La valeur de l’or bleu s’est catapultée à la hausse depuis le printemps en Californie, dopée par les sécheresses et plus récemment par les incendies qui menacent Los Angeles. Car oui, le droit d’utiliser l’eau en Californie se négocie en bourse.
La région sud de la côte Pacifique – où se trouvent Los Angeles et San Diego – est considérée depuis plusieurs jours comme touchée par une « grave sécheresse » par l’US Drought Monitor. L’organisme qui collecte des données aux États-Unis estime en effet que les deux tiers de la Californie sont actuellement « anormalement secs ».
Et la situation pourrait se dégrader dans les prochains jours. “Les vents de Santa Ana début janvier sont susceptibles d’exacerber l’aggravation des conditions de sécheresse”, peut-on lire sur le site Internet américain Drought Monitor.
Une situation qui se retrouve à la Bourse de Chicago et au NASDAQ, où s’échangent les droits d’utilisation de l’eau en Californie. Depuis la résurgence de la sécheresse en mai, la valeur des contrats à terme sur la précieuse ressource est passée de près de 200 dollars l’acre-pied (l’équivalent de près de 1,2 million de litres) à plus de 440 dollars.
Les incendies de forêt qui menacent la mégapole Los Angeles semblent à leur tour faire grimper ces contrats à terme. Depuis le début de l’année, leur valeur a augmenté de 5 %.
«Les incendies nous amènent à parler davantage des sécheresses actuelles, mais aussi de celles qui ont sévi l’été dernier», explique Frédéric Lasserre, expert en géopolitique de l’eau et directeur du Conseil québécois d’études géopolitiques à l’Université Laval.
PHOTO DAVID SWANSON, ARCHIVES AGENCE -
Un hélicoptère bombardier d’eau survole mardi le quartier de Pacific Palisades, menacé d’incendie, à Los Angeles.
“Peut-être que cela envoie un signal aux utilisateurs [ceux qui ont besoin d’une importante quantité d’eau] planifier les mois à venir, y compris leurs besoins pour l’été prochain », a-t-il déclaré, citant l’exemple du secteur agricole. Ainsi, selon lui, l’augmentation de la demande de droits d’eau affecterait davantage les prix que l’assèchement des réservoirs à proprement parler.
Car il n’y a pas que les réservoirs qui ont du mal à se remplir, affirme le Département des ressources en eau de Californie dans une analyse publiée en décembre : « Les puits de surveillance récemment mesurés montrent que les niveaux des eaux souterraines dans 48 % des puits de surveillance à travers la Californie sont inférieurs à la normale. »
Entre Nord et Sud
En Californie, environ 75 % de l’approvisionnement en eau provient du nord de Sacramento, tandis qu’environ 80 % de la demande se trouve au sud du delta de la rivière Sacramento-San Joaquin. C’est pour remédier à ce déséquilibre géographique entre l’offre du Nord et la demande du Sud que la Californie a déployé un système complexe de stockage et de distribution d’eau. Ce système se compose de réservoirs, d’aqueducs et d’usines de pompage interconnectés qui s’étendent sur presque toute la longueur de l’État.
Contrats à terme
Depuis décembre 2020, il est possible de vendre et d’acheter des contrats à terme sur l’eau californienne à la Bourse de Chicago et au NASDAQ. Cet instrument financier – le premier et unique outil du genre en Amérique du Nord – vise à fixer à l’avance le prix des livraisons d’eau dans le Golden State.
Il s’agit de contrats à terme, rappelle M. Lasserre : « Donc si les prix augmentent maintenant, cela ne veut pas dire que c’est pour répondre à des besoins qui se font sentir actuellement. Il s’agit de prévoir une utilisation ultérieure. »
La hausse de la valeur reflète néanmoins la volonté des usagers d’acheter des droits d’usage de l’eau, note le spécialiste : « Y a-t-il une forme de peur ou d’effroi ? Ou anticipent-ils les besoins dans les mois à venir ? Tout cela est possible. »
Le spécialiste rappelle également que la valeur des contrats était bien supérieure à ce que l’on observe actuellement en 2021 et 2022, avant de baisser en 2023.
Droits sur l’eau en Californie
Depuis longtemps, en Californie, les droits d’eau ont été accordés aux municipalités, aux industriels et aux entreprises du secteur agricole. Ces droits permettent à leur propriétaire d’utiliser des quantités spécifiques d’eau à des fins spécifiques et dans certains endroits. Les droits d’eau sont quantifiés en acres-pieds, ce qui correspond au volume d’eau nécessaire pour couvrir un acre de terre jusqu’à une profondeur d’un pied (l’équivalent de 1,2 million de litres). Si les droits d’usage s’échangent entre propriétaires depuis des années, ce n’est que depuis décembre 2020 qu’ils s’échangent en bourse.
