Pourquoi l’accord d’asile entre le Royaume-Uni et le Rwanda est une préoccupation pour les résidents de l’est de la RDC

Pourquoi l’accord d’asile entre le Royaume-Uni et le Rwanda est une préoccupation pour les résidents de l’est de la RDC
Pourquoi l’accord d’asile entre le Royaume-Uni et le Rwanda est une préoccupation pour les résidents de l’est de la RDC

Crédit photo, Chris J. Ratcliffe/Getty Images

Informations sur l’article
  • Auteur, Ousmane Badiane et Innocent Buchu
  • Rôle, BBC Afrique
  • Rapport de Dakar et Goma (RDC)
  • 23 juin 2024

Deux mois après l’adoption dans la nuit du 22 au 23 avril par le Parlement britannique de l’accord controversé autorisant l’envoi de demandeurs d’asile au Rwanda, le sujet continue d’animer les conversations tant au Rwanda qu’à l’étranger. à l’échelle internationale, et notamment chez son voisin, la RDC.

A Goma, à l’est de la RDC, plusieurs citoyens ont exprimé leurs inquiétudes après l’approbation du projet de loi autorisant l’expulsion vers le Rwanda des demandeurs d’asile illégalement au Royaume-Uni.

Pour eux, cette décision représente une menace supplémentaire pour la fragile sécurité de la région.

Les discussions autour de cet accord sont animées dans les rues de la ville de Goma, une région déchirée par des conflits armés depuis plus de 30 ans, et où la situation ne cesse de se dégrader.

« Le rôle du Rwanda dans la région des Grands Lacs et son implication dans l’instabilité régionale sont désormais compris. Il est cependant difficile de comprendre pourquoi un pays civilisé comme la Grande-Bretagne coopère avec le Rwanda, qui continue « d’attaquer la RDC et est accusé par le Burundi de déstabiliser la région », s’interroge Hubert Masomeko, un jeune militant de Goma.

Il ajoute qu’il existe suffisamment de preuves de l’implication du Rwanda dans les troubles pour remettre en question sa capacité à accueillir des réfugiés en toute sécurité. « Le Rwanda n’a pas une très bonne réputation dans la région des Grands Lacs en raison de son activisme », insiste-t-il.

Inquiétudes en RDC

L’inquiétude est partagée par Linda, femme au foyer de 29 ans, qui estime que l’expulsion des réfugiés vers le Rwanda est moralement discutable compte tenu de « l’agression » que ce pays inflige à la RDC. Elle craint également que cette expulsion ne serve à financer des mouvements rebelles dans la région du Nord-Kivu, comme le M23.

Mwana Bwanga, enseignant-chercheur, s’interroge sur la qualité des réfugiés concernés par cet accord et les motivations qui ont conduit à cette décision. « Pourquoi ces réfugiés sont-ils choisis et pourquoi maintenant ? Est-ce dans le but de renforcer le M23 ? Il cherche encore à comprendre les tenants et les aboutissants de cet accord. Mais il maintient que cet accord représente un danger, car selon lui, le Rwanda a du mal à renforcer son bras laïc qu’est le M23.

« Nous devons être vigilants face à cette situation. Le Rwanda est accusé de soutenir le M23. Expulser les réfugiés vers le Rwanda ne ferait qu’accroître cette menace pour l’intégrité territoriale de la RDC », déclare Espoir Bindu.

Ce jeune entrepreneur social appelle les autorités congolaises à prendre cette situation au sérieux, soulignant que cet accord constitue une menace pour la RDC.

L’accord sur les réfugiés a également été contesté à l’échelle mondiale par plusieurs organismes des Nations Unies, organisations de défense des droits de l’homme et organisations caritatives, le qualifiant de « violation du droit international ».

Crédit photo, Mark Kerrison/ via Getty Images

Légende, Amnesty International Royaume-Uni a appelé au rejet du projet de loi sur l’expulsion des demandeurs d’asile vers le Rwanda.

Pour le politologue congolais Bob Kabamba, la question migratoire, dans le contexte politique européen, est une priorité, non seulement pour les hommes politiques, mais aussi pour l’opinion publique européenne ; et par cette mesure, le gouvernement britannique espère réduire le poids émotionnel de l’opinion publique britannique sur ce sujet très sensible outre-Manche.

“Cet accord vise clairement à montrer à l’opinion publique britannique que le gouvernement prend la question migratoire très au sérieux et qu’il prend des mesures efficaces pour apporter une solution à ce problème”, estime M. Kabamba, professeur à l’Université de Liège et coordinateur de la cellule d’appui politique en Afrique Centrale.

L’accord entre le Royaume-Uni et le Rwanda a été adopté sur fond de tensions entre la République démocratique du Congo et le Rwanda.

Devant le Conseil de sécurité des Nations Unies, l’envoyé spécial du secrétaire général pour la région des Grands Lacs, Huang Xia, a même décrit une situation sécuritaire alarmante dans l’est de la RDC, marquée par des tensions persistantes entre ce pays et le Rwanda, avec un risque de incendie.

Le professeur Kabamba estime que cet accord entre le Rwanda et la Grande-Bretagne peut être vu comme un échec de la diplomatie congolaise.

