Enterrements anonymes : « Le Canada crée sa propre amnistie »

L’interlocuteur spécial indépendant pour les lieux de sépulture autochtones non identifiés, Kimberly Murray, appelle le Canada à respecter certaines de ses obligations envers les peuples autochtones et estime s’être offert sa propre amnistie en ne lui accordant aucun pouvoir.

Alors qu’elle s’apprête à retirer son tablier après deux ans de travail, la conférencière, originaire de la communauté mohawk de Kanesatake, s’est adressée aux Espaces nationaux pour revenir sur son mandat et le travail qui reste à accomplir pour permettre aux communautés de faire la lumière sur la situation. traitement des enfants disparus dans le cadre des pensionnats.

Espaces autochtones : Depuis que vous êtes devenu contact spécial, quelle est votre plus grande réalisation ?

Kimberly Murray : Ma plus grande réussite a été de rassembler les survivants et les communautés à travers six réunions nationales que nous avons organisées. [Montréal, Winnipeg, Vancouver, Edmonton, Toronto et Iqaluit, NDLR].

Cela a créé un espace permettant aux survivants de partager leurs vérités, notamment concernant les enfants disparus et les enterrements anonymes. Cela a également permis aux communautés d’apprendre les unes des autres. Ils ont pu échanger sur la manière de mener des recherches dans le domaine et sur les obstacles auxquels ils sont confrontés. En fin de compte, ils ont créé une sorte de réseau et un lieu sûr où les gens peuvent parler des difficultés auxquelles ils sont confrontés pour retrouver les tombes. J’espère que ça continue comme ça.

Le rapport de Kimberly Murray indique que les politiques gouvernementales ont donné la priorité aux économies plutôt qu’au traitement humain des enfants décédés, de leurs familles et de leurs communautés. (Photo d’archives)

Photo : Archives provinciales de l’Alberta

C’était beaucoup de travail, mais c’était un travail important. Je pense que les rapports issus de chacune des six réunions étaient également différents de ceux des autres commissions.

Dans mon rapport final, je parle de l’importance de cela et du fait que soutenir les survivants et les communautés est ma priorité. Cela devrait également être la priorité du gouvernement.

Le rôle du contact privilégié :

Kimberly Murray a été nommée contact spécial pour les enfants disparus et les tombes et sépultures anonymes liées aux pensionnats indiens en juin 2022, par le ministère de la Justice Canada.

Elle travaille en étroite collaboration avec les représentants autochtones, les familles et les survivants pour identifier les mesures requises et recommander la mise en place d’un nouveau cadre juridique fédéral visant à assurer un traitement et une protection de manière respectueuse et appropriée. culture des tombes et des sépultures anonymes.

EA : Vous espérez que le gouvernement poursuivra le travail. Dans quelle mesure pensez-vous qu’il peut continuer à soutenir les survivants et leurs familles ?

KM : Le gouvernement doit continuer à fournir des fonds pour que les communautés et les organisations puissent rassembler les survivants. Mais ils doivent aussi les accompagner dans leur demande d’accès aux archives, en lien avec des recherches de terrain, ou encore accompagner les familles qui souhaitent procéder à des exhumations.

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Un mémorial éphémère a été érigé à Ottawa en 2021 pour les enfants dont les restes seraient enterrés dans des tombes anonymes au pensionnat indien de Kamloops, en Colombie-Britannique. (Photo d’archives)

Photo : La Presse Canadienne / Justine Tang

Mon travail consiste à formuler des recommandations pour un nouveau cadre juridique. Ainsi, mon rapport final identifiera les lois qui doivent être modifiées. Le Canada n’a aucune législation pour protéger les lieux de sépulture des peuples autochtones, aucune stratégie, aucune loi pour régir le rapatriement des restes humains. Il y a donc beaucoup de choses que le Canada doit faire qui soient conformes à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, dont il est signataire. Je crois donc que la communauté internationale doit soutenir le travail que font les survivants pour retrouver des tombes anonymes.

EA : Comment voyez-vous l’avenir après votre départ, surtout si un gouvernement conservateur avec Pierre Poilievre succède au gouvernement libéral ?

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Chef conservateur Pierre Poilievre (Photo d’archives)

Photo : La Presse Canadienne / Sean Kilpatrick

KM : Je suis très préoccupé par le fait que les recommandations que je m’apprête à faire ne sont pas mises en œuvre. Nous devons nous assurer que les Nations Unies prêtent attention à ce qui se passe au Canada.

Ceci n’est pas un programme [politique]tout comme la recherche des personnes disparues n’est pas un programme [politique]. Il s’agit d’une obligation juridique internationale pour le Canada. Nous devons faire comprendre clairement à tous les gouvernements au pouvoir qu’ils ont ces obligations, car il ne s’agit pas seulement de faire les choses par bonté de cœur.

EA : Combien reste-t-il encore à faire ?

KM : [Les recherches] cela prendra encore beaucoup de temps. De nombreuses communautés n’ont même pas encore commencé à faire des recherches sur le terrain. Beaucoup en sont au tout début du processus. D’autant que si l’on va plus loin que les recherches à proximité des internats, il faudra aussi examiner les hôpitaux, les sanatoriums, etc. Un mécanisme doit être mis en place pour aider les communautés à poursuivre ce travail qui prendra une décennie.

La tâche est longue, car des enfants issus de plusieurs communautés différentes fréquentaient parfois le même internat. Ils doivent donc se consulter.

>>Des enfants agenouillés près d’une tombe qui semblent gratter la terre.>>

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Dans son avant-dernier rapport, Kimberly Murray a inclus des photos d’archives montrant des enfants travaillant dans le cimetière du pensionnat indien de Kenora en 1941. (Photo d’archives)

Photo : Archives de la Société historique de Saint-Boniface / Oblats de Marie Immaculée, Province du Manitoba

EA : Votre mandat se termine à la fin de l’année. Pensez-vous que le gouvernement aurait dû rendre votre poste permanent ?

KM : Dans mon rapport final, je fais des recommandations sur ce qui est nécessaire pour poursuivre le travail que j’ai commencé. Il est évident que la première chose est de mettre en place un système qui permette d’accompagner les communautés comme je l’ai fait jusqu’à présent, mais avec des pouvoirs supplémentaires. Je ne pouvais pas obtenir de dossiers, je ne pouvais pas pénétrer dans une propriété privée, je n’avais pas le pouvoir de contraindre quoi que ce soit. Tout ce que j’avais, c’était le pouvoir de mes mots. Nous avons donc besoin d’un mécanisme plus solide.

Le Canada a créé ce mandat, m’a nommé et ne m’a pas donné ces pouvoirs, et c’est en quelque sorte ainsi qu’il se protège. Cela fait partie de l’amnistie qu’il s’est créée.

 
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