Une batterie suisse pour alimenter la transition énergétique de la Chine

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La batterie Energy Vault mesure environ 120 mètres de haut et utilise la force de gravité pour stocker l’énergie.

Coffre énergétique

Le soleil et le vent produisent de l’électricité, même lorsque nous n’en avons pas besoin. Comment éviter de le perdre ? Une batterie gravitationnelle développée en Suisse stocke l’énergie provenant de sources renouvelables dans de lourds blocs de matériau composite. Une idée qui intéresse le monde entier, et en Chine notamment.

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30 avril 2024 – 08h37

C’est un bâtiment imposant, sans portes ni fenêtres. A l’intérieur, 3 500 blocs de vingt-cinq tonnes. Un système de monte-charge et de rails les élève ou les abaisse, pour les positionner côte à côte, à la manière d’un Tetris 3D moderne. Il ne s’agit pas d’un nouveau concept de logement. Mais d’une batterie qui profite de la force de gravité pour stocker et libérer de l’énergie.

La première batterie basée sur cette technologie est connectée au réseau électrique de la ville chinoise de Rudong, près de Shanghai, depuis fin 2023. « Au départ, nous n’imaginions pas que notre première implémentation se ferait en Chine », explique le PDG d’Energy Vault, Robert Piconi. Son entreprise spécialisée dans les systèmes de stockage d’énergie a son siège aux États-Unis, mais elle a développé et testé son prototype en Suisse.

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En Chine, l’impératif environnemental accélère la décarbonation du pays – premier émetteur de la planète – et de ses politiques énergétiquesLien externe ont offert des opportunités inattendues à Energy Vault et à ses innovations. De nouveaux bâtiments de batteries sont déjà en construction. « Nous voulons contribuer à résoudre la crise climatique », assure Robert Piconi.

Les systèmes de stockage d’énergie sont un pilier essentiel de la transition énergétiqueLien externe. Les batteries résolvent l’un des principaux problèmes de la production d’électricité à partir de sources renouvelables : la volatilité. Ils permettent de stocker l’excédent d’électricité généré par le soleil ou le vent et de le rendre disponible lorsque la demande existe. Ils peuvent également garantir la stabilité du réseau électrique. L’enjeu est de produire des batteries efficaces, sans consommer de matières premières et de métaux rares. Et bien sûr, à un coût durable.

Des poids au lieu de l’eau

Les batteries gravitationnelles peuvent stocker de grandes quantités d’énergie. Elles ne se détériorent pas et leur capacité de stockage ne diminue pas avec le temps, contrairement aux batteries électrochimiques, que l’on retrouve par exemple dans nos smartphones.

Ces batteries gravitaires reposent sur le même principe que les centrales hydroélectriques et leur système de pompage-turbinage, qui représentent 94 % des capacités mondiales de stockage d’énergie, selon l’Association internationale de l’hydroélectricité.

La différence est que la batterie Energy Vault ne fonctionne pas avec de l’eau, mais avec des poids. Lesquels, dans son cas, se matérialisent sous forme de parpaings ou de déchets.

Lorsque le soleil ou le vent produisent plus d’électricité que nécessaire, en été par exemple, l’énergie excédentaire alimente un système qui soulève ces poids et les dépose aux étages supérieurs du bâtiment des batteries. Un moyen de convertir l’énergie électrique en énergie potentielle.

Lorsque le besoin s’en fait sentir, les blocs descendent au sol ou à un niveau inférieur à une vitesse contrôlée. Lors de leur « chute », ils activent des générateurs électriques, transformant l’énergie potentielle en courant électrique. Le logiciel développé par Energy Vault, au cœur de son innovation, optimise le processus mécanique de montée et de descente des blocs en fonction de la demande électrique.

En Chine, la première batterie commerciale d’Energy Vault est située à proximité d’un parc éolien. Il offre une capacité de stockage de 100 mégawattheures (MWh). Une fois « chargé », il pourrait alimenter quelque 4 600 voitures électriques parcourant plus d’une centaine de kilomètres.

>> Une courte animation pour expliquer le fonctionnement de la batterie gravitationnelle Energy Vault :

Contenu externe

Une « technologie révolutionnaire »

La batterie Rudong fait partie des « nouveaux projets pilotes de stockage d’énergie » définis par l’administration nationale chinoise, indique Energy Vault.

La mise en œuvre a bénéficié de la collaboration de la société américaine Atlas Renewable et de China Tianying, entreprise leader dans l’incinération des déchets pour la production d’électricité. Cette entreprise utilise de la ferraille et des cendres de charbon pour fabriquer une partie des blocs de batteries. Elle a investi 100 millions de dollars dans Energy Vault.

