Ce n’est pas logique, mais c’est vrai. Dès que le réchauffement climatique dépasse le seuil de 1,5 degré, l’environnement est relégué au second plan.
Une fatigue verte se fait soudain sentir.
Au Canada, la principale promesse environnementale des conservateurs est d’abolir la taxe sur le carbone, même si elle contribue à réduire les gaz à effet de serre (GES), et même si elle ne coûte rien à la majorité des ménages, selon l’analyse indépendante réalisée par le directeur parlementaire du budget.1.
Aux États-Unis, Donald Trump a été élu grâce à ses promesses d’accélérer les forages pétroliers et de faire reculer les mesures de protection de l’environnement. Au poste de secrétaire à l’Énergie, il souhaite nommer Chris Wright, PDG de Liberty Energy, qui a déclaré ceci sur LinkedIn : « Il n’y a pas de crise climatique et nous ne sommes pas dans une transition énergétique. »
Dans plusieurs pays européens comme l’Allemagne, les gouvernements qui tentent de réduire les émissions de GES sont menacés d’échec. Leur défense de l’environnement ne les aide pas, et parfois leur nuit.
Un exemple : alors que le gouvernement libéral débattait en interne pour choisir son nouvel objectif de réduction des GES pour 2035, M. Trump a lancé sa menace de guerre commerciale. Il est difficile de promettre un objectif dynamique pour la prochaine décennie sans savoir à quoi ressemblera alors l’économie du continent.
Le Canada a avancé un objectif qui décevra certains écologistes, mais qui restera néanmoins difficile à atteindre : une réduction de 45 à 50 % par rapport au niveau de 2005.
Le Canada a le pire bilan de GES du G7, déplorait un rapport de novembre du Bureau du vérificateur général2. Ce portrait va cependant s’améliorer. Parce que, pour la défense des libéraux, les politiques environnementales mettent du temps à produire leurs effets.
Le ministre de l’Environnement, Steven Guilbeault, est à la peine. Il a proposé plusieurs mesures ambitieuses. La plus récente en date : une réglementation pour que l’électricité devienne neutre en carbone. Il entrera en vigueur en 2035.
M. Guilbeault est dans une course contre la montre pour en adopter deux autres : un plafonnement des émissions du secteur pétrolier et gazier ainsi qu’un resserrement des normes d’émissions de méthane (-70 % d’ici 2030).
Des compromis ont été faits suite aux critiques de l’industrie. Il a néanmoins fallu du courage politique. La preuve : une partie du pays continue de déchirer sa chemise.
Si tout se passe bien, la réglementation sur le méthane pourrait entrer en vigueur d’ici fin mars, avant la chute du gouvernement. Cela ne nécessite pas de vote à la Chambre.
Quant à celui du plafond, ce sera difficile. Selon le scénario le plus optimiste, il serait prêt d’ici juin. Toutefois, le gouvernement aura probablement été défait à cette date.
Consolation : la régulation méthane permettra à elle seule d’atteindre la moitié des réductions visées par le plafond proposé.
Le Canada est une fédération. L’environnement est une compétence partagée. Lorsque le gouvernement fédéral tente de protéger l’environnement, les provinces – l’Alberta et la Saskatchewan – intentent des poursuites. Chaque ligne d’un règlement ou d’une loi doit être méticuleusement rédigée pour survivre à l’épreuve de la salle d’audience. Et dans ce combat, M. Guilbeault manque d’alliés.
L’environnement est relégué au second rang des priorités citoyennes. Le coût de la vie figure désormais en tête de liste. Selon la firme Abacus, le pourcentage de Canadiens préoccupés par les changements climatiques a chuté de 14 points depuis l’an dernier, passant de 76 % à 62 %.
Le contexte politique n’aide pas non plus. Bien entendu, le Bloc et les néo-démocrates exhortent les libéraux à en faire davantage. Mais le principal adversaire des libéraux, Pierre Poilievre, les accuse au contraire d’en faire trop.
Ailleurs aussi, on observe le même cocktail.
Pour quoi ? Voici quelques hypothèses. Comme les grenouilles, nous nous habituons à cette nouvelle « normalité », qui est tout sauf normale. L’alarmisme nous fige dans l’impuissance et la résignation. L’inflation ramène les gens à leurs besoins fondamentaux, comme le logement et la nourriture. Et la désinformation se propage comme un virus. Un exemple : les mensonges sur la taxe carbone, accusée à tort d’augmenter considérablement l’inflation.
Si M. Guilbeault agit trop vite, ses règlements risquent d’être invalidés par les tribunaux. Si cela prend trop de temps, ils ne verront jamais le jour. Et bien sûr, il est possible que Pierre Poilievre les abolisse. C’est d’ailleurs ce qu’il promet.
Depuis 2015, les GES au Canada ont diminué de 6,5 %. Ce n’est pas grand-chose, mais pour la première fois, la tendance va dans le bon sens. Avec les mesures en vigueur, la réduction d’ici 2030 (par rapport à 2005) serait de 22 %. Et avec les mesures annoncées, mais pas encore adoptées, ce serait 34 %.
Mais au Canada comme ailleurs, le principal problème n’est pas toujours le manque d’ambition de ceux qui mènent ce combat. C’est aussi la popularité des hommes politiques qui veulent bloquer ce travail, et l’indifférence soudaine d’un nombre croissant de citoyens.
1. Consultez le rapport du directeur parlementaire du budget
2. Consultez le rapport du Bureau du vérificateur général