La ministre, son agence et son sac

La pièce est grande, plutôt sombre. De grandes cartes routières du Québec bordent un mur. Un autre mur, orienté au nord et vitré sur toute sa largeur, donne une vue imprenable sur la ville de Québec. Et ses autoroutes.

Nous sommes au 29e étage de la tour de l’immeuble où est également situé l’hôtel Delta, sur le boulevard René-Lévesque, à Québec. Juste devant l’Assemblée nationale.

La ministre québécoise des Transports et de la Mobilité durable, Geneviève Guilbault, y a ses bureaux. C’est autour de cet immense cercle de tables mises bout à bout qu’elle a livré une série de longues interviews, jeudi et vendredi.

« Pour présenter mon fameux projet d’agence dont on parle… dont je parle à contrecœur, voire à contrecœur, depuis un an et demi. Dont je ne peux toujours pas parler en détail aujourd’hui, car il faut toujours être prudent avant de déposer des projets de loi», se justifie-t-elle d’emblée, avant de plonger dans le vif du sujet. sujet.

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En créant l’agence Mobilité Infra Québec, Geneviève Guilbault entend remédier au fait que « nous n’avons pas la capacité de réaliser des projets de transport collectif d’envergure au sein du gouvernement québécois ». (Caroline Grégoire/Le Soleil)

Le futur nom et quelques détails sur l’agence ont été divulgués pour la première fois La presse, le même après-midi. Il s’appellera Mobilité Infra Québec. Le MIQ. Ou MIQ. On verra à l’usage. Mais il va falloir s’y habituer.

Cette tournée médiatique était prévue pour la première fois il y a deux semaines. Avant l’étude des crédits budgétaires, désormais terminée.

“Nous n’avons personne!”

Alors avant que le ministre Guilbault affirme que « la gestion des transports collectifs et des entreprises de transport n’est pas une mission de l’État ». Avant l’épisode du sac. Et avant le nouveau chapitre de sa chicane avec le maire de Québec, Bruno Marchand.

Elle a également convoqué ce lundi les maires qui disposent des entreprises de transport pour discuter du financement.

Mme Guilbault n’est pas du genre à fuir l’adversité médiatique. Mais elle se prépare et attend son moment. L’entretien se déroule en présence de quatre membres de son cabinet.

« Il y a une série de projets de transport collectif au Québec déjà en cours, ou en gestation à différents niveaux, et pour lesquels il y a un besoin dont on parle depuis des années. Pour lesquels nous avons constitué des commissions, nous avons fait des rapports, nous avons encore fait des rapports, des rapports, des rapports. Mais le jour où nous voulons les réaliser, nous n’avons personne ! Nous n’avons pas la capacité de réaliser des projets de transport collectif d’envergure au sein du gouvernement du Québec », a déclaré Mme Guilbault.

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La nouvelle agence des transports n’aura rien de commun en termes de taille avec celle qui vient d’être créée en santé. (Caroline Grégoire/Le Soleil)

Cela justifie, voire nécessite la création de cette nouvelle « petite structure flexible, légère, extra compétente, indépendante, qui ressemble un peu à CDPQ Infra », selon elle. Mais plus petit.

Mobilité Infra Québec lancera ses activités avec entre 30 et 50 personnes à son bord, a précisé le ministre. La moitié, voire le tiers de la centaine d’employés affectés au service des infrastructures spécialisées de la Caisse de dépôt et développement du Québec (CDPQ).

On est loin du modèle de la nouvelle agence sanitaire que vient de créer son collègue de la Santé.

Christian Dubé s’apprête à transférer entre 700 et 800 fonctionnaires du ministère de la Santé et des Services sociaux vers la nouvelle agence Santé Québec. En plus de devenir l’unique employeur de 330 000 travailleurs du réseau public de santé.

La nouvelle agence de transport prendra en charge ces projets de transport collectif actuellement « dispersés » un peu partout depuis CDPQ Infra et de nombreux bureaux de projets. Trop, semble évaluer le ministre des Transports et de la Mobilité durable.

« Nous dépensons beaucoup d’argent avec le gouvernement du Québec dans les bureaux de projets, qui sont dispersés. Cela nous coûte cher et nuit à cette vision concertée et à cette planification séquencée. La dispersion actuelle est néfaste», résume Mme Guilbault.

Duo de factures

L’« équipe spécialisée » du MIQ n’aura peut-être pas pour seule occupation les projets de transport collectif. Mais surtout, c’est certain.

La ministre Guilbault réalisera son projet en parallèle de celui de son collègue responsable des Infrastructures, Jonatan Julien, qui entend moderniser le système d’appels d’offres pour les projets d’infrastructures publiques.

Il prévoit que les deux projets soient déposés avant la fin de cette session parlementaire, d’ici le 7 juin, puis adoptés par l’ensemble des élus cet automne.

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La ministre Guilbault espère voir naître « une nouvelle culture d’affaires gouvernementale » avec sa future agence. (Caroline Grégoire/Le Soleil)

Pour espérer enfin un lancement officiel de l’agence d’ici un an environ, en mai 2025. « Je pense que c’est possible », dit-elle avec une petite hésitation, pour s’encourager.

Pourquoi créer une nouvelle structure, aussi « flexible » et « agile » soit-elle ? « Nous voulons avoir une culture d’entreprise différente et plus innovante. Nous voulons nous donner les moyens d’attirer les bonnes personnes, compétentes et capables de remplir ce mandat », explique le ministre.

Elle suggère que les méthodes de la fonction publique ralentissent souvent les opérations. Et que les conditions salariales ne devront pas être les mêmes qu’au sein du ministère.

Nos enfants sans voiture

Il s’agit de « compléter la toile » du transport collectif au Québec et de « créer un nouveau style de vie ». Pour que nos enfants qui grandissent n’aient même jamais l’idée d’acheter une voiture, car la toile sera terminée.

Faisant écho à une déclaration de Pierre Fitzgibbon, ministre de l’Énergie, selon qui il faudra réduire de moitié le nombre d’automobiles au Québec pour atteindre la neutralité carbone en 2050.

Comme son collègue Fitzgibbon, celle qui est aussi vice-première ministre du Québec paie parfois le prix de sa forte personnalité.

Mme Guilbault revient sur l’épisode de la valise, où elle a cherché des documents pendant de longs instants pour répondre à une question d’un député de l’opposition, en étudiant les crédits.

“Si j’avais eu une mallette au lieu d’un sac, cela aurait-il eu le même effet ?”

— La ministre Geneviève Guilbault, qui remet en question les perceptions sexistes à son égard

En plaisantant, elle ajoute qu’elle regrette que personne n’ait fait remarquer que son fameux sac est fabriqué au Québec. Marque Fauve, par Maïka Desnoyers. C’est fait.

« Ces choses, pour moi, n’ont aucune importance. Je suis payé avec des fonds publics. Mon devoir est d’être utile, de faire avancer les choses, de répondre le plus intelligemment possible lorsqu’on me pose des questions. Ce que je m’efforce de faire, ce qui n’est pas toujours le cas, mais je fais de mon mieux », dit-elle avec humilité.

« Et livrer des affaires. C’est ce sur quoi je travaille. Je pense que les gens s’en rendent compte. Du moins je l’espère. Si nous nous laissons déranger par la moindre distraction, cela nous détournera de ce pour quoi nous sommes payés et de ce que les gens attendent de nous », a conclu la ministre Guilbault, avant de se rendre à une rencontre qui s’annonçait houleuse avec les représentants de la Région métropolitaine. Régie des transports (ARTM) de Montréal.

 
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