Comment l’obsession du Canada en matière de logement cannibalise la productivité économique

Comment l’obsession du Canada en matière de logement cannibalise la productivité économique
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Une personne passe devant plusieurs enseignes immobilières à vendre et vendues à Mississauga, en Ontario, le 24 mai 2023.Nathan Denette/La Presse Canadienne

Charles St-Arnaud est économiste en chef à Alberta Central. Ce qui suit est adapté d’un récent rapport de l’institution financière.

La mauvaise performance du Canada en matière de productivité est désormais qualifiée d’urgence nationale. Cependant, cette médiocrité n’a rien de nouveau. En 1970, le Canada avait la sixième plus forte productivité du travail parmi 32 pays de l’OCDE ; il se classe désormais 22e. En 2023, la productivité du travail au Canada est 30 pour cent inférieure à celle des États-Unis. Même si on le compare à des pays similaires – de petites économies industrialisées et ouvertes – la performance du Canada est inférieure de 30 pour cent à celle de la Suède et du Danemark, de 40 pour cent à celle de la Norvège et de 5 pour cent à celle de l’Australie.

Le sous-investissement chronique est la raison de la faible productivité du Canada. Même si l’investissement privé total en proportion du PIB est supérieur à celui des États-Unis et de l’Australie depuis les années 1970, l’investissement non résidentiel du Canada a été constamment plus faible au cours de cette période. Plus précisément, les investissements dans les machines, les équipements et la propriété intellectuelle ont été systématiquement inférieurs. De plus, alors que ce type d’investissement a augmenté jusqu’à 10 pour cent du PIB aux États-Unis depuis la fin des années 2000, la mesure du Canada a diminué à environ la moitié de ce chiffre.

D’un autre côté, l’investissement résidentiel s’est écarté de celui des États-Unis et de l’Australie depuis la fin des années 2000, atteignant 8,5 pour cent du PIB. C’est plus du double du chiffre comparatif des États-Unis et plus de 3 points de pourcentage de plus qu’en Australie. La majeure partie de l’augmentation au Canada est attribuable à une hausse des coûts de rénovation et de transfert d’accession à la propriété (c.-à-d. le taux de désabonnement du marché de l’habitation).

Par conséquent, les Canadiens dépensent actuellement autant par année en pourcentage du PIB en rénovations et en coûts de transfert d’accession à la propriété qu’en machines, équipements et propriété intellectuelle. En d’autres termes, nous investissons davantage dans des investissements moins productifs que dans l’amélioration du stock de capital.

Pourquoi le Canada dépense-t-il moins en investissements productifs ? Plutôt que d’examiner la demande et de se demander pourquoi les entreprises n’investissent pas, il est important d’examiner l’offre de capitaux pour financer l’investissement. La plupart des entreprises ont besoin d’emprunter de l’argent pour investir, et le manque d’argent disponible ou des coûts de financement élevés entraveront leur capacité à le faire.

Pour qu’un secteur investisse, un autre secteur doit épargner pour financer l’investissement. En d’autres termes, la disponibilité des fonds dans une économie est limitée et rare. Même si un secteur veut investir mais que d’autres ne veulent pas ou sont incapables d’épargner et de prêter des fonds, l’investissement en souffrira.

La mauvaise performance des investissements non résidentiels pourrait résulter d’un « évincement » du secteur des entreprises par d’autres secteurs avalant tous les prêts disponibles. Premièrement, les entreprises ont été évincées par les importants déficits publics des années 1980 et 1990. En conséquence, les emprunts publics, via l’émission d’obligations, ont fini par absorber tous les prêts nets des investisseurs particuliers et non-résidents. Puis, à partir du début des années 2000, les emprunts nets importants des ménages ont augmenté au rythme de 3,5 pour cent du PIB par an, engloutissant la majeure partie des prêts nets disponibles et évinçant une fois de plus les entreprises.

La concurrence pour les fonds investissables signifie que les prêts doivent être accordés au secteur qui peut offrir de meilleurs rendements au prêteur, ce qui suggère que le rendement ajusté au risque est insuffisant pour prêter aux entreprises. Cela peut être le résultat de deux facteurs importants : 1) un risque plus élevé pour les prêts aux entreprises par rapport aux prêts aux ménages, en particulier si l’on considère l’appréciation de la valeur des garanties pour les prêts hypothécaires (c’est-à-dire la hausse rapide des prix de l’immobilier au cours des deux dernières décennies) ; et 2) des exigences de capital plus élevées pour les prêts aux entreprises, ce qui conduit à des prêts comparativement plus coûteux.

Alors que nous défendons les moyens d’améliorer la productivité au Canada, il est essentiel de ne pas perdre de vue la manière dont les investissements nécessaires seront financés et de veiller à ce que les entreprises aient accès au capital requis. Cela impliquera 1) des incitations pour accroître les prêts aux entreprises, comme la réforme de l’ensemble actuel de réglementations financières pour promouvoir les prêts aux entreprises et la réduction des réglementations qui favorisent les prêts aux ménages au détriment d’autres secteurs ; et 2) des incitations pour que les ménages épargnent une plus grande part de leurs revenus afin de réduire leurs propres emprunts et de fournir les fonds nécessaires aux investissements des entreprises.

L’abordabilité du logement et les emprunts hypothécaires importants qui y sont associés resteront probablement des problèmes importants pendant de nombreuses années à venir. Il existe un risque que les fonds disponibles pour les entreprises continuent d’être insuffisants, ce qui entraînerait une baisse des investissements et de la productivité.

Pour améliorer la productivité et soutenir l’investissement, des mesures devront être mises en place pour garantir que les entreprises aient un accès adéquat au financement nécessaire pour augmenter leur niveau d’investissement. Autrement, la sous-performance chronique du Canada en matière de productivité perdurera.

 
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