Yan Shengjun, président de China Tianying, estime que la « technologie révolutionnaire » d’Energy Vault favorisera le passage des combustibles fossiles au solaire et à l’éolien et accélérera la transition énergétique de la Chine. La possibilité d’utiliser des matières premières locales pour construire l’installation et sa durée de vie supérieure à 35 ans sont les aspects les plus convaincants, selon un article de Forbes.Lien externe.

Trois batteries du même type sont en construction en Chine et six autres en phase de planification. Ensemble, ils offriront une capacité de stockage de 3 700 MWh.

Des installations plus grandes réduiront les coûts, explique Robert Piconi. Les futures installations seront 30 % moins chères que celles de Rudong (environ 500 dollars par kilowattheure de capacité de stockage installée), selon le PDG.

Fiabilité encore à évaluer

Wenxuan Tong, chercheur à l’Institut de recherche sur les réseaux intelligents de Pékin, estime que la technologie de stockage d’énergie par gravité jouera un « rôle crucial » dans la réalisation des objectifs climatiques de la Chine. Un pays qui souhaite atteindre son pic d’émissions en 2030 et la neutralité carbone en 2060.

La batterie Energy Vault peut être installée presque partout. Cela ne dépend pas de conditions géographiques ou climatiques spécifiques. Une efficacité énergétique similaire à celle des centrales hydroélectriques à pompage-turbinage (80-85 %) et la simplicité de ses équipements la rendent « économiquement rentable », explique Wenxuan Tong.

Ce dernier note cependant que l’efficacité économique d’une mise en œuvre à grande échelle et sa compatibilité avec le système de réseau électrique chinois doivent encore faire l’objet d’évaluations. « D’autres analyses et phases d’apprentissage seront nécessaires pour vérifier son efficacité et sa fiabilité », souligne l’expert.

Pour le stockage à moyenne et longue durée

Energy Vault n’est pas la seule entreprise à utiliser la gravité pour stocker et libérer de l’énergie. D’autres concepts utilisent des plans inclinés ou des installations souterraines. La société canadienne Gravitricity, par exemple, a produit le premier prototype de stockage d’énergie souterrain par gravité dans une mine désaffectée en Finlande.Lien externe.

Julian Hunt, chercheur à l’Institut international d’analyse des systèmes appliqués (IIASA) à Laxenburg, en Autriche, explique que le principal avantage des batteries gravitationnelles est le coût réduit du stockage de l’énergie. Leur inconvénient, en revanche, est le prix relativement élevé de l’électricité nécessaire pour déplacer un poids d’un niveau à un autre.

«L’utilisation de batteries à gravité n’a donc de sens que pour des cycles de stockage d’électricité hebdomadaires, mensuels ou saisonniers», écrit le chercheur dans un courriel à swissinfo.ch. Pour un stockage de moins de douze heures, les batteries électrochimiques constituent une alternative plus pratique et économique.

En Chine, la batterie d’Energy Vault fonctionne selon un cycle de quatre heures. Une fonctionnalité souhaitée par les autorités et le gestionnaire du réseau électrique. Le système pourrait également libérer de l’énergie sur une période plus longue, mais avec moins d’énergie produite.

Une solution pour l’Europe aussi ?

Robert Piconi convient que les batteries à gravité sont plus adaptées aux longs temps de charge et de décharge. Mais la demande de stockage d’énergie à long terme reste actuellement limitée. “Cela augmentera lorsque davantage d’installations de production basées sur les énergies renouvelables seront connectées au réseau”, prédit le PDG.

Le patron d’Energy Vault n’a pas jeté son dévolu sur la seule Chine. Des projets de stockage d’énergie ont démarré aux États-Unis, en Afrique australe et en Australie.

La batterie gravitationnelle pourrait également s’avérer être une solution pour certains pays européens, ajoute-t-il. Ceux qui construisent de nouveaux parcs éoliens ou de grandes centrales solaires par exemple. Espagne ou Italie notamment. Tout comme ceux qui, au sortir de l’ère du charbon, pouvaient utiliser les déchets (les cendres) pour la fabrication de poids. «Je pense à l’Allemagne et aux pays d’Europe de l’Est», précise Robert Piconi.

À condition que les populations locales ne renoncent pas aux bâtiments en batterie pour des raisons esthétiques, comme c’est souvent le cas avec l’éolien ou le solaire, le champ des possibles semble vaste pour Energy Vault.

Texte traduit de l’italien par Pierre-François Besson / op

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