rassembler plutôt que dissoudre – .

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Réunir le présent et le passé

Autrefois fondées sur la conservation, les bibliothèques continuent de faire le lien entre le passé et le présent. Ils le font à travers des expositions ou la mise en valeur de leurs collections patrimoniales, mais ils œuvrent aussi dans ce sens en conservant dans leurs collections des livres sortis de l’actualité éditoriale frénétique. Le baromètre des prêts et acquisitions nous apprend que plus d’un tiers des livres de fiction pour adultes empruntés en 2022 ont été publiés avant 2016 (c’est plus de la moitié pour les livres et bandes dessinées jeunesse). Le présent n’est pas le seul horizon.

Le passé peut continuer à vivre, ce qui n’empêche pas d’accueillir la nouveauté éditoriale et technologique. Par leur présence discrète mais continue depuis la fin de l’Ancien Régime pour les plus anciens, les bibliothèques rappellent que nous ne sommes pas condamnés à un passé transformé en mythe, pas plus qu’à la nouveauté en soi. Les citoyens sont ancrés dans une histoire qu’ils peuvent reconsidérer à la lumière des enjeux actuels. La bibliothèque rend publique cette sédimentation à travers ses collections et ses actions.

Pluralisme

La diversité des collections concerne aussi le pluralisme des opinions. Que ce soit à travers la presse papier ou numérique, à travers des romans, des essais, ou encore des albums jeunesse, la bibliothèque propose une diversité de façons de voir le monde. Les idées coexistent comme les livres coexistent. Après tout, à côté de Pascal Bruckner on retrouvera non loin de là Nina Bouraoui qui ne partage sans doute pas la même vision de la femme ni du désir. Et les lecteurs qui empruntent au premier touchent les livres choisis par ceux du second. La démocratie, c’est aussi l’acceptation des désaccords et le partage d’un espace commun. Dans une médiathèque, nous ne sommes pas sur Fox News qui a fait le succès de Trump…

L’universalité de la raison

Héritières du siècle des Lumières, les bibliothèques rassemblent les citoyens en leur donnant accès à la science. Ils abritent entre leurs murs des vérités scientifiques écrites sur papier (ou numérique) et mises en lumière selon des protocoles reproductibles. Au-delà de notre singularité personnelle nourrissant nos opinions, la réalité est façonnée à partir de lois que nous pouvons identifier.

Les bibliothèques prennent place parmi ces institutions qui soutiennent l’idée que le monde peut être pensé de manière rationnelle et que c’est une des manières d’améliorer la vie des citoyens à travers sa variation dans les domaines de la santé, de la justice, de l’éducation, etc. Et la critique de la raison fait partie de la raison, là où les idéologies nationalistes ou populistes l’étouffent ou la persécutent.

Une culture démocratisée

Grâce à une politique de lecture publique continue depuis des décennies, la France est aujourd’hui une terre de bibliothèques. Si nous n’en sommes plus à l’époque où il s’agissait d’amener la Culture aux quatre coins de la République, il n’en reste pas moins que chaque établissement propose des références qu’on retrouve partout, qu’il fait office d’abonnement à Mondede Max et Lilile prix Goncourt ou le dernier Musso.

Les bibliothèques proposent des références qui deviennent communes par leur existence. Ils s’affranchissent des conditions dans lesquelles vivent les lecteurs, qu’ils soient en zone rurale, dans un quartier périphérique d’une métropole ou au centre. Les citoyens partagent des équipements porteurs d’éléments d’une culture commune.

Et, si leur demande se précise, l’inscription des bibliothèques dans des réseaux leur permet d’accéder à un fonds commun. Notons que cette idée de mixage de publics différents dans la bibliothèque n’est pas dénuée de fondement. Si des inégalités sociales subsistent dans la fréquentation des bibliothèques, les écarts entre groupes sociaux tendent à se réduire dans les enquêtes du ministère de la Culture.

Lieu d’exercice de l’autonomie personnelle

Nous sommes réunis par des références communes mais aussi par une aspiration partagée à l’autonomie personnelle. Depuis notre adolescence, nous avons tous cherché à construire notre propre monde qui ne disparaît ni dans le couple, ni dans la famille, ni dans le travail. Pour ce faire, nous avons besoin de temps, de lecture, de musique, de vidéos, de relations et d’un espace pour les vivre.

Le passage des bibliothèques au tiers-lieu marque cette extension du projet en ne réduisant pas l’émancipation à l’instruction. La bibliothèque incarne ce projet de rassembler dans un même espace et une même institution des individus qui font coexister et se rencontrer leur autonomie.

Equivalence des deux extrêmes ?

Du point de vue des valeurs portées par les bibliothèques, est-il légitime de mettre dos à dos le Rassemblement national (RN) et le Nouveau Front populaire comme le font de nombreux dirigeants politiques ?

Les délais étaient trop courts pour qu’un véritable programme puisse être développé. Du côté des RN, on peut accéder à des éléments de programme mais la lecture et les bibliothèques ne sont pas incluses. Or, des éléments recueillis par Livres-Hebdo lors des élections européennes ont révélé une demande de budgets et de soutien au Prêt Numérique en Bibliothèque. Dans l’actualité, l’idée a refait surface par le député Jean-Philippe Tanguy de supprimer les mangas du Pass Culture, ce qui laisse entendre une vision réduite de la culture.

De son côté, le programme PFN se limite à l’affirmation d’un soutien aux budgets de la culture et du service public, y compris les médias, porteurs ainsi d’une valeur de pluralisme.

On peut également noter des positions prises par des représentants du RN concernant les actions culturelles en médiathèque. Ainsi la lecture d’un texte ironique sur la maternité contesté par une élue RN ou la distribution de tracts par des militantes du RN contre « l’endoctrinement des [nos jeunes] enfants » à propos d’un atelier de lecture animé par des artistes drag queen. Ces « faits divers » traduisant une vision peu ouverte de la culture pourraient bien se multiplier si le RN arrive à Matignon.

Besoin de bibliothèques plus que jamais

Quels que soient les résultats des élections législatives, parce que nos existences sont variables, fragiles et soumises à des enjeux qui nous dépassent tant individuellement que temporellement (réchauffement climatique, enjeux démographiques…), il paraît évident que ce qui nous rassemble doit être plus fort. que ce qui nous divise. L’universel n’est pas une notion abstraite et lointaine, nous sommes chacun porteurs de cette idée à travers notre expérience personnelle du monde et de sa fragilité. Nous pourrions tous être si différents les uns des autres…

Par les collections et les espaces qu’elles nous offrent, par leurs activités et par leur existence même, les bibliothèques portent et font vivre cette idée. Oui, nous avons plus que jamais besoin de bibliothèques.

 
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