Une méthode pour réparer l’image de soi

Lorsqu’on demande à Valérie Moulin sa définition de la photothérapie qu’elle pratique à Sembrancher (VS), elle répond d’abord par ce qu’elle n’est pas : « Ce n’est pas une séance photo. En photothérapie, la photo est une porte d’entrée. Cela n’a absolument rien à voir avec la mise en valeur des personnes à travers des postures pour les rendre belles et belles. L’approche est complètement différente.

Une approche différente et thérapeutique puisqu’elle invite à une approche où le corps est le point de départ d’une réflexion profonde sur ce qu’il exprime. « L’idée est de partir du corps, de ce qu’il dit, qu’il s’agisse d’un inconfort ou d’une maladie. On utilise la photo d’une personne, on la met face à son image pour l’aider à se voir, à se comprendre pour pouvoir se libérer et se réconcilier avec elle-même, poursuit la photothérapeute valaisanne.

Pour moi le mot thérapie a son sens, car il s’agit véritablement d’un travail introspectif intense qui mène au bien-être.

Un outil puissant

Même démarche pour Elvira Maeder, photothérapeute basée en Gruyère près de Bulle (FR), qui parle de « thérapie du corps et de l’image de soi à l’aide de différents outils comme le travail devant le miroir, la visualisation émotionnelle ainsi que la photographie thérapeutique ».

Photographes professionnelles indépendantes depuis plusieurs années, Valérie Moulin et Elvira Maeder se sont toutes deux formées à la photothérapie en , après être arrivées au même constat : celui de l’impact de l’image sur les personnes photographiées. « Les séances photos classiques ne me suffisaient plus », confie Elvira Maeder. J’ai remarqué que les gens avaient des blocages avec leur image. Il était alors évident d’aller plus loin dans la démarche et de les accompagner pour que ces personnes puissent se rencontrer, se réapproprier leur image et se réconcilier avec différentes parties d’elles-mêmes, visibles et invisibles.

Le but n’est donc pas de se retrouver belle ou mise en valeur, mais de lancer un processus d’acceptation de soi. « Le support image permet aux patients de se voir réellement tels qu’ils sont. C’est un outil puissant, tant pour les personnes qui manquent d’estime de soi que pour les corps endommagés par la maladie », souligne Elvira.

« La photo en tant que telle n’est pas très importante, c’est un outil. Je place la personne photographiée devant sa photo, ou devant le miroir, et je décode ce qui se passe dans son corps au moment où elle se voit. Une synergie se dessine entre ce que le corps exprime, ce que la personne voit d’elle-même et ce que le cerveau est prêt à faire passer de l’inconscient au conscient. Des sensations, des émotions surgissent. Il est temps de les libérer et de désencombrer”, explique Valérie Moulin avant d’évoquer un point crucial :

“Dans une société comme la nôtre où l’on aime se voir toujours belle et souriante, cela peut être confrontant.”

L’image comme support de parole

En Gruyère comme à Sembrancher, la majorité des personnes qui démarrent la démarche sont des femmes. Même s’il n’y a pas de profil type pour se lancer, Valérie Moulin explique : « La photothérapie s’adresse à chacun à partir du moment où il y a une connexion avec le corps ou un inconfort psychologique, émotionnel. ou spirituel. Par exemple, je suis une femme qui ne s’est pas regardée dans un miroir depuis dix ans. Elle se regarde la tête dans un miroir pour se coiffer, mais la première fois que je l’ai rencontrée, elle m’a dit qu’elle ne savait pas à quoi ressemblait son corps.

Véritable guide, le photothérapeute module les outils à disposition en fonction de la personne en face de lui. « Avant de nous lancer dans la photothérapie, nous avons d’abord travaillé avec elle en constellation familiale et en psychogénéalogie. De ces approches sont nés des actes symboliques pour déposer ce qui devait l’être. Après trois séances, elle a pu se voir. Nous sommes maintenant dans une phase où elle est en sous-vêtements devant le miroir.

