Par
Jérôme Cavaretta
Publié le
27 septembre 2024 à 17h40
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« Le Premier ministre est en train de former son gouvernement, il devrait penser à créer un ministère de l’Injustice ! » Au petit matin de ce vendredi 20 septembre, Franck, Dominique et Jean-François scrutent, toujours incrédules, la décharge sauvage qui s’étend à perte de vue. « Douce folie ». La conséquence de l’occupation illégale d’une quarantaine de familles roms entre juin et octobre 2023 à Osny (Val-d’Oise).
2 millions d’euros
Délogés de leur campement de fortune par la police, ils ont laissé derrière eux une montagne de déchets, formée au rythme d’un trafic bien établi au scénario intangible : pour les entreprises de BTP, il s’agit de faire appel aux Roms afin de se débarrasser de leurs déchets à moindre coût. Un mode opératoire identique à celui qui prévalait à la naissance de la décharge de la plaine des Linandes, à Cergy.
Pneus, pots de peinture, gravats en tout genre, plaquette publicitaire d’une salle de spectacle parisienne, vestiges d’un cabinet dentaire, matelas… Une poubelle XXL a pris racine sur ces anciennes terres agricoles nichées dans le quartier de Fond de Chars, en bordure de la D 915. Terrain où rien n’est cultivé depuis les années 1950 et irruption dans le paysage d’une ligne à haute tension qui domine ce no man’s land traversé par le chemin de Montgeroult. Parcelles aujourd’hui détenues par une quinzaine de propriétaires.
Des terres sans valeur qu’ils croyaient à l’abri des convoitises jusqu’à ce que la mairie d’Osny leur demande des comptes. En mars, elle leur a adressé « la mise en œuvre de la procédure contradictoire avant mise en demeure ». Traduction : la municipalité exhorte les propriétaires à procéder immédiatement à l’évacuation des déchets. En cas de refus, ils s’exposeront à une amende de 150 000 euros et à « une astreinte journalière égale au maximum à 1 500 euros ».
« Nous sommes condamnés à payer pour le nettoyage du terrain, même si dans cette affaire nous ne sommes pas coupables, mais innocents. »
Montant de la facture, selon une estimation établie par une société spécialisée : 2 millions d’euros ! Plaintes déposées, courriers aux ministères de la Transition écologique, de la Justice, de l’Intérieur, au procureur, aux élus… La poignée de propriétaires a frappé à toutes les portes pour plaider leur bonne foi. Jusqu’ici en vain.
“Nous ne sommes pas coupables”
Et la mairie peut prétendre travailler à une solution (lire encadré), ils sont peu rassurés, conscients que le couperet peut, à tout moment, tomber. « Je ne vois pas comment nous allons nous en sortir. Cette histoire peut ruiner notre vie, une vie professionnelle. Financièrement, nous ne pouvons pas payer et, même si nous le pouvions, en principe, nous ne sommes pas d’accord ! Que devons-nous faire ? Vendre nos maisons ? Faire subir les conséquences à nos enfants en les laissant endettés ? Nous refusons de payer pour un crime que nous n’avons pas commis. Cela fait des années que nous essayons de nous débarrasser de ces terres, sans succès. Pour nous, c’est un fardeau… »
La position de la mairie
La “situation est plus complexe qu’il n’y paraît”, indique d’emblée la commune d’Osny. Soulignant que la procédure qu’elle a engagée contre les propriétaires, « parfois peu soucieux de leurs terrains », est « susceptible d’aboutir à diverses mesures, dont certaines sont effectivement d’ordre financier, dans le but exclusif de faire respecter la réglementation en matière de déchets et, avec eux, d’éviter les risques environnementaux ou sanitaires”, la municipalité précise qu’elle “soutient néanmoins les propriétaires privés, qui ont été reçus en mairie, se sont regroupés dans un collectif et sont en outre désormais assistés par un avocat en droit de l’environnement”. .
Et de poursuivre : « Ensemble, la municipalité et les propriétaires cherchent à co-construire une solution globale permettant un nettoyage efficace des terrains, tout en respectant les enjeux environnementaux et sans ignorer les contraintes financières que cela peut représenter pour les particuliers. A ce titre, la municipalité fait appel à d’autres administrations ainsi qu’à des opérateurs privés dans le but qu’un projet autour des énergies renouvelables (une ferme photovoltaïque est évoquée, ndlr) puisse voir le jour dans ce secteur.
Enfin, la commune « rappelle toutefois que le droit de propriété confère également des obligations à son titulaire et qu’il ne peut automatiquement remplacer les propriétaires potentiellement défaillants en imposant des dépenses supplémentaires aux finances communales et donc à celles administrées. .»
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