Des experts tournent le dos à McGill en marge d’une conférence

Des experts tournent le dos à McGill en marge d’une conférence
Des experts tournent le dos à McGill en marge d’une conférence

Les associations d’experts qui devaient participer à une conférence à l’Université McGill refusent de se rendre sur le campus en solidarité avec le campement pro-palestinien et la grève des professeurs de droit.

A trois semaines de l’événement, beaucoup ont trouvé de nouveaux locaux dans d’autres établissements ou ont décidé de suivre les conférences en ligne. Ils ne souhaitent pas « franchir les piquets de grève » de leurs confrères professeurs de droit, en grève générale illimitée depuis le 24 avril, ni vouloir « manifester leur solidarité avec le camp ».

Quelque 8 000 chercheurs et étudiants sont attendus du 12 au 21 juin à l’établissement anglophone de Montréal pour le Congrès des sciences humaines. Il s’agit d’un événement majeur pour les 58 associations qui ont choisi d’organiser leurs conférences en même temps. Mais, selon la Fédération des sciences humaines, qui prépare le congrès, une « douzaine » d’entre eux ont exprimé leur « malaise » et suivront finalement l’événement en ligne.

C’est notamment le cas de l’Association des littératures canadiennes et québécoises. La décision a été prise en raison de son « engagement envers l’équité » et la « justice sociale », a écrit le président Matthew Cormier dans un courriel obtenu par Le devoir.

« Un autre groupe de personnes […] aurait approché d’autres institutions comme l’Université du Québec à Montréal ou Concordia», indique l’administrateur en chef par intérim de la fédération, Mike DeGagné.

Víctor Muñiz-Fraticelli, capitaine de grève de l’Association des professeurs de droit de McGill (AMPD), affirme qu’une « grande majorité » des 58 associations ont manifesté leur soutien, que ce soit en changeant leur mode de participation au congrès ou en affirmant qu’elles seraient s’ajoutant aux multiples activités de piquetage prévues lors de l’événement. « Toutes les grandes associations ont déjà pris des mesures très concrètes pour minimiser leur présence à McGill », dit-il.

La réputation de McGill entachée

Selon le gréviste professeur agrégé de droit et de sciences politiques, la situation « nuit définitivement à la réputation de l’université ». «Cette administration, à McGill, n’admet pas de dissidence», affirme-t-il, faisant référence aux négociations difficiles en vue d’obtenir une première convention collective ainsi qu’aux multiples demandes d’injonction qui démanteleraient le campement pro-palestinien.

« Ce sont deux luttes distinctes, mais […] il y a une solidarité très, très forte entre tous ceux qui veulent manifester contre une administration qui ne connaît que la répression pour empêcher la dissidence. »

M. DeGagné, pour sa part, voit toujours l’établissement montréalais comme un « bon partenaire ». “Nous espérons qu’au cours des trois prochaines semaines, une solution satisfaisante sera trouvée aux problèmes qui se posent actuellement sur le campus”, a-t-il déclaré, sans préciser en quoi cela consisterait. « Mais nous devons aussi reconnaître que le monde et la société ont changé […]et que ce genre de désaccords, […] les manifestations politiques peuvent avoir lieu à tout moment sur n’importe quel campus. »

Une chose est sûre, l’AMPD, qui prétend avoir réussi à rallier « tout McGill », constate un enthousiasme généralisé pour sa démarche syndicale. Car, fait rare au Québec, les professeurs de l’université anglophone ne sont pas syndiqués. «On a vraiment l’impression que les gens comprennent ce qui est en jeu ici», affirme la vice-présidente de l’association, Kirsten Anker.

L’Université McGill n’a pas répondu aux questions de Devoir.

« Fracture » avec la fédération

Ces multiples désistements à quelques semaines de la réunion scientifique ont également provoqué des tensions entre la fédération et ses associations membres. Dans son courriel, M. Cormier déplore que l’organisme ait « refusé de rembourser » ceux qui souhaitent se désinscrire.

En entretien à Devoir, l’organisation non gouvernementale se défend en expliquant qu’après avoir dû rémunérer une vingtaine de salariés pendant un an pour organiser l’événement, “l’idée de rembourser l’argent, à trois semaines de la date d’échéance, serait difficile à accepter”. . D’autant que l’université « agit seule », affirme Mike DeGagné, voulant souligner que la fédération n’est pas dans le secret des décisions de l’établissement. « Nous sommes pris au milieu de tout ça ! »

Même si M. DeGagné dit « comprendre tout à fait » le « raisonnement » des associations, il estime aussi que c’est à elles d’agir « de manière indépendante ». « La fédération ne regroupe pas les préoccupations communes. »

Cette réticence à accueillir les membres a provoqué une « division assez sérieuse » avec la fédération, estime Kirsten Anker. Son collègue M. Muñiz-Fraticelli ajoute que la « flexibilité franchement forcée » dont a fait preuve l’organisateur a poussé les associations à envisager de mettre fin à leur « affiliation ».

“Et ce n’est pas ce que nous voulons”, a-t-il déclaré. «Nous ne voulons pas empêcher la réunion de collègues», mais que McGill ne profite ni financièrement ni en termes de «réputation de la célébration de la conférence».

Ce rapport est soutenu par l’Initiative de journalisme local, financée par le gouvernement du Canada.

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