Elvira Maeder adapte également son accompagnement en fonction des besoins de chacun. « En photographie thérapeutique, j’écoute la personne et je l’invite à poser des intentions avant de commencer l’expérience. Parfois, je mets de la musique pour qu’elle puisse vivre plus facilement l’instant présent et accueillir pleinement ce qui se passe. Certains sont un peu perdus, ne savent pas quoi faire. Je les conseille ensuite, je leur dis qu’ils peuvent bouger leurs mains par exemple, et si je perçois une émotion, je leur demande ce qui se passe en eux et les encourage à s’exprimer.

Parfois les gens pleurent, crient, parce qu’ils souffrent, ils en ont assez de ne montrer que certaines facettes d’eux-mêmes pour plaire, pour être aimés. C’est vraiment libérateur !

Une vulnérabilité captée par l’objectif, pour exprimer qu’ils sont fatigués, en colère, à bout de souffle.

Accepter de se réconcilier avec son image est un moment riche en émotion, comme ici lors d’une séance organisée par la photothérapeute Elvira Maeder. © ELVIRA MAEDER

Une expérience de guérison

Si l’approche se fait de manière plus individuelle, elle peut être proposée en groupe, comme Elvira l’a expérimenté récemment en invitant trois femmes atteintes d’un cancer du sein, dont Michèle. « J’ai soutenu chacun d’eux individuellement et nous avions envie de nous rassembler pour qu’ils ressentent cette force commune, ce soutien.

Lorsqu’ils ont vu les images pour la première fois, ils ne pouvaient presque pas parler tellement il y avait tellement d’émotions.

C’est tout un processus qu’on ne comprend pas forcément et qui passe par le corps», réagit Elvira Maeder. Une expérience encore différente lorsqu’elle est vécue en groupe, mais que le photothérapeute considère comme une « guérison ».

Plus d’informations sur elvimotion.ch et valeriemoulin.ch

Michèle, 34 ans : “J’étais prête à me voir telle que je suis”

Photographiée dans la nature, Michèle, diagnostiquée d’un cancer du sein en 2023, est en train d’accepter de se voir sans perruque. @ELVIRA MAEDER

Michèle, qui faisait partie des participantes à une expérience de groupe, nous livre son témoignage poignant.

« En juillet 2023, on m’a diagnostiqué un cancer du sein. L’une des pires choses pour moi était de savoir que j’allais perdre mes cheveux longs. J’en ai beaucoup souffert. Je l’ai longtemps caché sous des perruques, « comme s’il n’existait pas ». En novembre de la même année, au milieu de mes chimiothérapies, j’ai pris rendez-vous avec Elvira, qui est aussi une amie d’enfance. J’étais prêt à me voir différemment. À l’exception de mes proches, elle a été la première personne à me voir sans mes cheveux.

Lorsque j’ai commencé la photothérapie, j’ai d’abord été surprise par la manière dont les émotions sont reçues lorsque l’on est photographié.

Puis, devant la photo, j’ai vu quelque chose que je ne voyais pas en me regardant dans le miroir : j’étais toujours moi, même sans mes cheveux. C’était moi à l’état brut.

Depuis, je porte de moins en moins ma perruque, elle est devenue plus « lourde » physiquement, et aujourd’hui je ne la porte plus. Maintenant, mes cheveux repoussent et je suis contente de ma coupe courte. Même si je suis suivi psychologiquement, cette expérience de photothérapie est complètement différente.

Avec deux autres femmes également atteintes d’un cancer du sein et qu’Elvira accompagnait, nous avons revécu l’expérience toutes les trois.

Cela a créé un lien fort. Nous guérissons ensemble, nous partageons la même vulnérabilité, avec des mutilations physiques et des blessures émotionnelles différentes. Cela aide au processus de guérison de ce nouveau corps.

C’est une expérience que j’ai envie de partager, car c’est libérateur. Pour vous et pour vos proches. Cela a un effet propulseur. Et la photo est la trace de ces émotions libérées.

 
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