Pourquoi les banques françaises ne paient pas les comptes courants

Pourquoi les banques françaises ne paient pas les comptes courants
Pourquoi les banques françaises ne paient pas les comptes courants

500 milliards d’euros. En France, c’est tout l’argent qui sommeille sur les comptes courants des clients des banques. Cela représenterait en moyenne 16 562 € par compte, selon un calcul du site spécialisé Moneyvox qui part du principe qu’il y avait 30 millions de foyers français. Une somme loin d’être négligeable, qui serait rémunérée si elle était plutôt placée sur des comptes d’épargne réglementés par exemple… Mais ce que peu de gens savent, c’est qu’elle pourrait aussi être rémunérée tout en restant sur votre compte courant !

« 15 milliards donnés aux banques au détriment des particuliers »

En effet, les banques et autres institutions financières disposant d’une licence bancaire placent l’ensemble de leurs dépôts auprès de la Banque centrale européenne (BCE). En fonction de la situation économique, cette dernière les rémunère selon le taux de rémunération (ou « facilité ») des dépôts. C’est l’un des trois taux directeurs de la BCE, qui ont été abaissés jeudi 6 juin. Celui qui nous intéresse est donc tombé à 3,75%, après être resté à 4% depuis septembre. Pendant neuf mois donc, la BCE a payé à ce rythme les 500 milliards de comptes courants impayés.

“C’est comme si on avait donné 15 milliards d’euros aux banques, au détriment des particuliers”, estime Aude Poulain de Saint-Père, avocate en droit bancaire au barreau de Paris. Les banques pourraient effectivement redistribuer tout ou partie de ce jackpot à leurs clients. Pourquoi ne le font-ils pas ? Pour comprendre, il faut faire un petit historique bancaire. Et remontez à 1966, époque où les salaires étaient encore systématiquement payés via des enveloppes remplies de billets de banque puis également dépensés en espèces. La réforme Debré-Haberer, visant à libéraliser le système bancaire, a modernisé tout cela.

Une situation défavorable au consommateur

L’un de ses objectifs était d’inciter les Français à ouvrir des comptes bancaires. Pour ce faire, le gouvernement demande aux banques de ne pas facturer certains services comme la tenue de compte ou les chèques. En contrepartie, il accepte d’interdire la rémunération des comptes courants, ce qui permet aux banques de percevoir une manne grâce à la rémunération des dépôts par la banque centrale. À l’époque, tout le monde était gagnant. « Sauf qu’entre-temps, les banques, même si elles ne rémunèrent toujours pas les comptes courants de leurs clients, ont commencé à facturer de plus en plus les services »retrace Aude Poulain de Saint-Père.

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Une situation particulièrement défavorable pour le consommateur. Il a fallu attendre les années 2000 et une décision de la justice européenne pour que les choses changent. En 2002, la filiale française de CaixaBank souhaitait commercialiser un compte de dépôt à vue rémunéré à 2% par an. Mais elle avait été interdite par la Commission bancaire, ancêtre de l’ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution). La banque espagnole a alors engagé une procédure devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) pour tenter de faire annuler ce qui était alors une exception française.

« Le monde bancaire est un oligopole »

Et elle y est parvenue : en 2005, la CJUE puis le Conseil d’État lui ont donné raison et l’interdiction des comptes payants a été levée. CaixaBank France peut donc enfin proposer son compte courant rémunéré. On pourrait alors dire que d’autres banques suivront le mouvement. Mais très peu s’y risquent : parmi les grandes banques du réseau, seule la Caisse d’Épargne tente, avant d’abandonner rapidement. « Le monde bancaire est un oligopole, personne n’aurait trouvé d’intérêt à ce développement de rémunération des dépôts », justifie Maître Poulain de Saint-Père. En revanche, la plupart de ces établissements proposent par exemple des comptes à terme (CAT).

Et puis, dans un pays où l’épargne réglementée a toujours été forte avec des produits comme le Livret A ou le LEP, la demande de rémunération sur les comptes courants n’a jamais vraiment existé chez la clientèle bancaire. Mais peut-être que l’arrivée de nouveaux acteurs bancaires pourrait contribuer à créer cette demande ?

Ces dernières années, des « néobanques » ont émergé, c’est-à-dire des banques en ligne qui ne sont pas filiales d’un grand groupe (Boursorama dépend de la Société Générale, Fortuneo du Crédit Mutuel Arkéa, etc.). Certains de ces acteurs proposent à leurs clients une rémunération pour leurs dépôts : c’est le cas du Bunq néerlandais et de la République commerciale allemande, qui proposent chacun une offre de ce type à leurs clients français.

Lydia donne un coup de pied à la fourmilière bancaire

Mi-mai, la société Lydia a annoncé le lancement de Sumeria, une nouvelle application regroupant l’ensemble de ses services bancaires. Parmi ces dernières figure la possibilité de bénéficier d’un « compte courant rémunéré ». “Si Sumeria est votre compte courant, pour vos dépenses personnelles, en couple, ou les deux, alors vous toucherez des intérêts sur tout votre argent, 4% les quatre premiers mois, puis 2%”a vendu l’entreprise pour présenter sa nouvelle offre.

Contrairement à Bunq et Trade Republic, Lydia est plutôt connue des Français puisque 8 millions d’entre eux ont été conquis par sa solution de transfert instantané gratuite. Le lancement de ce « compte courant rémunéré » constitue donc une sorte de coup de pied dans la fourmilière bancaire. Si cette offre rencontrait du succès auprès des consommateurs, peut-être que les banques traditionnelles commenceraient également à rémunérer les dépôts ?

 
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