« L’appareil exécutif doit avoir l’audace de mieux taxer les secteurs riches et monopolisés » – .

« L’appareil exécutif doit avoir l’audace de mieux taxer les secteurs riches et monopolisés » – .
« L’appareil exécutif doit avoir l’audace de mieux taxer les secteurs riches et monopolisés » – .

Finance News Weekly : Le Maroc a réalisé des progrès significatifs en termes d’augmentation des salaires. Quels sont les principaux points de l’accord de gouvernement signé le 29 avril. Ce dernier représente-t-il un tournant en matière de dialogue social ?

Youssef Guerraoui Filali : Le pouvoir exécutif considère l’accord comme historique et salue ses conclusions avec les principales centrales syndicales et la Confédération générale des syndicats. Entreprises marocaines (CGEM). Il s’agit essentiellement de la révision des salaires minima interprofessionnels agricoles et non agricoles, et de la réduction de 1% du taux marginal de l’impôt sur le revenu (IR), portant le revenu annuel exonéré d’impôt de 30.000 à 40.000 DH. Concernant l’augmentation du Smig/Smag, elle reste significative, soit une augmentation de 10% à mettre en œuvre progressivement entre 2025 et 2026 (5% chaque année). En revanche, les entreprises marocaines ne disposent pas de toutes les mêmes moyens financiers ; il fallait plutôt catégoriser le taux d’augmentation en fonction de la taille de l’entreprise. Par exemple, 5 % augmenteront progressivement entre 2024 et 2025 pour la catégorie des petites et moyennes entreprises (PME) qui connaissent des difficultés en termes de financement et de trésorerie (2,5 % chaque année), et conserver 10 % pour les très grandes et grandes entreprises disposant d’un fonds de roulement et de moyens financiers suffisants. Quant à la baisse de tà l’IR marginal, il fallait appliquer au moins 2% pour réduire la pression fiscale sur les classes moyennes et inférieures marocaines, en anticipant évidemment son impact budgétaire et les moyens de financer cette dépense fiscale. Pour information, le gouvernement Abbas El Fassi avait appliqué deux révisions de l’IR au cours de son mandat gouvernemental, dans le cadre du dialogue social, à savoir une première réduction de 2% du taux d’IR de 42 à 40% et une 2ème réduction de 2% , réduisant le taux d’IR de 40 à 38 %.

FNH : L’augmentation générale des salaires concerne les fonctionnaires. Quelle lecture en faites-vous ?

YGF : Les fonctionnaires de l’administration publique ont bénéficié d’une augmentation de 1.000 DH en deux tranches, la 1ère en juillet 2024 et la 2ème en juillet 2025 (500 DH chacune). Par conséquent, cette révision salariale n’est pas indexée au mérite et à la performance dans l’exécution du travail. C’est bien d’augmenter les salaires publics, mais il faut voir une amélioration du service public en tant que citoyens. De plus, les salariés du privé sont exclus de cette équation à l’heure où ils contribuent activement à la valeur ajoutée marocaine et à la création de richesse économique. Il a été question de négocier avec les employeurs la possibilité d’augmenter également les salaires dans le secteur privé. tout comme le secteur public.

FNH : Selon vous, qui devra payer la note ?

YGF : Le dialogue social aura sûrement un impact sur le budget de l’Etat, mais son financement doit toujours être anticipé. En effet, le gouvernement discute de deux options de financement : l’élargissement de l’assiette fiscale et des mécanismes de financement innovants utilisés pour vendre les actifs de l’État. Dans le premier cas, l’élargissement ne devrait pas exercer davantage de pression fiscale sur les classes moyennes et sous-moyennes et sur le tissu entrepreneurial marocain composé à 90% de PME. Pour la 2ème option, c’est inquiétant car on cède le terrain de l’Etat pour financer des opérations et on le loue ensuite au vendeur pour supporter les charges locatives. Le gouvernement doit donc rechercher de nouvelles sources de financement sans recourir à l’endettement. La création de nouveaux impôts et la taxation des classes aisées et des entreprises aisées restent une solution à considérer si l’on ne veut pas mettre davantage de pression fiscale sur les niches existantes. L’autre élément sur lequel le gouvernement doit se concentrer concerne l’intégration du secteur informel dans l’économie marocaine. Sa valeur est estimée à 300 milliards DH de PIB, et elle générera d’importantes recettes fiscales pour le pays. En fin de compte, le coût du dialogue social ne devrait pas être supporté par le tissu entrepreneurial marocain et les classes moyennes et sous-moyennes. L’appareil exécutif doit avoir l’audace de mieux taxer les secteurs riches et monopolisés. Ainsi, le gouvernement disposera de nouvelles marges de manœuvre pour financer les aspects du dialogue social qui doivent s’inscrire dans la durabilité et la continuité. La cession des biens de l’État, par exemple, n’est pas une solution durable et elle a l’effet inverse puisque l’État supporte une charge locative en contrepartie de la vente des biens qu’il occupe.

FNH : Soutenir la classe moyenne à travers la révision du système d’impôt sur le revenu est une mesure importante. Cette réforme fiscale soulève cependant des questions quant à son application pratique. Qu’est-ce que c’est exactement ?

YGF : En matière de réforme du système des RI, menée dans le cadre du dialogue social d’avril 2024, le gouvernement a décidé d’augmenter le revenu annuel exonéré d’impôt de 30.000 à 40.000 DH et d’abaisser le taux marginal de 1% (de 38.000 DH). à 37%) à partir de janvier 2025. Ces mesures restent de faible impact compte tenu de la persistance des pressions inflationnistes sur les ménages marocains. Le réaménagement des taux des IR, avec des réductions variant de 2 à 3 points, aurait eu un impact plus positif sur les revenus des Marocains, mais à condition d’anticiper les effets budgétaires sur les dépenses de l’Etat et en recherchant de nouvelles marges de manœuvre. L’amélioration de la situation et du pouvoir d’achat des citoyens nécessite une augmentation des revenus et des allégements fiscaux.

FNH : Le gouvernement est à mi-mandat. Comment lire son bilan ?

YGF : La majorité des indicateurs sociaux sont malheureusement au rouge. Je cite entre autres un taux de chômage dépassant les 13% au niveau national et les 40% dans la catégorie des jeunes, et plus de 4 millions de Marocains en situation NEET (sans emploi, sans études ni formation). Pour ce faire, le pouvoir exécutif doit revoir sa politique d’emploi et d’insertion professionnelle, en mettant en œuvre des programmes de développement socio-économique intégrés, et en se concentrant davantage sur l’investissement – ​​la production – générateur d’emplois. En matière de faillite d’entreprises, la situation est très alarmante. Les petites et très petites entreprises sombrent plus fréquemment dans le déclin commercial et la faillite (soit 30 000 faillites à fin décembre 2023), en l’absence de mesures concrètes d’accompagnement et de financement. Le gouvernement doit changer d’approche en se concentrant davantage sur les TPE et PME, au lieu de se concentrer sur de grands projets d’investissement qui ne créent pas suffisamment d’emplois et n’encouragent pas l’auto-entrepreneuriat au Maroc.

 
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