Il y a 80 ans, la barbarie nazie frappait le Gers, faisant 76 morts dans son sillage

l’essentiel
Après le débarquement de Normandie, des groupes de résistants interviennent dans le Sud-Ouest. Dans un mois, les Gersois commémoreront le sacrifice de 76 d’entre eux, tombés sous les balles allemandes au petit matin du 7 juillet 1944.

Après le débarquement des forces alliées en Normandie et avant celui de Provence (15 août 1944), un climat insurrectionnel règne dans la France occupée par l’Allemagne nazie. Le Sud-Ouest ne fait pas exception.

Dans le Gers, entre les communes de Meilhan et Villefranche-d’Astarac, le médecin lombézien Joseph Raynaud (33 ans) est rejoint par de nombreux jeunes hommes désireux d’en découdre avec l’occupant.

Installation

Cela se fait sur deux sites. La ferme inoccupée dite « Larée » appartient à la famille Dalas du village de Sère. « Cette famille cache chez elle un certain André Cluzel, qui résiste au Service obligatoire du travail (STO). Il rejoint le maquis dès sa formation et demande à occuper l’exploitation », raconte Max Balas, coprésident de l’Amicale du maquis de Meilhan. L’effectif sur place est constitué d’un groupe important de jeunes originaires de L’Isle-en-Dodon (31).

Le Gersois Jean-Claude Pasqualini et Max Balas (Amicale du maquis de Meilhan) travaillent sans relâche pour que le sacrifice des maquisards ne tombe pas dans l’oubli.
DDM – Colombie-Britannique

Un peu plus au nord, la ferme dite du « Priou », également inutilisée, appartient à la famille Narbonne de Simorre. Sympathisante de la Résistance, elle donne son accord au docteur Raynaud qui souhaite s’y installer.

Une bataille perdue d’avance

Le 24 juin 1944, ces derniers et une centaine d’hommes s’installent en ces deux lieux. « Mais dans ce lieu très isolé, l’arrivée de véhicules automobiles, encore rare à l’époque, ne passe pas inaperçue », précise Jean-Claude Pasqualini, coprésident de l’Amicale, élu d’Auscitain et spécialiste de la Seconde Guerre mondiale. Très vite, les autorités allemandes sont informées de la formation d’un maquis dans le sud du Gers. Une opération se prépare soigneusement, après avoir évalué le nombre de résistants rassemblés sur place.

Veillée commémorative le 6 juillet 2022 en présence d’écoliers et de collégiens.
DDM – ARCHIVES SÉBASTIEN LAPEYRÈRE

Au petit matin du 7 juillet, une centaine d’Allemands venus de Lannemezan (Hautes-Pyrénées) à bord de camions civils sont venus encercler le maquis. Ils ne sont pas beaucoup plus nombreux, comme cela a été évoqué à tort plusieurs décennies après coup. Mais il s’agit de soldats aguerris du 116e bataillon de grenadiers, « des vétérans de la campagne de Russie pour la plupart », précise Jean-Claude Pasqualini. Ils ne vont laisser aucune chance aux jeunes résistants.

Dès le début des combats, un camion du maquis, chargé de matériel et de carburant en vue d’un départ imminent, est touché par des tirs de mortiers allemands. L’explosion tue et blesse de nombreux résistants. Les blessés furent achevés sur place par les nazis.

Ces derniers ont également choisi quatre otages issus de fermes voisines, abattus au passage. Dans les jours qui suivent le massacre, trois autres prisonniers sont exécutés à Lannemezan, dont l’un est considéré à tort comme un traître à la Résistance.

Au total, soixante-seize victimes sont dénombrées, dont le docteur Raynaud, pour un Allemand tué. Seule une vingtaine de résistants parviennent à échapper au carnage.

Après les combats

“A l’époque, il y avait à cet endroit un étang asséché qu’il a fallu approfondir pour créer une fosse commune afin d’enterrer les martyrs du combat”, rappelle l’une des plaques qui seront prochainement installées à Priou (lire également ci-dessous). Le 9 novembre 1944, une première exhumation permet de restituer les corps des jeunes gens de L’Isle-en-Dodon aux familles.

Le 15 juin 1945, une seconde exhumation vise « à identifier les victimes restées dans la tombe ». Plusieurs familles décident de transférer la dépouille dans des caveaux familiaux.

Devoir de mémoire

En septembre 1945, les fermes détruites sont rachetées par le département puis, au début de l’année suivante, un comité est créé pour mener à bien le projet d’un monument aux victimes du maquis de Meilhan. « Mais les matériaux s’épuisent et la priorité est de reconstruire le pays », souligne Jean-Claude Pasqualini.

Le 7 juillet 1946, deux ans après le massacre, la dépouille du docteur Joseph Raynaud de Lombez est ramenée sur le site du maquis de Meilhan en présence d’une foule immense.
Archives Amicale du Maquis Meilhan

Le 7 juillet 1946, une foule est néanmoins présente sur les lieux du massacre lorsque la dépouille du docteur Raynaud y est ramenée. Une première pierre « symbolique » du monument fut posée à cette époque.

Un groupe d'ouvriers et de sculpteurs posent sur le chantier de construction du monument érigé en l'honneur des jeunes combattants tombés sous les balles nazies.
Un groupe d’ouvriers et de sculpteurs posent sur le chantier de construction du monument érigé en l’honneur des jeunes combattants tombés sous les balles nazies.
Archives Amicale du Maquis de Meilhan

Ce n’est que trois ans plus tard, à la suite d’une souscription publique puis de travaux réalisés par un cabinet d’architectes et de sculpteurs parisiens, que le bas-relief et la tour carrée dite « colonne d’appel » sont inaugurés. . Nous sommes le 21 août 1949 et « une foule estimée à 3 000 personnes » s’est rassemblée à cette occasion. Le personnage central représente la « Résistance Désespérée ».

D’hier à aujourd’hui

Camps de la mort : Le 19 août 1951, une urne contenant de la terre des camps d’extermination nazis est déposée au monument du maquis de Meilhan par la Fédération nationale des déportés et internés, résistants et patriotes (FNDIRP). Après la Seconde Guerre mondiale, c’est en fait la Guerre froide qui prend le dessus (Guerre de Corée). Et le réarmement de l’Allemagne de l’Ouest, prôné par les États-Unis et l’Otan, est très mal accueilli par les vétérans. Les blessures de l’Occupation étaient loin d’être guéries.

Maquis (voisin) de Meilhan : le Maquis de Meilhan a gardé son nom au fil des décennies malgré le fait que les combats et exactions se sont déroulés sur le territoire de la commune voisine de Villefranche-d’Astarac.

Visites et renseignements : à l’occasion du 80e anniversaire du massacre de Meilhan, sept panneaux d’information seront installés sur le site appartenant au Conseil Départemental. Toute l’année, des visites sont organisées pour les groupes scolaires ou individuels (sur réservation au 06 09 72 26 45). Durant l’été, une présence permanente est assurée sur le site mémorial le dimanche après-midi.

 
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