« Quant à la RDC, il faut se rendre compte que pour le Rwanda, cet accord est aussi un gage de respectabilité, il fait aussi partie de ce que nous appelons le soft power du Rwanda vis-à-vis de la communauté internationale. Il s’agit de montrer que le Rwanda est un pays sûr, crédible, capable de répondre clairement aux attentes claires formulées par la communauté internationale, notamment dans l’espace européen, mais aussi spécifiquement britannique. Et de ce fait, tout ce qui accroît la puissance du Rwanda est mal vu du côté congolais, et donc tout succès politique du Rwanda est vécu du côté congolais comme un échec, et ce dans le cadre de la lutte diplomatique que mènent les deux pays. Du point de vue congolais, cet accord est véritablement perçu comme une victoire diplomatique pour le Rwanda et un échec pour la diplomatie congolaise. »

Crédit photo, Getty Images

Légende, Paul Kagame, président du Rwanda et Rishi Sunak, Premier ministre britannique, lors de leur rencontre au 10 Downing Street à Londres, le mardi 9 avril 2024.

L’accord permet aux demandeurs d’asile arrivés illégalement au Royaume-Uni d’être renvoyés au Rwanda, notamment en traversant la Manche.

Cet accord ne devrait pas avoir d’autres conséquences que diplomatiques pour la RDC, estime l’analyste Bob Kabamba.

« Je ne pense pas qu’il y ait un lien de conséquence évidente et directe pour la RDC mais simplement en termes de soft power. Cela signifie que si la Grande-Bretagne réussit en termes de soft power avec le Rwanda, d’autres pays européens envisagent les mêmes mesures, ces pays pourraient également suivre la même approche que Londres, et donc cela pourrait clairement avoir une répercussion sur la position rwandaise sur la scène internationale. scène et donc affaiblir la position diplomatique de Kinshasa car si de nombreux pays signent des accords de ce genre avec le Rwanda, on voit mal comment ces pays pourraient être contre le Rwanda dans le cadre de la campagne que mène le gouvernement congolais pour dénoncer Kigali comme l’agresseur de la RDC et appelle à des sanctions contre le Rwanda », a déclaré M. Kabamba à la BBC.

Aux termes de cet accord de cinq ans, les demandeurs d’asile pourraient obtenir le statut de réfugié et être autorisés à rester au Royaume-Uni si leur demande est acceptée.

En cas de refus, les demandeurs d’asile pourraient demander à s’installer au Rwanda pour d’autres raisons ou demander l’asile dans un autre pays. En revanche, aucun demandeur d’asile ne pourrait à nouveau retourner au Royaume-Uni.

Dans un communiqué, le Premier ministre britannique Rishi Sunak a qualifié l’adoption du projet de loi de « non seulement un pas en avant, mais un changement fondamental dans l’équation migratoire mondiale ».

Voix discordantes à Kigali

Légende, Victoire Ingabire est depuis longtemps une farouche critique du président Paul Kagame.

Le texte a également été vivement critiqué par les partis d’opposition.

Victoire Ingabire, une figure de l’opposition rwandaise autrefois emprisonnée pour atteinte à la sécurité de l’État, a utilisé son cas pour affirmer que les demandeurs d’asile sont mal traités.

« Ce sont des gens qui ont fui leur pays à cause de la pauvreté, à cause de la guerre, à cause des dictatures qu’ils ont dans leur pays », a-t-elle déclaré à la BBC.

“Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement britannique veut absolument envoyer ces gens au Rwanda.”

« Et ils viendront dans un pays où ils seront confrontés aux mêmes problèmes, où ils ne pourront pas s’exprimer librement, où ils n’auront pas le bien-être qu’ils recherchent au Royaume-Uni.

Le gouvernement rwandais a catégoriquement réfuté ces allégations.

S’exprimant lors du Forum sur la sécurité du Qatar en mai, le président Paul Kagame a justifié son choix.

«Depuis 2018, des centaines et des milliers de personnes ont été transportées par avion de Libye vers le Rwanda… C’est ce que le Royaume-Uni a remarqué, je pense, qu’il existait une autre façon de résoudre ce problème, qui était devenu un énorme problème pour eux, quant à toute l’Europe… », a déclaré Paul Kagame, président du Rwanda.

À la mi-juin, le gouvernement rwandais a réfuté les accusations du Haut-commissariat des Nations Unies selon lesquelles les demandeurs d’asile expulsés du Royaume-Uni vers le Rwanda pourraient être relocalisés ailleurs et subir des persécutions.

Dans un communiqué, Kigali les a qualifiés d’« allégations infondées ». du HCR, devant un tribunal de Londres, lors d’une des actions en justice en cours, pour tenter de faire annuler cette décision du gouvernement britannique.

Environ 52 000 personnes pourraient être concernées par l’accord et donc renvoyées au Rwanda conformément à la loi.

Il s’agit de demandeurs d’asile, c’est-à-dire de personnes ayant demandé la protection du Royaume-Uni et arrivées sans autorisation après avoir traversé la Manche à bord d’un canot pneumatique.

 
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