à la recherche du prix Goncourt Kamel Daoud

à la recherche du prix Goncourt Kamel Daoud
à la recherche du prix Goncourt Kamel Daoud

« Cson monsieur, c’est une émeute ! Nous devons arrêter. MAINTENANT ! « . Face à la détermination tout à fait professionnelle des agents de sécurité, Osama Moslim a obéi. L’auteur saoudien de 47 ans a été rapidement exfiltré, au milieu d’un cordon de sécurité, du stand où il tenait depuis près de quatre heures une vente de dédicaces, entouré d’une foule dense. « J’ai parcouru 400 kilomètres hier soir pour acheter son œuvre et surtout pour la voir en vrai ! », témoigne Chakib, un jeune lycéen, les larmes aux yeux.

Toute une partie du gigantesque Parc des Expositions, à l’est d’Alger, qui abrite le Salon international du livre d’Alger (SILA)était, ce samedi 9 novembre, assiégée par des milliers de jeunes fans. Ils étaient venus voir leur idole, un auteur à succès de littérature fantaisie horrible et fantastique. Le prix de ses derniers opus (Peur III et Dix), 5 000 DA (35 euros au tarif officiel), soit cinq fois le prix d’un roman en Algérie en moyenne, n’a pas dissuadé ses milliers d’admirateurs. « Ma fille de 16 ans s’est battue contre moi pour m’avoir traîné ici et avoir acheté un livre à ce prix ! », s’étrangle une mère de famille en traînant une adolescente tenant le livre contre elle comme un trésor, un trophée.

En fin de compte, celui auquel on compare souvent JK Rowlingpar l’univers et le succès (millions de ventes, traductions, millions de followers sur les réseaux sociaux…), a posté une vidéo sur TikTok s’excusant de l’interruption de la séance de dédicace. “La situation devenait dangereuse pour vous”, a-t-il déclaré à ses fans. Trop d’évanouissements, d’incidents, de gens écrasés par la foule… Je m’en excuse mais c’était pour votre sécurité.

Au Salon du livre de Rabat (Maroc), il y a quelques semaines, les organisateurs ont également été contraints d’interrompre la séance de dédicaces de cet auteur pour les 32 romans, par crainte d’incidents. « Je suis content pour lui », soupire un éditeur algérien. Un Saoudien qui écrit des histoires sur les sirènes et le diable est spécial. Et dire que les livres d’Harry Potter ont été interdits d’importation en Algérie pendant plusieurs mois parce qu’ils parlaient de quelque chose haram (religieusement illicite) : sorcellerie ! « . Tel histoire de réussite l’éditorial est un rêve.

Des fonctionnaires en quête de « titres problématiques »

Un éditeur algérien qui a témoigné sous couvert d’anonymat n’est pas du tout dans cet état d’esprit et peine à contenir sa colère. « Nous ne pouvons même pas fabriquer nos œuvres en Algérie », proteste-t-il au milieu de son stand dans le pavillon central du Palais des Expositions. « J’en suis réduit à imprimer… 50 exemplaires par titre ! Les auteurs sont aussi désespérés que nous. Il n’y a plus d’encre chez les imprimeurs depuis des mois car les autorités n’ont pas encore décidé qui doit importer ou non. Le papier coûte super cher et la spéculation autour de cette matière première est terrible. »

Il se plaint également de « surveillance, censure ». “Cette semaine, le ministère de la Culture nous a imposé de présenter les ouvrages dans leur intégralité pour obtenir l’ISBN (code propre à chaque livre), alors qu’avant il se contentait du titre, d’un résumé et du quart de couverture”, poursuit-il. Et évoquer la « tournée » des responsables du ministère au sein du SILA revient à débusquer des « titres problématiques ». « Ils ont déjà trié à l’avance, mais ils continuent de surveiller, demandant de retirer telle ou telle œuvre », dénonce un autre éditeur algérien.

A LIRE AUSSI Algérie : la dure vie des éditeurs et librairesLà, les fonctionnaires ont demandé de « se cacher » L’Encyclopédie de l’amour en Islam par feu Malek Chebel en raison du dessin de la couverture représentant un couple enlacé. « On nous a dit de le cacher mais qu’il n’était pas interdit de vente. Alors je me demande comment vendre une œuvre qui a été mise sous la table ? », se demande-t-on à la tribune. Ailleurs, un éditeur du Moyen-Orient est prié de cacher tous les romans marocains. Dans un autre cas, les autorités exigent qu’un éditeur « mette de côté » deux ouvrages, Qui sont ces ténors autoproclamés du Hirak Algérien? d’Ahmed Bensaada, bien que très demandé par les médias officiels, et… le roman de l’Ivoirienne Tanella Boni, Les négros ne vont jamais au paradis. « Ils viennent de détecter les mots ‘hirak’ et ‘paradis’ sur les couvertures et ça les a alertés ! Le reste, ils ne savaient même pas ce que c’était.

