Des précisions très attendues de la cour d’appel de Paris

Des précisions très attendues de la cour d’appel de Paris
Des précisions très attendues de la cour d’appel de Paris

La cour d’appel de Paris a rendu mardi 18 juin trois arrêts sur le devoir de vigilance concernant les sociétés TOTALENERGIES SE (anciennement Total SA), EDF SA et SAS Vigie groupe (anciennement SAS Suez Groupe). Ces affaires soulevaient, en appel de trois ordonnances du juge de la mise en état, plusieurs questions procédurales importantes.

Photo : ©AdobeStock/Johan Wahyudi

Suffit-il d’être en vacances à Saint-Tropez et de constater qu’il fait trop chaud sur la plage pour convoquer Total et l’accuser d’une faute dans l’exercice de son devoir de vigilance ? La question risque de faire sourire. C’est pourtant un exemple qui pourrait être cité dans des conférences pour montrer l’importance de la portée de cette nouvelle obligation créée en France par la loi du 27 mars 2017. Celle-ci obligeait les très grandes entreprises à établir et mettre en œuvre un plan de vigilance concernant les risques. de leur activité sur l’environnement.

Lors de la publication des premiers rapports en 2018, portant sur l’année 2017, les associations ont passé au crible ces nouveaux documents. Et formule les premières critiques. D’où la naissance des premiers litiges qui fondent la jurisprudence.

Voici le résumé des trois dossiers traités par la Cour d’appel dans ses arrêts du 18 juin :

TOTALENERGIES SE

Plusieurs associations (France Nature Environnement, Sherpa, Notre Affaire à Tous, Eco Maires, Amnesty, Zéa, etc.) et de nombreuses municipalités, dont Paris, Bayonne, ainsi que la Ville de New York, ont assigné Total en justice au motif que ses Le plan de vigilance 2018 ne répondait pas aux exigences de la loi de 2017. Ils ont demandé la publication dans les trois mois d’un nouveau rapport conforme. Par ordonnance du 6 juillet 2023, le juge de la mise en état a déclaré toutes les personnes interdites de territoire. Les plaignants ont fait appel.

EDF SA

Le litige concerne un projet de centrale éolienne au Mexique lancé en 2011. Le marché a été remporté par une filiale locale d’EDF. En septembre 2019, plusieurs individus ainsi que l’ECCHR (Centre européen des droits constitutionnels et humains) ont exprimé leur inquiétude quant aux droits des populations autochtones concernées par ce programme. S’appuyant sur le plan de vigilance 2018, ils reprochent à EDF de ne pas avoir prévu de mesures de vigilance sur les risques et la prévention concernant le parc éolien mexicain. Ils demandent donc qu’il lui soit ordonné d’élaborer un nouveau plan de vigilance. Le juge de la mise en état a reconnu leur droit d’agir, a constaté la qualité pour se défendre d’EDF, mais a rejeté les demandes de mesures conservatoires ainsi que la demande d’un nouveau plan de vigilance. Les plaignants ont fait appel.

SAS Vigie Groupe (anciennement Suez SAS)

Une filiale de Suez au Chili exploitait une usine de traitement d’eau potable dans laquelle la marée noire de juillet 2019 a contaminé le captage de l’usine ainsi que le réseau d’alimentation et les cours d’eau de l’usine. la municipalité d’Osorno, provoquant une perturbation de l’accès des résidents à l’eau potable. Sur la base du rapport de vigilance de Suez SAS (SAS Vigie groupe), plusieurs associations ont mis en demeure le PDG du groupe Suez de publier un nouveau plan intégrant une cartographie des sociétés du groupe, des risques au Chili et des mesures correctives. Par ordre de 1euh Juin 2023, le juge de la mise en état a déclaré recevable l’irrecevabilité soulevée par la SAS Vigie Groupe et les associations irrecevables. La mise en demeure a en effet été adressée au siège de la société mère et de sa filiale SAS Vigie groupe, c’est cette dernière qui a répondu dans un premier temps avant d’invoquer le fait qu’elle n’avait pas la capacité de se défendre bien qu’elle soit l’auteur du rapport puisque ce n’était pas la société mère.

