Un livre sur « le monde mort » pour Joël Martel

Un livre sur « le monde mort » pour Joël Martel
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Comme un long crash de tank, c’est le premier roman de Joël Martel, personnage du Web québécois connu pour son humour décalé et bon enfant. Contre toute attente, il nous parle de la mort, le dernier sujet sur lequel on l’aurait imaginé écrire. Et pourtant, il nous fait rire jusqu’aux larmes et nous émeut jusqu’aux larmes, tout en nous racontant des histoires d’une simplicité rassurante et lumineuse.

Le livre du quadragénaire Almatois se présente comme un collier de perles, une suite d’anecdotes courtes et brillantes. Même s’il y a une continuité dans le ton, il n’est pas nécessaire de connaître ses clips vidéo et ses publications cocasses sur Facebook pour apprécier chaque joyau. Il prend le lecteur par la main et le guide dans son univers, il lui présente son gang. Mais ceux qui ont lu ses chroniques dans différents médias reconnaîtront le tact avec lequel il note les bribes significatives de la vie quotidienne.

A la fin de l’interview, on ressent la même chose sentiment qu’en finissant le livre : un chavirement d’émotions. Tout au long de la discussion, il y a des rires, des réflexions profondes, des moments de pure authenticité et même des références à MC Hammer.

Selon l’auteur, ce premier roman « est un livre sur le monde mort ». Joël Martel démarre d’emblée avec la franchise la plus bienveillante. Il a livré ce résumé court et percutant aux quelques personnes qui lui demandaient, ces derniers jours : « De quoi parle votre livre ? » Mais il constate que ce n’est pas le « pas ventes » de l’année. “C’est lourd, et puis j’essaye de me ressaisir en leur jurant que ce n’est pas si mal…”

Pour rassurer tout le monde, précisons qu’il s’agit d’un livre basé sur des personnages qui entouraient l’auteur et qu’il aimait profondément. Ce sont des petites histoires autobiographiques à « 99 % », calcule-t-il, racontées avec une douceur désinvolte et un humour désarmant. « Il y a de la fiction, mais c’est dans la manière de la raconter, explique-t-il.

« J’aime les mêmes histoires que tout le monde, mais j’aime les versions de ceux qui fument des ‘topes’ dehors. Quand j’écris une histoire, j’essaie d’imaginer que je suis là-bas avec des gens que j’aime, des gens qui n’avaient peut-être pas de place à table, mais qui brillent dehors, tout d’un coup, quand ils fument une cigarette à l’intérieur. leur bouche. » Et c’est une image parfaite pour ouvrir une porte sur l’univers de Joël Martel : ses héros sont quotidiens, imparfaits, mais beaux dans leur authenticité.

“Pas si grave”

Lorsqu’il nous raconte la maladie de sa mère, ses deuils périnatals, le souffle au cœur de son « Mononcle Yvon » ou encore les errances du personnage central, son père, Jici, on se reconnaît, on reconnaît nos proches. C’est l’écho de réalités que chacun vit un jour: les salles d’attente des hôpitaux, banalités autour d’un proche ou d’un proche atteint d’un cancer, l’angoisse à l’idée de rendre visite à quelqu’un en soins palliatifs… Bref, Joël Martel rappelle avec simplicité que la mort fait partie de la vie. Il écrit par exemple : « Un jour, ma grand-mère m’a dit qu’elle pressentait qu’elle allait bientôt mourir. Comme elle m’avait dit cela comme si elle me prévenait qu’elle allait à l’épicerie, j’ai éclaté de rire, espérant qu’elle désamorcerait la situation en éclatant de rire à son tour, mais elle a simplement souri et m’a dit que c’était “pas si grave que ça”. »

Alors pourquoi écrire sur la mort si ce n’est « pas si grave » ? Il explique qu’il rêvait d’écrire un livre depuis plus de 20 ans, depuis l’université. Mais, à la fin de son parcours universitaire, sa position de bibliothécaire lui enlève l’envie d’écrire son roman. Beau paradoxe. La qualité de la production littéraire à laquelle il avait accès lui faisait douter de son talent et de sa pertinence. Un professeur lui a également fait remarquer que « tout le monde a une bonne idée de roman, mais très peu trouvent la bonne façon de le raconter ». Pendant plusieurs années, il satisfait au besoin d’écrire en publiant une chronique régulière dans le journal. Le Quotidien du Saguenay–Lac-Saint-Jean. C’était comme s’il écrivait lentement un livre, « une page à la fois ». De plus, ses textes figuraient également dans Le soleil du Québec, ce qui lui a permis de développer un lectorat encore plus large, mais sans le savoir. Il ignorait que ses écrits étaient lus au Québec ; ce « détail » lui avait échappé. Cette franchise est du pur Joël Martel.

Ensuite, l’idée de Comme un long crash de tank l’a frappé alors que son père vivait ses derniers instants. L’ironie était que Jici lui avait souvent dit qu’un jour il allait lui écrire un livre dans lequel il rassemblerait toutes ses anecdotes. « Son dossier n’a jamais beaucoup avancé », raconte Joël en riant. Mais le plus étrange, c’est que Jici reprend vie dans le livre de son fils. C’est tellement beau, surtout compte tenu du contraste. « J’ai longtemps été en colère contre lui, explique Joël. Il a appris à aimer ce père imparfait, absent et fumeur invétéré « sur le tard ». Les incroyables anecdotes de la vie de Jici sont devenues un lien chaleureux pour une relation père-fils par ailleurs dysfonctionnelle. « Sa mort a peut-être donné vie à ma carrière d’auteur », soulève-t-il. Tout un héritage pour un père absent.

Faire de la mort de l’humour ?

Freud disait que l’humour est un moyen de défense contre la mort. Peut etre c’est. Mais peut-on vraiment faire de la mort de l’humour ? L’auteur s’est-il imposé des limites ? «Je pense qu’on peut très bien rire de la mort, mais si elle vous appartient. Je suis à l’aise de rire de ma mort. C’est inévitable […] Je pense que nous pouvons rire des siens et de ceux qui nous appartiennent. Je ne serais pas à l’aise de rire de la mort de quelqu’un d’autre, même de quelqu’un que je détestais. » Ces morts qui nous appartiennent sont celles de nos proches, celles qui nous bouleversent, celles qui nous pleurent.

Ainsi, l’humour bienveillant de Joël dédramatise le drame et apporte la paix. Au final, ce livre pourrait faire beaucoup de bien aux personnes traversant des étapes difficiles. « Cela me rendrait vraiment heureux, et je peux vous dire que l’écriture m’a apporté ça aussi. »

Comme un long crash de tank

Joël Martel, La Mèche, Montréal, 2024, 144 pages

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