Les éditions Koukou bannies du SILA

Plusieurs éditeurs rappellent également l’interdiction de SILA de la maison d’édition Koukou, pour la deuxième édition consécutive. L’éditeur a porté plainte l’année dernière contre cette décision mais la justice a refusé d’ouvrir une information judiciaire. Fin juin, la signature d’une œuvre, La Kabylie a partagéde Dominique Martre, aux éditions Koukou, dans une librairie de Béjaïa a été interdit et toutes les personnes présentes ont été emmenées par la police.

Une autre maison d’édition habituée du Salon est absente (mais on ne sait pas s’il s’agit d’une initiative de l’éditeur ou des organisateurs) : les éditions Frantz Fanon. Cette maison d’édition est en pleine tourmente depuis l’interdiction, fin octobre, de deux séances de dédicaces par Hédia Bensahli, auteur de Algérie juivepréfacé par la franco-israélienne Valérie Zenatti. Une campagne contre « la normalisation avec Israël dans un contexte de guerre » a été menée contre ses deux séances de dédicaces et le livre a été saisi dans toutes les librairies.

« En tant qu’éditeurs, nous sommes tellement faibles, désunis, manquant de solidarité et soumis aux autorités », regrette un éditeur. Mon père me disait « vendre des pommes de terre, c’est plus intéressant ». Je ne vendrai pas de pommes de terre, j’assume cet engagement-suicide jusqu’au bout.»

A LIRE AUSSI « Houris » de Kamel Daoud : ce Goncourt dont l’Algérie ne veut pas entendre parlerL’interdiction, verbale et non officielle, touche également toutes les œuvres de Kamel Daoud, lauréat du Goncourt pour son roman. Houris. Son éditeur Gallimard était interdit présence au SILA. Sur le stand Grasset & Fasquelle trône une grande affiche de Gail FayePrix ​​Renaudot. Chez Actes sud, on peut voir une autre affiche de Miguel BonnefoyPrix ​​Fémina. Le vainqueur du Goncourt n’est nulle part.

Lorsqu’on demande dans les stands si ses livres sont disponibles, on se heurte d’abord à de grands yeux étonnés. » Non. Et d’ailleurs, les responsables du ministère et les organisateurs font toujours le tour à la recherche de ses œuvres. Il y a même un libraire qui a oublié deux exemplaires d’un ouvrage ancien de Daoud sur ses étals, et il s’est fait gronder, raconte un professionnel du livre.

«Ils auraient dû laisser entrer le roman de Daoud, car c’est au lecteur algérien de décider», clame un éditeur.

L’affaire Daoud : reproches et incompréhensions

“Non, il ne s’agit pas Hourisce sont ses positions sur la Palestine, l’Islam et son pays l’Algérie qui posent problème aux Algériens », rétorque un autre rédacteur. Un auteur, qui a requis l’anonymat, semble tourmenté : « J’apprécie beaucoup Kamel et ses écrits, mais que s’est-il passé ? A-t-il été piégé ou manipulé par Saint-Germain-des-Prés et les médias parisiens ? « . « Aucun journaliste ici ne l’a appelé pour s’en rendre compte, de toute façon », réagit un vétéran de la profession. Les reproches et les incompréhensions s’accumulent et s’entrechoquent.

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« Les restrictions répétées du SILA ont de profondes conséquences pour les auteurs algériens », souligne Mohcène Belabbas, ancien président du RCD (parti d’opposition laïc). Se sentant confinés dans leur propre pays, beaucoup risquent de se détourner du marché local pour publier à l’étranger. Cette tendance pourrait entraîner une « fuite des plumes », avec un risque accru de voir les écrivains algériens aller produire et publier ailleurs.

La ministre de la Culture et des , Soraya Mouloudji, a expliqué lors de l’ouverture du SILA que cet espace « se voulait un véritable lieu de rayonnement culturel aux niveaux national et international ». Sous le thème « Lire pour triompher », le SILA présente plus de 300 000 titres et rassemble 1 007 éditeurs de 40 pays, dont 290 Algériens.

 
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