La ministre a annoncé mercredi 13 novembre qu’elle ne se rendrait pas à la COP29 après les attaques du président Aliyev contre la France. Plus tôt dans la journée, l’autocrate azerbaïdjanais avait dénoncé l’histoire coloniale du pays et les « crimes » du « régime du président Macron » dans les territoires d’outre-mer.
Ce sera sans elle. Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition écologique, de l’Énergie, du Climat et de la Prévention des risques a annoncé ce mercredi 13 novembre qu’elle boycottera finalement la 29e conférence des Nations Unies sur le climat (COP29). Le sommet sur le climat s’est ouvert lundi à Bakou, capitale de l’Azerbaïdjan. En l’absence d’Emmanuel Macron, Agnès Pannier-Runacher devait s’y rendre pour représenter la France du 20 novembre jusqu’à la fin des négociations. Mais les tensions diplomatiques entre la France et le pays hôte ont eu raison de son arrivée. Lors d’une séance de questions au gouvernement dans l’hémicycle du Sénat, le ministre a expliqué cette volte-face par les attentats. “inacceptable” de l’autocrate azerbaïdjanais Ilham Aliev, « contre la France et l’Europe ». « Les attaques directes contre notre pays, ses institutions et ses territoires sont injustifiables [et] ne restera pas sans réponse »a-t-elle dénoncé au Palais du Luxembourg, accusant le pays du Caucase d’exploiter « La lutte contre le changement climatique pour un agenda personnel indigne ». Selon l’entourage du ministre, la décision a été prise à midi en concertation avec Emmanuel Macron et son Premier ministre, Michel Barnier.
Que s’est-il passé exactement ? Plus tôt dans la matinée, lors d’un discours à la COP 29, le président Ilham Aliev a pointé du doigt Paris, dénonçant «ses crimes» et le « violations récentes des droits de l’homme » Dans « les territoires dits d’outre-mer ». « Le régime du président Macron a tué 13 personnes et blessé 169 personnes […] lors des protestations légitimes du peuple kanak en Nouvelle-Calédonie »» a-t-il déclaré, vivement applaudi à la fin de son discours par certains représentants des petits États insulaires. Lors des émeutes de mai en Nouvelle-Calédonie, les comptes liés au parti du président Aliev ont massivement relayé les appels au soulèvement. Pour Paris, c’est une question d’ingérence, comme le raconte longuement Libération en mai, une accusation que Bakou rejette. Cependant, l’Azerbaïdjan s’emploie à soutenir les différents mouvements indépendantistes à l’étranger, à travers la création en 2023 du Groupe Initiative de Bakou. Selon l’agence de presse officielle Azertac, il « soutient la lutte pour la liberté dans différentes parties du monde qui souffrent encore du colonialisme au 21e siècle. »
Des diplomates français expulsés
Entre Paris et Bakou, les relations ont commencé à s’assombrir sensiblement à l’automne 2023. La France, historiquement proche de l’Arménie mais qui avait toujours tenté de s’imposer comme médiateur dans la guerre avec l’Azerbaïdjan, a entamé une coopération militaire avec Erevan en octobre, juste après la chute du Haut-Karabakh, conquis par l’armée azerbaïdjanaise. Des véhicules blindés, des radars, des missiles anti-aériens Mistral et des canons César ont été livrés à l’armée arménienne.
Depuis lors, l’Azerbaïdjan a réagi sur plusieurs fronts. Deux diplomates français ont été expulsés en décembre 2023 et plusieurs Français, de passage ou résidant dans le pays, ont été arrêtés. L’un d’eux, Martin Ryan, accusé d’espionnage, est emprisonné depuis près d’un an. Quant au graffeur Théo Clerc, il a été condamné en septembre à trois ans de prison pour avoir peint des voitures du métro de Bakou. Le Quai d’Orsay a depuis déconseillé aux Français de se rendre, “sauf raison impérative”, dans le pays en raison de « risque d’arrestation et de détention arbitraires ».
Programme inchangé pour les équipes de négociation françaises
Dans ce contexte, la France avait donc décidé de se rendre à la COP29 en comité réduit, pour garantir « représentation politique minimale », retrace une Source gouvernementale »,avec une présence ministérielle seulement en fin de séquence », en la personne d’Agnès Pannier-Runacher. Plan révisé à la hâte ce mercredi 13 novembre. « La France est l’une des principales voix mondiales en matière d’action climatique et a joué un rôle central lors des précédentes COP, a réagi sur le réseau social X (anciennement Twitter) le commissaire européen chargé de l’action climatique, Wopke Hoekstra. Indépendamment des désaccords bilatéraux, la COP devrait être un lieu où toutes les parties se sentent libres de venir négocier sur l’action climatique. Devant les sénateurs, la ministre de la Transition écologique a précisé que le programme de « Les équipes françaises de négociation » n’a pas changé. « Ils ne ménageront pas leurs efforts avec mon assistance à distance » elle veut croire. Présent à Bakou depuis le début de la semaine, Kévin Magron, l’ambassadeur français pour le climat par intérim, continuera d’animer les échanges sur place.
Au-delà des attaques contre la France, Paris n’a pas non plus apprécié les propos répétés de l’autocrate sur les énergies fossiles, qui représentent 90 % des revenus d’exportation de son pays. « Citez-moi quand je dis que c’est un don de Dieu. Je veux le répéter ici aujourd’hui, devant ce public.Ilham Aliev l’a répété mardi à l’ouverture du sommet. « Toute ressource naturelle, pétrole, gaz, éolien, solaire, or, argent, cuivre : ce sont des ressources naturelles et il ne faut pas reprocher aux pays de les posséder et de les fournir aux marchés, car les marchés en ont besoin »a-t-il ajouté, réitérant des propos déjà tenus au printemps. En début de soirée, Agnès Pannier-Runacher a répondu au micro de Public Sénat : “Nous sommes clairement dans une provocation.”