La Poste a annoncé la fermeture de 170 filiales d’ici 2028. Elle souhaite miser sur les partenariats, notamment avec les entreprises. Si le géant jaune n’a pas encore communiqué les noms des sites supprimés, les utilisateurs de certaines communes ont déjà vécu ces changements par le passé. Le magazine 15 Minutes s’est rendu sur place.
Cela fait 14 ans que la poste de Montricher (VD) a fermé ses portes. Dans ce village d’un millier d’habitants, niché au pied du Jura, subsistent des vestiges du passé récent : barreaux aux fenêtres, cartons et cases postales, dans un bâtiment devenu établissement d’accompagnement psychologique dans les écoles.
« Les gens étaient mécontents », raconte Didier Amez-Droz, le syndic de la commune. “C’est comme tout le reste : si on ferme un restaurant, l’épicerie, l’école ou un bureau de poste, le village est mort.” Le syndic est cependant conscient d’une évolution de société qu’il juge inéluctable : « Qui paie encore via La Poste ? Vous devriez faire une enquête, mais pas grand monde ».
Partenaire des entreprises pour assurer la continuité
A Montricher, les services postaux n’ont pas complètement disparu. C’est l’épicerie du village qui a repris l’essentiel du service, en partenariat avec le géant jaune. Le magasin peut proposer une large gamme des principales activités de La Poste.
Et les avantages existent pour le commerce. “Les gens sont susceptibles de découvrir des choses qui les intéressent, ce qu’ils n’auraient peut-être pas fait s’ils n’étaient pas venus pour le poste”, explique Celia Reber, la propriétaire. Quant au contrat signé avec La Poste, l’intérêt financier est plutôt limité, selon elle : “C’est du beurre dans les épinards, mais ce n’est pas ça qui nous permet de les cuisiner.”
Les avantages s’accompagnent également de certaines contraintes : les salariés doivent être formés pour pouvoir assurer le service postal, et parfois les exigences dépassent leurs compétences, explique Celia Reber.
Pour le village, il y a aussi un bénéfice. « Pour nous, c’est vraiment une qualité d’avoir la poste ouverte le samedi ou le dimanche », confie un client du magasin. « Mais en même temps, est-ce vraiment à ces gens-là de prendre en charge le travail de La Poste ? C’est la vraie question pour moi.
>> Écoutez le reportage de 15 Minutes :
Les villes ne sont pas épargnées
La densité de population ne freine pas toujours La Poste dans ses décisions de fermeture. A Lausanne, le quartier de la Bourdonnette a été le théâtre d’une âpre lutte des habitants pour tenter de sauver leur poste.
«On est allé à Berne, on a fait des manifestations, on a fait plein de choses et ça a marché», raconte Monique Gachet, 81 ans, habitante du quartier depuis 30 ans. Sous l’impulsion d’un groupe d’habitants, la filiale de La Poste a ainsi été maintenue dix-sept années supplémentaires, jusqu’en 2021. « Ils n’ont pas trop osé s’en prendre à La Bourdonnette. Nous sommes en dehors de la ville. Il y a 2 000 personnes ici, donc on ne peut pas fermer un bureau de poste comme ça», se vante l’octogénaire.
Le bureau de poste de la Bourdonnette sera à terme transformé, et ses services repris par une épicerie. Au grand dam de Monique : « On a essayé de maintenir un service public, pas un service privé. Le gérant ne peut pas répondre à nos demandes. Ils nous enlèvent un poste, mais ils ne veulent rien nous donner de précieux.»
>> Écoutez aussi l’interview de Matthias Finger, professeur émérite à l’EPFL et spécialiste des services publics :
Ariane Hasler, Cédric Guigon
