Les castors sèment la discorde

(Doune) Alors que le jour tombe dans le centre de l’Écosse, des castors apparaissent dans un étang, sous le regard fasciné d’un groupe de touristes. Leur enthousiasme est loin d’être partagé par tout le monde dans la région, où ces ingénieux mammifères sont devenus un sujet hautement inflammable.

Caroline TAIX

Agence France-Presse

Les castors, disparus en Écosse depuis environ 400 ans à cause de la chasse, ont été réintroduits en 2009. Dix ans plus tard, au grand désarroi des agriculteurs et des propriétaires fonciers, ils sont devenus une espèce protégée.

Les visites touristiques, organisées pour voir les animaux dans leur habitat, connaissent un grand succès.

« Nous avons vu beaucoup de castors aujourd’hui. […] Je me sens privilégiée», se réjouit Catriona Morrison, une Écossaise de 30 ans spécialiste de la langue gaélique, après un «safari» à la ferme Argaty, qui en plus de protéger les écureuils roux accueille des castors depuis fin 2021.

PHOTO ANDY BUCHANAN, AGENCE FRANCE-PRESSE

Les visiteurs recherchent des castors.

Les mammifères y ont été relocalisés après avoir causé de graves dégâts sur des terres agricoles situées à quelques dizaines de kilomètres de là.

Lynn Bower, la propriétaire d’Argaty, est élogieuse : le chemin agricole « n’est plus inondé en hiver grâce aux barrages construits par les castors ». Ils ont également agrandi les zones humides et des libellules, des grenouilles et des chauves-souris sont apparues.

Ingénieurs naturels

Il y avait près d’un millier de castors en Écosse en 2020/21, selon NatureScot, l’organisme public responsable du patrimoine naturel écossais.

N’ayant pas de prédateur naturel dans la région, ils prolifèrent. Ils ont également été réintroduits dans de nouvelles zones.

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Deux castors marchent près d’un étang.

NatureScot vante son rôle dans la biodiversité et la protection contre les inondations. Ils abattent des arbres, creusent des terriers et des canaux, construisent des cabanes et des barrages.

“Ce sont de merveilleux ingénieurs, mais ils n’ont pas leur place en Écosse”, rétorque fermement l’agriculteur Douglas Neill.

Il regarde, déçu, les camions reconstruire une digue protégeant ses terres des inondations de la rivière Tay.

Elle a abandonné en octobre à cause des terriers creusés par les castors, raconte-t-il. « Ce champ de pommes de terre est devenu un véritable lac. »

Il montre des hangars qui pourraient contenir 3 000 tonnes de légumes : « Ils sont vides, à cause des castors. »

« Les écologistes veulent des castors, mais pensent-ils à ce que nous allons manger ? », s’interroge l’agriculteur qui estime le coût des dégâts à plus de deux millions d’euros. « Si nous voulons continuer à produire notre propre nourriture », nous devons « éradiquer » les castors.

En Angleterre aussi

A quelques dizaines de kilomètres de là, dans les highlands, dans le comté du Perthshire, une Écossaise montre le bois ravagé au-dessus de sa maison. Des dizaines et des dizaines d’arbres sont au sol, les troncs coupés.

Les castors détournaient l’eau qui s’écoulait dans un fossé grâce à leurs barrages et construisaient d’immenses huttes sur un étang. Il y aurait désormais quatre familles.

« Au début, nous pensions que c’était génial d’avoir des castors. Ils sont trop mignons. On ne s’en rendait pas compte», raconte ce retraité qui souhaite garder l’anonymat tant le sujet est conflictuel. Et elle ne souhaite pas voir débarquer des « amoureux des castors » sur ses terres.

PHOTO ANDY BUCHANAN, AGENCE FRANCE-PRESSE

Un castor nage dans un étang.

Son mari voulait laisser pousser des arbres indigènes dans les bois. « Mais nous en avons perdu tellement ! […] Les castors peuvent facilement abattre un arbre en une nuit », a-t-elle déclaré, bouleversée. Ils sont de plus en plus nombreux et elle ne voit pas de solution.

Martin Kennedy, président du syndicat agricole NFU en Écosse, souhaite des « zones d’exclusion totale » pour protéger la production agricole.

NatureScot explique apporter un soutien aux agriculteurs, reconnaissant leurs difficultés. “En dernier recours” et dans un cadre strict, il est possible de tuer des castors. Cela nécessite un permis : NatureScot en a accordé 52 en 2022. Quelques dizaines de mammifères ont ainsi été tués légalement.

Le gouvernement écossais défend une politique de transfert en cas de problème. Les castors furent ainsi déplacés ailleurs en Écosse, mais aussi en Angleterre.

«Je les plains», a déclaré Douglas Neill, traversant son territoire en voiture, à propos des Anglais. “Ils n’ont aucune idée de ce qui les attend dans quelques années.”

 
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