Les avocats attendaient des réponses à trois questions.

Première question : la mise en demeure est-elle requise sous peine de cessation d’irrecevabilité ?

Oui, ont affirmé les juges de première instance dans ces litiges, même si la loi ne le prévoit pas expressément. La position de la cour d’appel était très attendue : elle confirme leur analyse. Dans son arrêt Total, le tribunal a noté que « d’une part la mise en demeure prévue par l’article L225-102-4 du II du code de commerce constitue un préalable obligatoire à la saisine du juge et donc un condition de recevabilité du recours, la citation ne peut remplacer la mise en œuvre reste, en revanche, qu’il doit exposer de manière suffisamment claire les manquements invoqués et comporter une contestation ferme du débiteur de l’obligation. Total a également invoqué le fait que la lettre n’était pas suffisamment précise, le tribunal a estimé que oui et a rejeté cet argument. Par ailleurs, la décision EDF apporte une précision supplémentaire : les personnes n’ayant pas signé la mise en demeure peuvent néanmoins agir.

La lettre de mise en demeure a l’avantage de poser les bases d’une éventuelle négociation entre toutes les parties. Reste à savoir si la médiation fonctionne dans ce type de situation. Vraisemblablement. Nous citons en exemple le cas de la société Idemia. Cette société multinationale de biométrie avait été assignée à comparaître par des organisations kenyanes de protection des droits de l’homme et du droit aux données. C’est l’un des avocats des plaignants qui se félicite sur Linkedin du succès de la médiation organisée en France.

Deuxième question : qui a qualité pour agir ?

C’est la grande contribution de la décision Total. Dans cette affaire, en effet, parmi les requérants figuraient plusieurs associations et municipalités, et même la ville de New York (voir ci-dessus).

En ce qui concerne la les associationsle tribunal rappelle que les intérêts défendus doivent relever de leur objet statutaire, ce qui l’amène à déclarer Eco Maires irrecevables (objet trop large), mais en revanche Notre Affaire à Tous, Zea, FNE et Sherpa recevables.

À propos de communes (et région Centre Val de Loire)elle les a déclarés irrecevables après avoir rappelé : « l’action entreprise vise un intérêt public mondial, ce qui dépasse le simple intérêt local que les communes doivent justifier pour pouvoir agir. Le fait que les territoires des communes subissent indistinctement les effets néfastes du réchauffement climatique ne suffit pas à caractériser un intérêt local à agir, seulement la démonstration d’une attaque ou d’un impact particulier du réchauffement climatique sur le territoire de la commune concernéepermet de caractériser un intérêt public local et donc de justifier un intérêt à agir pour les collectivités locales.

Troisième question : qui est défendeur dans l’action ?

C’est la décision Suez qui répond à cette question. Dans ce cas, les ONG s’étaient trompées de société. ” En déclarant irrecevable l’action des ONG contre une filiale opérationnelle du groupe, la Cour d’appel a précisé, conformément à l’esprit de la loi de 2017, que la société mère qui était l’auteur du plan de vigilance, est seule débitrice du obligation » analysent Me Sébastien Schapira et Me Antoine Galudec, avocats du groupe Vigie (ex-Suez). La filiale en question était bien l’auteur du rapport et avait même commencé à répondre aux associations, avant d’invoquer son manque de qualité pour se défendre. Les associations ont répondu qu’elle était elle-même à l’origine de la confusion. Cela n’a pas suffi à convaincre le tribunal qui a clairement énoncé le principe dans cette affaire : « la tête de groupe est le débiteur naturel et inconditionnel de l’obligation de publier et de mettre en œuvre un plan de vigilance. Toutefois, le statut de filiale n’est pas en soi exclusif du statut de débiteur de cette obligation : la défaillance de sa société mère empêche l’exonération et laisse sa charge retomber sur la filiale qui remplit les conditions seuils. « .

 
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