Miguel Bonnefoyun auteur franco-vénézuélien de 37 ans, a remporté ce mardi le prix Femina 2024 pour son 4e romain, Le rêve de Jaguar (Rive). La semaine dernière déjà, le roman a été couronné du Grand Prix du roman de l’Académie française, permettant à son auteur de réaliser un doublé qui reste rare parmi les grands prix d’automne.
En 2018, Philippe Lançon a par exemple obtenu le Femina pour Le rabat (Gallimard) et une mention au prix Renaudot. L’année dernière Kévin Lambert avait accumulé les prix Décembre et Médicis pour Que notre joie demeure (Le Nouvel Attila).
Depuis sa publication le 21 août Le rêve de Jaguar s’est vendu à près de 22 000 exemplaires, selon GFK. Miguel Bonnefoy est l’auteur d’une dizaine d’ouvrages depuis 2012.
Un voyage sensoriel
Dans ce roman de 304 pages tiré à 25 000 exemplaires avant publication, Miguel Bonnefoy retrace le destin de trois générations prises dans la tourmente du XXe sièclee siècle des deux côtés de l’océan Atlantique, dans un style flamboyant et diablement romantique. Dans sa pré-critique publiée dans Livres hebdomadaires, Laëtitia Favro a écrit : Dans une rue de Maracaibo, une petite fille joue avec un camion en bois. Elle l’a d’abord fait rouler dans les couloirs de sa maison, puis sur les trottoirs et sur la place principale de la ville où sa mère l’a arrêté, “parce qu’elle semblait capable de poursuivre son chemin jusqu’à la frontière brésilienne”. Ce jour-là, Ana Maria comprend que sa fille « irait loin dans la vie, mais aussi dans le monde ». Née le 23 janvier 1958, jour de la chute du dictateur Marcos Pérez Jiménez, elle porte le nom de son pays : le Venezuela. Un nom qui la reliera à ses racines lorsque, après avoir rêvé d’ailleurs et parcouru les atlas familiaux, elle quittera Maracaibo pour Paris, où naîtra son fils Cristobal.
Né d’une mère vénézuélienne et d’un père français, Miguel Bonnefoy emmène son lecteur dans un voyage entre les deux continents qui le constituent, à travers d’étonnantes sagas familiales aux allures de contes immémoriaux, imprégnées des impressions de son enfance entre Europe et Amérique latine. Dans Sucre noir (Rivages, 2017), une famille antillaise a vu son existence bouleversée par la légende d’un trésor disparu. Héritage (Rivages, 2020) a retracé le parcours des personnes déracinées, des pentes du Jura jusqu’à Santiago du Chili. Dans Le rêve du Jaguartrois générations s’accomplissent dans un chemin auquel leur naissance ne les prédestinait pas. Orphelin, le père du Venezuela est abandonné sur les marches d’une église, dans une rue qui portera bientôt le nom d’un éminent médecin. Le nom d’Antonio Borjas Romero. Son.
Face à « Minotaure terrifiant » de la dictature
Recueilli par un mendiant qui, inquiet de le voir devenir voyou, le pousse à travailler plutôt que voler, Antonio se propose comme bricoleur dans une maison close où arrive chaque jour une nuée de marins. Un soir, l’un de ces hommes sort de sa veste une machine à rouler les cigarettes, semblable à celle trouvée dans les couches du bébé Antonio. Le marin reviendra quelques semaines plus tard, « Colliers africains autour du cou » et une lettre qui allait changer la vie d’Antonio. Sans elle, Antonio n’aurait jamais fréquenté l’université ni rencontré Ana Maria. “Je n’épouserai que l’homme qui me racontera la plus belle histoire d’amour”elle le prévient. Antonio, qui ne connaît rien à l’amour, est alors assis dans le hall d’une gare routière, une pancarte « J’écoute des histoires d’amour » devant lui. Il en collectionnera autant qu’il viendra se demander “S’il y avait une seule histoire au monde qui ne soit pas une histoire d’amour”.
Confronté à “minotaure terrifiant” de la dictature, engagés contre le régime de Marcos Pérez Jiménez, Antonio et Ana Maria deviendront de grands médecins et donneront naissance à une femme libre dont l’histoire s’écrira loin de sa famille. « Vous ne partirez que lorsque vous vous serez libéré du poids de l’or » prédit une voyante au Venezuela. Comme fondu dans le métal précieux, l’écriture de Miguel Bonnefoy invite son lecteur à un voyage sensoriel où légendes et mythologies familiales se mêlent aux révolutions du XXe siècle.e siècle. Son roman est celui d’un orfèvre amoureux de romantisme pur, donnant matière à rêver.
L’année dernière, le Prix Femina a sacré Neige Sinnoverser triste tigre, édité par Grasset.
The winners of Femina Étranger et Essai 2024
Le jury du Prix Femina a également récompensé :
- Tenez bon, de Paul Audi (Stock) pour la catégorie Trial
- Propre d’Alia Trabucco Zerán (Robert Laffont, trans. Anne Plantagenêt) pour la catégorie roman étranger
L’année dernière, Louise Erdrichpour le roman étranger La phrase (Albin Michel, traduit de l’américain par Sarah Gurcel) et Hugo Michéronpour la colère et l’oubli (Gallimard) dans la catégorie Essai, ont été récompensés.
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