monde agricole qui se réveille ce lundi avec un mouvement national lancé par la FNSEA et la JA, à la grogne dans la fonction publique et dans d’autres secteurs, et il doit construire un budget inextricable. 2025 qui doit réaliser pas moins de 60 milliards d’économies pour compenser le dérapage abyssal des comptes publics – un déficit de 6,1% du PIB et 3 230 milliards d’euros de dette…
Les préoccupations concernant l’emploi touchent évidemment les syndicats. « Cela fait six mois que nous tirons la sonnette d’alarme. En mai, la CGT a publié une liste de 130 projets de licenciements en cours. Personne ne s’en souciait… Nous avons interrogé tous les politiques, etc. Silence de mort. Là, aujourd’hui, nous sommes presque à 200″, a estimé la secrétaire générale de la CGT Sophie Binet, jeudi dernier lors d’un “Face aux lecteurs” dans La Dépêche.
« Cela ne nous surprend pas du tout. Nous avons dit et expliqué pourquoi, en fait, cette situation économique est la conséquence, le signe de l’effondrement de la politique de l’offre d’Emmanuel Macron. Cette politique de l’offre coûte très cher », critique Sophie Binet. Selon Thierry Millon, directeur d’études de la société Altares, qui recense tous les dépôts de bilan, « on se dirige cette année vers le chiffre de 67 000 faillites (d’entreprises). C’est une situation que notre économie n’a jamais connue », a-t-il déclaré à L’Humanité, estimant que l’ensemble de ces faillites menaceraient 300 000 emplois, notamment à cause de « l’effet domino sur les fournisseurs ». »
Inquiétude pour les ETI et les PME
Du côté des entreprises, plongées dans l’incertitude depuis la dissolution et qui ne savent pas quel cadre fiscal sortira du Budget 2025, l’inquiétude est vive, d’autant que le contexte économique international se tend de plus en plus avec le retour d’une politique plus isolationniste que jamais. .
« Alors que l’activité est déjà durement touchée et que les perspectives à court terme sont en berne, le projet de budget pour 2025 et les débats qui accompagnent son examen au Parlement promettent une augmentation significative du niveau des prélèvements obligatoires sur les ETI (entreprises de taille intermédiaire). Si cela devait se confirmer, on pourrait s’attendre à des conséquences potentiellement redoutables sur la capacité des entreprises de taille moyenne à continuer à créer des emplois, à investir dans l’innovation et la transformation, ce qui compromettrait la capacité du pays à continuer de récolter les fruits de la compétitivité. mesures initiées ces dernières années, mais aussi pour redresser ses finances publiques », estime le récent 14e Baromètre Palatine-METI des financements mid cap.
Du côté des PME, 46% des dirigeants envisagent d’investir cette année, une proportion en baisse de 4 points sur le trimestre et de 11 points sur un an, selon le dernier Baromètre Bpifrance Le Lab – Rexecode.
Le retour de la TVA sociale
Cette situation a mis hier sur le devant de la scène le président du Medef, Patrick Martin. Dans un entretien au Parisien, celui qui assurait fin septembre que les entreprises – qui reçoivent quelque 200 milliards d’euros d’aides publiques inconditionnelles – étaient prêtes à payer davantage d’impôts, insiste désormais sur le fait qu’« il faut choisir entre des augmentations d’impôts et création d’emplois ». “Nous ne voulons pas d’un seul euro d’augmentation du coût du travail” insiste le représentant des grandes entreprises qui critique l’indexation des retraites à l’inflation et propose l’instauration d’une “TVA sociale”, une vieille idée de l’augmentation de la TVA. ce qui rapporterait selon lui 10 milliards d’euros s’il était augmenté d’un point.
Le gouvernement, qui n’envisage pas pour l’instant une TVA sociale, s’est dit hier par la voix du ministre du Budget, Laurent Saint-Martin, “prêt à ce que seulement la moitié, soit 2 milliards d’euros, puissent être demandés aux entreprises” au lieu des 4 milliards de baisse des réductions. des cotisations patronales initialement présentées dans le budget.
Mais le gouvernement reste tiraillé entre la nécessité de soutenir au mieux les salariés victimes des plans sociaux, l’obligation de trouver des fonds pour combler les déficits et la volonté de ne pas pénaliser la compétitivité des entreprises. Un casse-tête qu’il faudra rapidement résoudre pour éviter une hausse du chômage que craignent 84% des Français.